CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
UNE CAUSE RARE DE COMPRESSION MEDULLAIRE : ANGIOLIPOME RACHIDIEN (A PROPOS DE 4 CAS)
SPINAL ANGIOLIPOMA: A RARE ETIOLOGY OF MEDULLARY COMPRESSION (ABOUT FOUR CASES)
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RESUME Introduction Objectifs Méthode Résultats Conclusion Mots clès : Angiolipome, épidural, laminectomie, imagerie par résonance magnétique, rachis. ABSTRACT Introduction Objectives Method Results Conclusion Key words: Angiolipoma, epidural, laminectomy, magnetic resonance imaging, spine. INTRODUCTION L’étude des angiolipomes a souvent été intégrée à celle des lipomes par les différents auteurs. En 1912, Bowen [5] décrit un cas d’angiolipome comme une forme de lipome. En 1960, Howard et Helwig [11] ont décrit pour la première fois l’angiolipome comme une entité anatomopathologique à part contenant des éléments angiomateux et lipomateux à partir d’une étude ayant porté sur 288 cas de lipomes où ils ont identifié 17 % des angiolipomes. Une étude récente concernant tous les cas publiés dans la littérature a recensé 100 cas au total [2]. Depuis, quelques cas sporadiques ont été rapportés [9]. Dans 90°/° des cas les angiolipomes affectant le système nerveux central, siègent au niveau du canal rachidien [3] et constituent 2 à 3% de l’ensemble des tumeurs rachidiennes [23]. L’angiolipome épidural intéresse semble t-il tous les âges, Le pic de fréquence se voit surtout chez l’adulte qui constitue 89,1% contre 6,5% des patients jeunes (enfants et adolescents) dont l’âge varie entre 4 et 18 ans [9]. Les données de la littérature signalent une nette prédominance dans le sexe féminin avec un sex-ratio entre 1,2 et 1,6 [24]. OBSERVATIONS Nous rapportons ci-après les quatre observations d’angiolipome dorsal. Pour toutes ces observations, nous avons réalisé une laminectomie avec exérèse macroscopiquement totale. L’étude anatomopathologique a confirmé la nature angiolipomateuse de la tumeur (fig. 1). L’évolution post-opératoire a été marquée par une récupération totale chez tous nos patients dans un délai variant entre un mois et 6 mois. La rééducation fonctionnelle a été un complément thérapeutique systématique chez tous nos patients. Observation N° 1 : Patiente âgée de 30 ans, mariée et enceinte avec un âge gestationnel estimé à 30 semaines d’aménorrhée. La patiente n’avait pas d’antécédents médico-chirurgicaux particuliers qui a présentée 1 mois avant son admission une lourdeur des 2 membres inférieur d’aggravation progressive sans troubles génito-sphinctériens. A l’admission, l’examen clinique a trouvé une paraplégie spastique de grade B de FRANKEL. L’exploration de la sensibilité a mis en évidence une hypoesthésie des deux membres inférieurs avec un niveau sensitif xiphoïdien. L’examen obstétrical a trouvé des bruits cardiaques ftaux positifs et bien perçus avec un bon développement morphologique ftal à l’échographie obstétricale. Une IRM médullaire a été réalisée en urgence ayant objectivé un petit îlot graisseux au coin postéro-inférieur de la quatrième vertèbre dorsale, associé à une collection épidurale postérieure hétérogène, en hypersignal T1 et T2, contenant des zones en isosignal T1 et hypersignal T2 témoignant d’un hématome épidural au stade subaigu. Observation N° 2 : Patient âgé de 41 ans ayant comme antécédent une tuberculose pulmonaire traitée et déclaré guéri. Le début de la symptomatologie remontait à six mois par l’installation progressive de dorsalgies localisées au niveau du rachis thoracique moyen. Cette symptomatologie s’est aggravée trois mois plus tard par une lourdeur progressive des deux membres inférieurs rendant la marche de plus en plus difficile, et par des troubles génito-sphinctériens à type d’impériosité mictionnelle et de dysfonctionnement érectile. L’examen neurologique a révélé une paraparésie permettant la marche avec aide (grade D de FRANKEL). L’IRM médullaire a objectivé un processus lésionnel intracanalaire, siégeant en regard de la cinquième, sixième et septième vertèbre dorsale, de structure tissulaire, isointense à la moelle en T1, hyperintense en T2, assez homogène et rehaussé intensément par le Gadolinium. Ce processus comprime et refoule à droite la moelle épinière, en regard de la face postérieure du corps de la sixième vertèbre dorsale. Il élargit également le foramen droit des sixième et septième vertèbres dorsales et s’étend vers les parties molles extraforaminales. Observation N° 3 : Patiente âgée de 44 ans, traitée pour tuberculose ganglionnaire. La patiente a présentée 18 mois avant son admission des rachialgies dorsolombaires, à type de tiraillement, à paroxysme nocturne, et 12 mois après, la patiente rapporte l’installation progressive d’une lourdeur des deux membres inférieurs avec difficulté à la marche. Plus tard, la patiente accuse des fuites urinaires. Observation N° 4 : Jeune étudiante de 19 ans, célibataire, hospitalisée au service de Neurologie en Décembre 2006 pour une lourdeur des deux membres inférieurs évoluant depuis deux mois. La patiente accuse depuis 10 mois des douleurs dorso-lombaires, à type de picotement, à paroxysme nocturne, rebelles au traitement antalgique usuel. Plus tard, la patiente rapporte des dysesthésies au niveau des deux membres inférieurs sans troubles génito-sphinctériens associés. L’évaluation neurologique a révélé une paraparésie permettant la marche avec aide (Grade D de FRANKEL), avec un syndrome pyramidal aux deux membres inferieurs, le reste de l’examen neurologique était sans anomalies. L’IRM médullaire a mis en évidence un processus lésionnel intracanalaire, épidural postérieur, en hyposignal T1, hypersignal T2, rehaussé de façon nette par l’injection du produit de contraste. Ce processus s’étend de la quatrième à la huitième vertèbre thoracique et comprime le cordon médullaire (Fig. 2). DISCUSSION L’étiopathogénie des angiolipomes épiduraux rachidiens a suscité pour longtemps un grand débat chez les scientifiques, mais le problème n’est pas tout à fait résolu. Des études récentes menées à ce sujet n’ont pas pu trancher entre l’hypothèse dysembryogénique et celle malformative. Selon la première hypothèse, on peut considérer que ces cellules souches, sous l’influence de facteurs inconnus, vont se différencier soit en lipome ou en angiome, soit en une entité intermédiaire qui est l’angiolipome [7]. Il a été également proposé que l’angiolipome soit une forme intermédiaire d’un processus qui va ranger un lipome pur en un hémangiome à partir des cellules mésenchymateuses pluripotentes [10]. Les auteurs ayant soutenu cette hypothèse considèrent les angiolipomes comme des hamartomes résultant d’une malformation ou d’un dysfonctionnement des cellules des crêtes neurales [15]. Ces lésions doivent être considérées comme des tumeurs congénitales. On peut admettre que l’angiolipome aurait pour point de départ des cellules extradurales mésenchymateuses à potentialité multiple qui se développent suite à des stimuli traumatiques, inflammatoires ou hormonaux [19], et que cette présence anormale des cellules mésenchymateuses peut être considérée comme une malformation en même temps. La cause de cette prédominance reste indéterminée. Toutefois, les facteurs hormonaux (stimulation hormonale) sont très incriminés, étant donné le nombre élevé de patientes atteintes en péri-ménopause (82,2%) [2]. Pour certains auteurs, l’obésité constitue un facteur de risque . On peut stipuler que l’excès de poids serait à l’origine d’une expansion rapide de la taille de la tumeur en augmentant sa composante adipeuse. La grossesse serait aussi un facteur favorisant. Cette proposition est plus appuyée par les données de la littérature [4] Les mécanismes évoqués sont d’une part, les changements vasculaires et hémodynamiques de la grossesse contribuent à l’élargissement d’un hématome préexistant [22]. La volémie augmente de 30 à 50% et culmine à 32 semaines d’aménorrhée ; elle peut alors causer la distension des tissus angiomateux. D’autre part, la pression veineuse augmente à partir du septième mois de gestation, à la suite de l’augmentation du volume utérin, ce qui gène le retour veineux normal. Cette augmentation de pression va non seulement comprimer mais aussi diminuer la pression de perfusion de la moelle épinière et favoriser ainsi une souffrance médullaire précoce. Enfin, les changements hormonaux de la grossesse sont aussi incriminés dans la croissance de la composante angiomateuse préexistante par modification structurale de la paroi vasculaire [12]: la progestérone maternelle en augmentant la distension veineuse, et l’oestrogène par son effet inducteur sur la prolifération vasculaire. L’espace épidural postérieur semble être de loin le siège le plus fréquent (85%) [16]. Parfois, la tumeur s’étend latéralement vers l’avant et les trous de conjugaison sans envahir les tissus avoisinants. Le compartiment antérieur est rarement affecté par cette lésion [23]. La durée moyenne d’évolution des symptômes est habituellement supérieure à un an, allant de 12 à 18 mois [18]. L’évolution clinique des angiolipomes intraduraux est relativement brève (5 mois) par rapport à ceux extraduraux [8]. Bien que la compression médullaire lente décrit le tableau habituel, plusieurs facteurs pouvant contribuer à la précipitation de la symptomatologie clinique ont été identifiés. Parfois, il peut s’agir aussi d’une hémorragie intra-lésionnelle aiguë, responsable d’un hématome expansif rapidement compressif ayant comme facteur declanchants : une prise medicamenteuse, la grossesse, un effort physique ou un traumatisme. L’aspect macroscopique habituel des angiolipomes extraduraux est brun jaunâtre, peu adhérent aux tissus de voisinage. Ces tumeurs sont facilement clivables de la dure-mère. L’architecture microscopique générale est souvent décrite comme lobulaire ; il s’agit d’une prolifération faite par la juxtaposition de lobules d’adipocytes matures normaux et pour un ou deux tiers de son volume, de cavités vasculaires. Le tissu adipeux est de type adulte. Il est formé d’adipocytes matures normaux réguliers, sans anomalie de structure. Les cellules jointives sont regroupées le plus souvent en îlots [6]. Le principal intérêt de cette technique est de permettre une réduction du saignement peropératoire rendant ainsi l’abord chirurgical le moins hémorragique possible. Elle doit être réalisée 24 à 48 heures avant l’intervention chirurgicale. le pronostic fonctionnel des patients opérés est particulièrement bon dans le cas des angiolipomes épiduraux rachidiens ; la récupération est estimée complète dans 91% pour les angiolipomes non infiltrants et 57% pour les angiolipomes infiltrants [19]. Les séquelles neurologiques sont rarement décrites et restent minimes. Par ailleurs, en cas de résection partielle, il faut redouter le risque de la réévolution estimé à 12,5%. Dans ce cas, le patient doit être informé du risque d’aggravation en cas de prise de poids ou de grossesse d’une part. D’autre part, des contrôles IRM à intervalles réguliers s’avèrent nécessaires [14]. CONCLUSION La localisation épidurale rachidienne des angiolipomes constitue une cause rare de compression médullaire lente, avec site de prédilection dorsale, histologiquement constitués d’éléments angiomateux et lipomateux matures. Les angiolipomes ont souvent un caractère bénin. Leur étiopathogénie demeure encore discutée entre l’hypothèse dysembryogénique et celle malformative. REFERENCES
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