CASE REPORT / CAS CLINIQUE
UN CAS DE THROMBOLYSE A LA PHASE AIGÜE D’UN INFARCTUS CEREBRAL AVEC LE TENECTEPLASE AU CONGO
CASE OF THROMBOLYSIS IN ACUTE STROKE WITH TENECTEPLASE IN CONGO
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RESUME Nous rapportons un cas de thrombolyse utilisant le tenecteplase, d’évolution favorable chez un patient de 49 ans, hypertendu, tabagique, admis pour une hémiplégie et une hémihypoesthésie gauches associées à une dysarthrie et une désorientation temporospatiale. Le score NIHSS initial était à 18. Le scanner cérébral réalisé à 2h05 du début était normal avec un score ASPECT à 10. Il a bénéficié d’une thrombolyse avec le tenecteplase 0,1mg/kg à 3h10. L’évolution a été marquée par une régression du déficit neurologique avec un score NIHSS à 1 à 24 heures. Le scanner de contrôle a noté une dédifférenciation cortico-sous-corticale avec légère hypodensité dans le territoire postérieur de l’artère cérébrale moyenne droite. Le traitement par thrombolytique est possible en Afrique subsaharienne, en dépit de l’accès difficile aux médicaments. ABSTRACT We report a case of thrombolysis using tenecteplase, with a good outcome in a patient of 49 years old, with history of hypertension and smoking, who was admitted with left hemiplegia and hypoesthesia associated with dysarthria and disorientation. The initial NIHSS score was 18. CT scan performed at the 2:05 start was normal with an ASPECT score to 10. He received thrombolysis with tenecteplase 0.1 mg / kg at 3:10. The 24h outcome was marked by a regression of the neurological deficit with an NIHSS score at 1. The CT scan noted a mild hypodensity in the posterior territory of the right middle cerebral artery. Thrombolysis in acute stroke is possible in Sub-Saharan Africa, despite a limit access to drugs. INTRODUCTION La thrombolyse en phase aigüe d’un infarctus cérébral reste l’unique traitement efficace (6), depuis les résultats de ECASSIII (3), la fenêtre thérapeutique est passée de 3 heures à 4 heures 30 minutes. L’alteplase (rt-PA) est le seul médicament validé et couramment utilisé. Le tenecteplase qui est un thrombolytique utilisé en cardiologie, dont l’utilisation est plus facile que l’alteplase, est une alternative de plus en plus étudiée en neurologie (4,7,13) mais qui ne bénéficie pas encore d’une autorisation de mise sur le marché dans l’infarctus cérébral. L’utilisation d’un médicament thrombolytique en neurologie exige un minimum de conditions, de préférence dans une unité neurovasculaire, un service de réanimation ou de cardiologie. En Afrique sub saharienne, les patients bien qu’éligibles à une éventuelle thrombolyse, n’en bénéficient pas pour de multiples raisons notamment l’accessibilité à l’imagerie médicale (IRM ou scanner cérébral), l’absence d’unité spécialisée de prise en charge et le cout du médicament thrombolytique. Un cas de thrombolyse avec le tenecteplase a été rapporté au Kenya avec de bons résultats (2). Au Congo, aucune thrombolyse n’a été réalisée en notre connaissance dans la cadre de la prise en charge d’un infarctus cérébral, et les médicaments thrombolytiques ne sont pas disponibles dans les pharmacies hospitalières. Nous rapportons le premier cas de thrombolyse intraveineuse, utilisant le tenecteplase chez un patient expatrié. CAS Il s’agit d’un patient de 49 ans, hypertendu et tabagique à raison de 42 paquet-années, expatrié, droitier. Il a présenté à 14h35, de façon brutale sans facteur favorisant, une hémiplégie gauche et des difficultés d’élocution. Il a été aussitôt conduit en milieu hospitalier. L’examen neurologique à l’admission a noté une hémiplégie gauche globale et proportionnelle, une hémi-hypoesthésie sévère homolatérale, une dysarthrie et une désorientation temporo-spatiale. Le score NIHSS était à 18. Le cur était régulier sans bruit surajouté. La pression artérielle était à 145/85mm Hg. Il a bénéficié d’un scanner cérébral sans injection réalisé à 2h05 du début, qui était normal (figure 1), le score ASPECT était à 10/10. Le bilan biologique d’hémostase, la glycémie et la numération formule sanguine étaient dans les limites de la normale. Il n’avait aucune contre-indication à la thrombolyse tant sur le plan des antécédents qu’au bilan d’hémostase. La thrombolyse a été indiquée et réalisée par un neurologue, neurovasculaire ; le médicament thrombolytique a été fourni par le centre médico-social de l’ambassade de France sur place. Le patient a bénéficié d’une thrombolyse à raison de 0,1mg/kg de tenecteplase, avec une surveillance régulière sur scope multiparamétrique à cinq électrodes, de la pression artérielle non invasive, de la saturation périphérique en oxygène, du tracé électrocardiographique et de l’état neurologique durant 24heures. Le scanner de contrôle réalisé après 24heures a noté une dédifférenciation cortico-sous-corticale et une légère hypodensité dans le territoire postérieur de l’artère cérébrale moyenne droite (Figure 2). Le bilan étiologique incluant un électrocardiogramme, une échocardiographie, un doppler des troncs supra-aortiques, était normal. L’évolution clinique a été marquée par l’amélioration du score NIHSS à 8 après 2h de traitement, puis le lendemain à 1, il persistait juste une gêne au niveau du membre inférieur gauche. DISCUSSION La thrombolyse au cours d’un accident vasculaire cérébral n’a jamais été réalisée au Congo. Notre cas présente un double intérêt, la thrombolyse en dehors d’une unité neurovasculaire, et l’utilisation de tenecteplase à la place de la rt-PA. La thrombolyse peut être réalisée en dehors d’une unité neurovasculaire, mais exige au minimum une expertise médicale comme dans notre cas, ainsi qu’un matériel de surveillance des paramètres vitaux. L’utilisation systématique du score NIHSS (8) permet non seulement d’évaluer la sévérité du déficit neurologique, d’indiquer la thrombolyse pour un score compris entre 4 et 22, comme chez notre patient (score NIHSS à 18), mais aussi d’assurer une surveillance clinique afin de mieux apprécier l’évolution. Parsons et al (12,13) rapportent dans leurs séries une amélioration significative du score NIHSS à 24 heures après utilisation du tenecteplase par rapport au rt-PA. L’imagerie de choix à la phase aigüe d’un infarctus cérébral est l’IRM qui permet de mettre en évidence des lésions précoces et d’en évaluer l’étendue, mais pour des raisons d’accessibilité, le scanner cérébral réalisé sans injection du produit de contraste reste l’examen le plus utilisé (16). Il est utile pour éliminer une hémorragie cérébrale, et évaluer l’étendue des lésions cérébrales en tenant compte soit des signes précoces de l’ischémie qui peuvent être un effacement des noyaux gris centraux, un effacement des sillons corticaux ou une dédifférenciation cortico-sous corticale, soit de la présence d’un thrombus visible dans une branche artérielle (1,5,10). Le score ASPECT est le plus utilisé en imagerie cérébrale pour évaluer le pronostic et le risque hémorragique avant la réalisation d’une thrombolyse (5,11). Le scanner cérébral initial de notre patient était normal. Dans la série de Mejdoubi et al (10) sur 30 patients, 9 avaient un scanner normal. Schellinger et al (15) ont rapporté que la sensibilité du scanner dans la détection des signes précoces varie de 31 à 71% suivant les séries. Dans les séries publiées, les transformations hémorragiques sont moins fréquentes avec le tenecteplase qu’avec l’alteplase (9,14). Le tenecteplase, chez notre patient, bien que n’ayant pas une autorisation de mise sur le marché dans la thrombolyse intraveineuse, a été utilisé pour trois raisons : sa disponibilité dans la structure hospitalière, son efficacité démontrée dans les études de phases II et III (4) bien que ces essais cliniques aient été réalisés sur de faibles effectifs, et sa facilité d’utilisation. Sa demi-vie étant plus longue que celle de la rt-PA. Smadja et al (14) ont montré sur un faible effectif l’efficacité et la bonne tolérance d’un bolus de tenecteplase en cas d’echec de recanalisation avec la rt-PA. L’évolution favorable de notre patient avec une amélioration de 17 points au score NIHSS en 24 heures montre l’efficacité du tenecteplase comme l’ont aussi rapporté Parsons et al (12). Ce résultat est également superposable au cas rapporté par Cohen (2) au Kenya. CONCLUSION La thrombolyse est une thérapeutique efficace dans l’infarctus cérébral. Elle peut être réalisée en Afrique sub-saharienne, avec un minimum de conditions. Le tenecteplase pourrait être une alternative efficace et facile à utiliser dans l’infarctus cérébral. Bien que la dose de 0,1mg/kg semble être adaptée, plusieurs études doivent être réalisées pour mieux apprécier la dose efficace, et la tolérance.
REFERENCES
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