CASE REPORT / CAS CLINIQUE
ABCÈS INTRA ORBITAIRES : À PROPOS DE DEUX CAS
ORBITAL ABSCESSES: 2 CASES REPORT
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RESUME Introduction Objectifs Patients et méthode Conclusion Mots clés : abcès intra orbitaire, cellulite intra orbitaire, tomodensitométrie ABSTRACT Background Aim of the study Patients and methods Conclusion Key words: orbital abscess, orbital cellulitis, CTscan. INTRODUCTION Les infections de la région orbitaire sont caractérisées par la présence d’une tuméfaction orbitaire inflammatoire d’origine infectieuse. On distingue d’une part les cellulites péri- orbitaires pré septales situées en avant du septum orbitaire plus fréquentes mais d’évolution favorable, et les cellulites orbitaires rétro septales situées en arrière du septum orbitaire moins fréquentes mais plus graves mettant en jeu le pronostic fonctionnel de l’il, de ses annexes voire le pronostic vital. PATIENTS ET METHODE L’étude rétrospective porte sur les cas d’abcès intra orbitaire répertoriés dans le service entre Janvier et Juin 2007. Les patients ont bénéficié d’un examen neuro-ophtalmologique, d’un examen tomodensitométrique crânio-encéphalique sans et avec injection de produit de contraste et d’un bilan infectieux comprenant l’hémogramme et la culture des prélèvements de pus provenant de la collection suppurée. Nous n’avons pas pratiqué de prélèvement au niveau des conjonctives ni d’hémoculture. Le traitement a consisté en une poly antibiothérapie associant ampicilline et gentamycine par voie parentérale pendant 21 jours poursuivie par l’association amoxicilline- acide glavulanique par voie orale pendant trois mois. Ce traitement médical a encadré la chirurgie au cours de laquelle, nous avons pratiqué une orbitotomie supérieure avec évacuation – drainage dans les cas d’abcès collecté intra orbitaire et une trépanation avec ponction évacuation dans les cas d’abcès du cerveau. En cas de cellulite orbitaire pseudo tumorale non collectée aucun geste chirurgical n’était pratiqué sur la lésion. L’évolution a été jugée sur les critères cliniques : tuméfaction orbitaire, acuité visuelle, motricité oculaire, signes de localisation neurologique RESULTATS Durant la période étudiée, nous avons répertorié 2 cas d’abcès orbitaires; il s’agissait de deux patientes âgées de 10 et 28 ans. Toutes ont été adressées par le service d’Ophtalmologie pour une tuméfaction péri orbitaire douloureuse, accompagnée de fièvre et de céphalées. Le début de la symptomatologie remontait à 10 jours et un mois marqué par des céphalées diffuses en casque accompagnées de fièvre avec chez la dame des frissons. Elles ont toutes été suivies et traitées pour paludisme dans un Centre de Soins et de Promotion Sociale premier niveau de la pyramide de santé qui en compte cinq dans notre pays ;la plus âgée avait des antécédents de sinusite chronique traitée par des infusions. L’apparition secondaire d’une tuméfaction orbitaire a motivé la référence dans le service d’Ophtalmologie. A l’entrée, l’examen général montrait dans les deux cas une altération de l’état général avec une fièvre modérée de 38o5 C chez l’enfant et de 370 8 chez la dame. 37 o8 C dans le cas de cellulite. L’examen neuro-ophtalmologique a retrouvé chez les deux patientes une tuméfaction orbitaire de l’oeil gauche prenant seulement la paupière supérieure dans un cas et généralisée à toute l’orbite, s’étendant à la paupière inférieure avec un chémosis dans l’autre cas. Il existait un strabisme externe dans les deux cas, une ophtalmoplégie complète avec une acuité visuelle normale dans un cas et une exophtalmie avec une baisse de l’acuité visuelle à 5/10 à gauche et 8/10 à droite dans le cas l’autre cas L’examen neurologique était normal dans les deux cas. L’évolution a été rapide dans un cas avec la survenue brutale d’un état confusionnel avec obnubilation et fistulisation à la paupière imposant une intervention chirurgicale en urgence. Le scanner a montré une fois un volumineux abcès subpériosté caractérisé par une masse hétérogène en cocarde, hypodense au centre avec une prise de contraste annulaire périphérique de siège supéro-externe déviant l’orbite en dedans ; il n’y avait pas de lésion intra crânienne associée (fig1). Dans le deuxième cas, il existait une masse latéro-interne homogène prenant discrètement le contraste et associée à un abcès du lobe frontal (fig2). Il existait dans tous les cas une opacité des sinus ethmoïdaux avec dans le cas d’abcès collecté un canal ostéitique rempli de pus en communication avec la collection intra orbitaire (fig2). Tous les malades on été opérés et les prélèvements de pus ont permis l’isolement d’un staphylococcus aureus dans un cas et d’un pseudomonas aeroginosa dans l’autre. COMMENTAIRES Les abcès orbitaires sont des complications peu fréquentes des infections des sinus para nasaux ; Chaudry (3) rapporte une incidence annuelle de 14,5 cas, Nageswaran (5) 5,9 cas, Hermann (4) 5,6 cas, Suneetha (8) 4,6 cas, Starkey (7) 4,5 cas et Ailal (1) 1,29 cas. Nous rapportons ici nos deux premiers cas depuis sept ans. Il s’agit essentiellement d’une pathologie du grand enfant âgé de plus de 5-7 ans (1,3,5) dans notre expérience il s’agissait d’une enfant de 10 ans et d’une adulte jeune de 28 ans. Il existe une prédominance masculine classique (1,3,5,6) alors que dans nos cas, il s’agissait de sujets féminins. Selon Nageswaran (5), cette prédominance masculine surtout chez l’enfant devrait être mise sur le compte d’une fréquence plus importante des infections sévères chez les hommes. Certains auteurs ont noté une incidence raciale ; Hermann (4) a retrouvé une prédominance chez les noirs américains (75%) ; Nageswaran (5) par contre, trouve un taux plus important de sujets de race blanche (78%) ; l’incidence semble plus forte en Arabie Saoudite avec 14,5 cas par an (1). Cependant, aucune conclusion définitive ne saurait être tirée ; serait ce un biais de recrutement fonction des zones ? Dans notre étude l’infection orbitaire siégeait toujours à l’oeil gauche. Chaudry (3) rapporte une latéralisation droite dans 50,5% des cas. Dans notre série l’infection orbitaire a été dans tous les cas secondaire a une sinusite ethmoïdale ; nos résultats sont comparables a ceux de la littérature (1, 4, 5, 6, 8). L’atteinte de l’orbite est le plus souvent une contamination de voisinage à partir d’une infection des sinus para nasaux. La paroi interne de l’orbite est très mince et poreuse, véritable lamina papyracée qui permet une extension par porosité de l’infection au travers des multiples déhiscences des sutures de l’orbite, des canaux osseux congénitaux ou ostéitiques et le long des plans des différents tissus. La contamination peut être indirecte par l’intermédiaire d’une thrombophlébite au niveau de l’important réseau de veines péri-orbitaires dépourvues de valves anti retour favorisant la propagation de l’infection de voisinage et les embolies (1,6,8). Le mécanisme de la contamination a été direct dans les deux cas de notre série. Dans le premier cas avec un volumineux abcès subpériosté, il s’est agi d’un ensemencement direct par un canal fistuleux rempli de pus et faisant communiquer directement les cavités du sinus ethmoïdal et la cavité orbitaire (figI). Dans le deuxième cas la sinusite chronique a été responsable de deux types de complications ; une première complication de voisinage par propagation à l’orbite entraînant une cellulite chronique sous forme de granulome inflammatoire pseudo tumoral intra orbitaire, et une deuxième complication intracrânienne sous forme d’un abcès frontal d’origine thrombo-embolique. Les signes cliniques de début sont caractérisés par un syndrome infectieux peu spécifique associant fièvre, céphalées sans ou avec des frissons faisant évoquer sous nos latitudes un paludisme, ce d’autant que le bilan infectieux para clinique est souvent normal. La TDM est en effet un examen performant qui permet de faire un bilan précis des lésions intra orbitaires, d’étudier les lésions osseuses et sinusiennes et de rechercher des complications intracrâniennes (3, 4, 6, 8). La cavité orbitaire est un endroit bien contrasté ; le cône musculaire, le nerf optique et le globe oculaire sont des éléments denses par rapport à la graisse peri-orbitaire permettant ainsi une bonne lecture des lésions. L’abcès apparaît comme une masse homogène ou hétérogène avec en périphérie une coque hyperdense prenant le contraste en cocarde. Dans notre expérience l’abcès était isolé sub périosté, de siège supéro-externe dans un cas et dans l’autre il s’agissait d’un granulome inflammatoire orbitaire dense prenant le contraste latéro-interne associé à un abcès frontal. Il existait dans tous les cas une corrélation anatomo – radiologique ; Herrmann (4) rapporte une telle corrélation dans 84% des cas. Dans un cas (50%) il s’agissait de lésions bifocales orbitaire et intra crânienne, Herrman (4) rapporte de telles associations dans 9,3% des cas, Suneetha 15,4%(8), Chaudry 7,7%(3). Pour Herrman (4) les complications intracrâniennes échappent dans 50% à la tomodensitométrie. L’imagerie par résonance magnétique est alors nécessaire pour une meilleure analyse des lésions intracrâniennes ; mais il s’agit d’un examen coûteux lent et souvent indisponible dans nos pays en voie de développement. Les examens neuroradiologiques classiques ont vu leur intérêt baisser avec l’arrivée du scanner et de l’IRM. La radiographie standard met en évidence la présence d’une sinusite para nasale en montrant une opacité sinusale et un épaississement des muqueuses nasales ; la présence d’un niveau hydro-aérique au niveau de l’orbite est fortement présomptive d’un abcès orbital. L’échographie de l’orbite est efficace pour l’étude des lésions situées en avant de l’orbite mais elle est moins performante dans les régions de l’apex et en arrière du globe oculaire. Cet examen garde son intérêt dans la surveillance des abcès sous traitement médical (8). L’antibiothérapie constitue le traitement de première intention devant une cellulite orbitaire. Ce traitement associé à une surveillance ophtalmologique et échographique sera adopté pendant 24 à 48 heures. En l’absence d’une amélioration clinique, un traitement chirurgical sera indiqué. La chirurgie sera aussi proposée en présence d’un volumineux abcès intra orbitaire, d’une ophtalmoplégie complète ou d’une baisse de l’acuité visuelle (1, 5,6, 7). Pour d’autres auteurs l’indication chirurgicale s’impose dès que le diagnostic est posé car différer l’intervention expose le nerf optique à souffrir d’une forte traction liée au volume de la collection et à une névrite optique toxique (6,8). Dans notre expérience le retard au diagnostic et au traitement a abouti une fois à une fistulisation cutanée exposant la cornée et le segment antérieur de l’il et une autres fois à un abcès du cerveau responsable d’un tableau d’hypertension intracrânienne et d’une baisse bilatérale de l’acuité visuelle. La prise en charge des abcès orbitaires est pluridisciplinaire et nécessite une collaboration étroite entre radiologues, ophtalmologistes, oto-rhino-laryngologistes, et neurochirurgiens en fonction du siège de la ou des collections suppurées et des lésions associées (2,4,8). Les abcès orbitaires latéro-internes seront drainés par orbitotomie externe ou par endoscopie par un oto-rhino-laryngologiste ; ce drainage sera complété par une ethmoïdectomie et une antrotomie maxillaire en cas de sinusite. Les autres localisations intra orbitaires seront drainées par orbitotomie externe ou supérieure par un ophtalmologiste ; les collections intracrâniennes sont traitées par craniotomie avec évacuation drainage par un neurochirurgien (4). Dans notre expérience l’antibiothérapie a été prolongée pendant trois mois à cause de la présence d’une ostéite ethmoïdale et de l’abcès du cerveau. Bien traités, le pronostic des abcès orbitaires est favorable ; tous nos patients ont été guéris sans séquelles avec une récupération complète de l’acuité visuelle et des paralysies oculomotrices ; l’exophtalmie a disparu avec une fonte progressive du granulome inflammatoire intra orbitaire. La séquelle la plus classique de ces affections est la cécité ; Sunnetha (8) en rapporte dans 46,15% des cas et Chaudry (3) 2,56%. La cécité est liée essentiellement à un retard de diagnostic et de traitement ; ce retard explique également des complications intracrâniennes qui à leur tour sont responsables de séquelles neurologiques à type d’hémiparésie (1). CONCLUSION Bien que rares, les abcès intra orbitaires méritent d’être connus, recherchés et traités à temps. Le diagnostic est essentiellement clinique permettant la mise en place rapide d’une polyantibiothérapie adéquate. La tomodensitométrie sera demandée lorsqu’il apparaît des signes d’atteinte rétroseptale : ophtalmoplégie, exophtalmie, baisse de l’acuité visuelle. Il ne faut cependant pas hésiter à demander plus tôt cet examen, car non traité à temps l’abcès orbitaire évolue vers la cécité voire le décès.
BIBLIOGRAPHIE
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