CASE REPORT / CAS CLINIQUE
UN CAS D’ANÉVRISME DISSÉQUANT DE L’ARTÈRE CAROTIDE INTERNE SECONDAIRE À UNE DYSPLASIE FOCALE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : CAS CLINIQUE ET REVUE DE LA LITTERATURE
DISSECTING ANEURYSM OF THE INTERNAL CAROTID ARTERY DUE TO FOCAL DYSPLASIA IN SUB-SAHARAN AFRICA: A CASE REPORT AND LITERATURE REVIEW
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RESUME Nous rapportons le cas d’un AVC du sujet jeune, secondaire à un anévrisme disséquant du bulbe carotidien, chez lequel l’aspect angioscannographique est évocateur d’une dysplasie focale atypique. Cette pathologie rare, décrite préférentiellement chez le sujet de race noire, n’a jamais été décrite en Afrique subsaharienne. A partir d’une revue de littérature, nous en rappelons les arguments du diagnostic clinique et radiologique. Son potentiel de récidive élevé sous traitement médical et l’efficacité avérée du traitement chirurgical nécessite donc qu’elle soit connue et diagnostiquée par les praticiens exerçant dans cette zone géographique. Mots clés : AVC – dissection – dysplasie – Race noire – Afrique ABSTRACT We report a case of ischemic stroke in a 38-year-old patient, related to a dissecting aneurysm of the carotid bulb, in which the angioscannographic aspect is evocative of an atypical focal dysplasia. This rare disease, described preferentially in black subjects, has never been reported in sub-Saharan Africa. Through a literature review, we recall the arguments of the clinical and radiological diagnosis. Its high potential for recurrence with medical treatment only and the proven effectiveness of surgical treatment therefore requires that it should be known and diagnosed by practitioners working in this geographical area. Key words: Stroke- dissection – dysplasia – black race – Africa INTRODUCTION Les étiologies des AVC du sujet jeune sont dominées par les dissections des artères cervico-céphaliques (3), en particulier celles de l’artère carotide interne. Ces dissections sont le plus souvent spontanées et peuvent être sous-tendues par des anomalies de la paroi artérielle. La plus fréquente de ces anomalies est la dysplasie fibromusculaire, pathologie diffuse du tissu conjonctif, retrouvée dans 15 à 20% des cas (8). Cependant, des dysplasies focales rares, décrites préférentiellement chez les sujets de race noire ou asiatique dans les pays occidentaux, ont été incriminées dans la genèse de dissections carotidiennes (4). Nous n’avons retrouvé aucune publication sur ces dysplasies focales en Afrique subsaharienne, où vit la majorité de la population de race noire. Nous rapportons ainsi le premier cas suspect de cette pathologie dans cette région, à Abidjan (Côte d’Ivoire) et en faisons une revue de littérature. OBSERVATION Un homme de 38 ans, porteur d’une HTA découverte à l’occasion d’un malaise mal défini 3 mois auparavant, a présenté un infarctus sylvien droit (figure 1), responsable d’une hémiplégie gauche complète, précédée de céphalées durant plusieurs jours, associée à une héminégligence visuospatiale. Le score du NIH à l’admission était de 12. DISCUSSION Cet AVC du sujet jeune, par dissection de la carotide interne proximale nous a amené, en raison de son aspect radiologique particulier, à discuter de ces dysplasies focales très rares, décrites au sein de populations noires (4). Celles-ci se caractérisent par un aspect particulier en angioscanner : une sténose effilée ayant l’allure d’un diaphragme ou d’un éperon au niveau d’un bulbe carotidien dilaté. Joux et al ont publié récemment la plus large cohorte de patients porteurs de cette anomalie, 25 sujets dont 7 avaient une confirmation histologique du diagnostic (4). Dans notre observation, bien que ne disposant pas d’examen histologique, cette étiologie nous a paru la plus probable. La découverte récente d’une HTA aurait pu faire discuter de la responsabilité d’une sténose d’origine athéromateuse. Seulement, l’absence d’autres facteurs de risque, et la normalité par ailleurs du bilan de retentissement de l’HTA rendent cette dernière cause très improbable, en particulier si l’on utilise les critères diagnostiques de la classification ASCOD (1). L’aspect effilé de la sténose était plutôt évocateur d’un « diaphragme » comme rapporté par Kubis et al. et par Joux et al. (6, 4), dont la lésion élémentaire serait une dysplasie fibromusculaire atypique focale. Celle-ci comporterait une désorganisation de la paroi artérielle, composée d’une matrice lâche avec du tissu dématié, des cellules éparses en fuseau entraînant une hyperplasie de l’intima, une média peu modifiée avec simplement une diminution discrète des fibres élastiques, remplacées par du tissu fibreux. Ces lésions ne comporteraient ni inflammation, ni calcification, ni thrombus, comme on pourrait l’observer dans l’athérosclérose (4). Il est vrai cependant que très récemment, Chaari et al. ont publié deux observations similaires de patients d’origine africaine, dont un Ivoirien, chez lesquels les anomalies histologiques étaient suggestives d’athérome, bien que l’analyse histologique se soit limitée à l’intima des artères, où une hyperplasie intimale avec un infiltrat inflammatoire et des cellules spumeuses ont été mises en évidence (2). Il est intéressant de noter que chez ces deux patients, une femme de 34 ans et un homme de 48 ans, aucun facteur de risque d’athérosclérose n’avait été retrouvé en dehors d’une contraception orale chez la première. Il est donc impossible d’affirmer avec certitude l’étiologie de ce type particulier de sténose uniquement sur la base d’aspects radiologiques évocateurs, même si dans ces deux cas, l’échodoppler avec utilisation d’un produit de contraste montrait un rehaussement vasculaire, normalement absent dans les lésions de dysplasie, non vascularisées (2). Ce premier cas rapporté d’accident vasculaire cérébral ischémique probablement lié à une dysplasie focale atypique chez un patient noir en Afrique subsaharienne souligne la nécessité de reconnaître cette maladie rare au sein de cette population. La prédominance raciale doit encore être confirmée chez les noirs Africains. L’hypothèse que cette pathologie pourrait être plus répandue en Afrique subsaharienne est plausible et nous appelons les cliniciens à la rechercher systématiquement par un angioscanner des troncs supra-aortiques pour en identifier les aspects spécifiques. Nous pourrions ainsi en évaluer le potentiel de récidive et le besoin de traitement chirurgical pour ces patients. REFERENCES
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