CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
BILAN DE 24 MOIS D’ACTIVITES NEUROCHIRURGICALES AU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL LOME COMMUNE (TOGO)
24 MONTHS OF NEUROSURGERY AT REGIONAL HOSPITAL CENTER OF LOME COMMUNE (TOGO)
EGU Komi
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RÉSUMÉ Objectif Présenter et discuter les résultats de l’activité neurochirurgicale au Centre Hospitalier Régional Lomé Commune. Patients et Méthode Nous avons mené une étude rétrospective de Juillet 2014 à Juillet 2016, incluant les patients opérés pour une affection neurochirurgicale. Les paramètres étudiés étaient épidémiologiques, diagnostiques, chirurgicaux et évolutifs. Résultats Cent quatre-vingt-douze patients ont été opérés. Leur âge moyen était de 42,14 ans [0-72]. Le sex ratio était de 1,94 en faveur des hommes. La durée moyenne du séjour hospitalier en post opératoire était de 8,2 jours. Les affections dégénératives du rachis ont été la première pathologie concernée par la chirurgie (49,48%), suivies des traumatismes du rachis (17,19%). L’évolution a été favorable dans 90,1% des cas, pour l’ensemble de la série. Nous avons noté 1,6% de cas d’infection du site opératoire, sur l’ensemble de la série. Conclusion Les résultats sont encourageants pour l’ensemble de la série. L’essor de la pratique neurochirurgicale au Togo nécessite la création d’unités neurochirurgicales indépendantes, une amélioration du plateau technique et une coopération multidisciplinaire. Mots clés : Activité neurochirurgicale, Lomé, neurochirurgie, Togo. ABSTRACT Objective To present and discuss the neurosurgical practice at the Regional Hospital Center of Lomé (Togo).
Patients and Method We conducted a retrospective study from July 2014 to July 2016 (24 months), for all patients who underwent surgery. The studied parameters were epidemiological, diagnostic, surgical and evolution. Results 192 patients underwent surgery. The average age were 42.14 years and the sex ratio 1.94. Degenerative (49.48%) and spine neurotraumatology diseases were frequently observed (17,19%). Post-surgical evolution was favorable in 90.1% and 1.6% of the patients had post-surgical infections. Conclusion Our results are encouraging. The treatment’s condition need an improvement on our technical environment, a ward dedicated to neurosurgery and a multidisciplinary cooperation. Key words: Neurosurgical practice, Togo, Neurosurgery, Lomé. INTRODUCTION : Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, les conditions d’exercice de la neurochirurgie sont loin d’être réunies, par les difficultés d’accès aux soins des populations, le manque de neurochirurgiens et le caractère insuffisant du plateau technique (28). L’épidémiologie des affections neurochirurgicales en Afrique subsaharienne a fait l’objet de peu de travaux pouvant permettre de définir les besoins de façon qualitative et quantitative (11). Au Togo, entre 2014 et 2017, pour une population de 7,606 millions d’habitants, il existait deux centres pour la prise en charge des affections neurochirurgicales dans la capitale Lomé. Il s‘agissait du Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio (CHU SO) et le Centre Régional Lomé Commune (CHR LC). Depuis 2017, un regroupement en un seul service de Neurochirurgie a été fait au CHU SO. Il nous a donc semblé intéressant de faire le bilan de nos activités sur une période de deux ans, au CHR Lomé Commune. Les objectifs de ce travail sont de présenter et discuter les résultats de l’activité neurochirurgicale. PATIENTS ET METHODE Nous avons réalisé une étude descriptive, à recueil de données rétrospectif, de Juillet 2014 à Juillet 2016 (24 mois). L’étude s’est déroulée au CHR Lomé commune, dans le service de chirurgie. Il s’agit d’un service ayant une capacité de 20 lits, regroupant les activités de chirurgie digestive (3 praticiens, durant la période d’étude), traumatologie (1 praticien, durant la période d’étude), ORL (1 praticien, durant la période d’étude) et de neurochirurgie (1 neurochirurgien, durant la période d’étude). La neurochirurgie partage une même salle opératoire avec la traumatologie orthopédie. Nous avons inclus dans l’étude tous les patients hospitalisés et opérés pour une affection neurochirurgicale. Tous les patients avaient réalisé un scanner et/ou une IRM. Dans la salle opératoire, nous ne disposons d’aucun équipement spécifique pour la pratique neurochirurgicale. Le neurochirurgien se devait d’amener une instrumentation basique de neurochirurgie (boîte de crâne et de rachis) pour chaque intervention. La collecte des données a été réalisée sur la base d’un registre classant les patients par pathologie, tenu à partir des dossiers médicaux des patients. Les données ont été enregistrées et traitées dans un fichier Microsoft Excel, version 14.2.0 (120402). Les paramètres étudiés étaient épidémiologiques, diagnostique, chirurgicaux et évolutifs. RESULTATS Données générales Durant la période d’étude, 565 patients ont été vus en consultation programmée de neurochirurgie. Trois cent cinquante-deux patients ont été hospitalisés pour une affection neurochirurgicale. Deux cent vingt et un (62,78%) ont été admis en urgence. Le tableau 1 montre les caractéristiques cliniques et évolutives des patients hospitalisés, avec comme premier motif d’hospitalisation les traumatismes crâniens (37,22%). Les accidents de la voie publique sont responsables de 92,36% de ces traumatismes crâniens. Les motocyclistes sont incriminés dans 61,83% de ces accidents (Tableau 2). Données chirurgicales Durant notre période d’étude, 192 patients ont été opérés. Leur âge moyen était de 42,14 ans [0-72]. Le sex ratio était de 1,94 (112 hommes pour 80 femmes). La durée moyenne du séjour hospitalier en post opératoire était de 8,2 jours. Les affections dégénératives du rachis ont constitué la moitié de notre activité chirurgicale (Tableau 3). Les femmes au foyer et les fonctionnaires sont les plus touchés par cette pathologie (Tableau 4). Six méningiomes de la convexité ont été opérés (3 hommes et 3 femmes). L’examen anatomopathologique était en faveur d’un méningiome de grade I dans 3 cas (50%), d’un méningiome grade dans 2 cas (33,33%) et dans 1 cas (16,67%), un méningiome de grade III. Le taux de réalisation du scanner était de 100% pour toute la série. Le tableau 5 présente les modalités d’évolution des patients opérés dans notre série. Nous avons eu recours à l’appel téléphonique lorsque le patient n’était pas revu en contrôle. La durée moyenne de suivi a été de 12 mois. DISCUSSION Nous avons réalisé une étude rétrospective sur une période de 24 mois. Cette étude, qui rapporte des données d’ordre général, ne précise pas les caractéristiques des patients dans chaque groupe pathologique. L’intérêt de cette étude était de de montrer l’étendue de l’activité neurochirurgicale globale et d’apprécier les résultats en tenant compte des conditions techniques de prise en charge. Cette connaissance du profil des patients à prendre en charge en neurochirurgie dans un contexte de pratique récente permet de préparer les praticiens à un équipement et une attitude adaptés aux besoins des populations (9). La cohabitation de plusieurs spécialités chirurgicales (chirurgie digestive, traumatologie et orthopédie, ORL et neurochirurgie), dans un seul service, sans répartition adéquate du personnel paramédical, n’optimise pas la prise en charge des patients. Cela ne permet pas non plus l’épanouissement de ces spécialités. De plus, l’absence de salle opératoire spécifiquement dédiée à la neurochirurgie, retarde la prise en charge des cas urgents. La neurochirurgie est une spécialité dont le développement impose le recours à des outils diagnostiques indispensables, notamment la tomodensitométrie et l’imagerie par résonnance magnétique (7). L’existence du scanner et de l’IRM dans la capitale Lomé, a rendu aisé le diagnostic dans nos conditions de travail. Toutefois, l’accessibilité n’est pas évidente pour toutes les bourses. Le scanner sans injection coûte dans le public : 38,8 euros (pour un SMIG à 53 euros), où il n’est souvent pas opérationnel. Il n’est disponible et fonctionnel que dans un seul des deux CHU de la ville de Lomé. Les patients sont dans ce cas obligés de se rendre dans des structures privées où il coûte en moyenne le double. L’IRM n’est disponible dans aucune structure publique du pays. Elle n’est réalisable que dans le privé (3 centres en disposent actuellement). Son coût reste cependant élevé : 182,93 euros (sans injection de produit de contraste). L’amélioration de l’accessibilité de ces examens et dans les délais, en passant par une réduction systématique de leurs coûts, dans les hôpitaux, permettra une prise en charge plus efficiente (7). Les urgences traumatiques ont constitué le principal mode d’admission dans notre étude avec un taux de 49,44% (Tableau 1). Ce taux est loin des 81,3% de celui de RABIU BT et al. (27), en zone rurale au Nigéria. Notre faible taux pourrait s’expliquer par la coexistence de deux services de neurochirurgie dans la ville de Lomé, pendant la période de l’étude. D’une part, le CHR LC qui a constitué notre cadre d’étude, a une capacité d’accueil plus réduite que le CHU SO. D’autre part, la majorité des patients traumatisés sont conduits en premier au CHU SO, avant d’être redirigés parfois vers le CHR LC, en cas de manque de place. Dans les pays à faible revenu, 90% des personnes n’ont pas accès aux soins neurochirurgicaux basiques (22). L’accès à ces soins permettrait de réduire de façon considérable les décès liés aux traumatismes (30). La mortalité globale liée aux traumatismes est de 16,06% dans notre étude. Dans la littérature, cette mortalité varie entre 5 et 25%, selon les séries (9,13,24). Les traumatismes crânio-encéphaliques constituent un problème de santé publique mondial, en termes de mortalité, de morbidité et de répercussions économiques (21). Ils sont souvent l’apanage du sujet jeune (30). Dans notre série, l’âge moyen est de 28,25 ans pour les traumatismes crâniens, avec une prédominance masculine (sex ratio = 5,33). Cette prédominance du sexe masculin est retrouvée chez des auteurs comme MOTAH et al. (24), et COULIBALY et al. (5). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les hommes sont exposés à des activités quotidiennes à risque (conduite, activité professionnelle amenant à plus de déplacement). Les accidents de la voie publique constituent la première cause de traumatisme crânien dans notre série (92,36%). COULIBALY, EKOUELE MBAKI et MOTAH, (5, 9, 24) ont trouvé respectivement 80%, 93,6% et 91,35%. La fréquence des accidents de la voie publique est élevée dans les pays en développement, contrairement aux pays développés où l’incidence des traumatismes crâniens est en baisse constante, grâce à la prévention routière (29). En Norvège, les chutes constituaient la première cause de traumatismes crâniens (51%) (2). La mortalité globale des traumatismes crâniens dans notre série est de 5%, contre 19,53% chez MOTAH et al.(24) et 10% chez EKOUELE MBAKI et al.(9). Les traumatismes rachidiens ont représenté 32,4% des hospitalisations dans notre série, avec un âge moyen de 32,4 ans. MOTAH et al. avaient trouvé une moyenne d’âge de 37 ± 17 ans pour les traumatismes vertébro-médullaires (25). La mortalité de notre série est de 11,06%. Elle est comprise entre 7 et 35% en Afrique subsaharienne et 5,6% dans les pays occidentaux (15,19). Les affections dégénératives du rachis ont constitué environ la moitié de notre activité neurochirurgicale (49,48%), avec en tête le canal lombaire étroit (38,54%). Cette affection représente le premier motif de consultation rhumatologique en Afrique noire (14). Fatigba et al.(12), a trouvé une fréquence de 41% sur l’ensemble des affections rachidiennes hospitalisées. Au Burkina Faso, Kabré et al. (18) rapporte une fréquence de 37,7%. La survenue d’une pathologie dégénérative du rachis semble ne pas être liée à une profession particulière dans notre travail (Tableau 2) (12). Les hématomes sous duraux chroniques ont représenté 4,26 % des hospitalisations de notre série avec un âge moyen de 60,18 ans. Dans la littérature, la prévalence des hématomes sous duraux chroniques varie entre 2,3% et 19% (4, 16, 20). En Afrique subsaharienne, la survenue d’hématome sous dural chronique est rapportée chez des sujets jeunes (1, 6, 23). En Angleterre, Jones et Kafetz (17) ont rapporté une moyenne d’âge de 83,8 ans. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que l’espérance de vie est plus élevée dans les pays développés (17). Tous les patients de notre série ayant un hématome sous dural chronique ont été opérés avec une bonne évolution post opératoire (100%). Cette évolution favorable est rapportée par MWANYOMBET (26) DJIENTCHEU (8) et BANKOLE (3) qui ont trouvé respectivement 70,56%, 91,3%, 93,7%. Les méningiomes intracrâniens ont représenté 3,12% de notre activité chirurgicale, avec une prédominance du grade I (50%). EKPENE et al. (10), au Ghana, ont noté une prédominance de cette forme histologique parmi les cas de méningiomes répertoriés dans son étude, avec un taux de 29,7% (10). La petite taille de notre population de méningiomes constitue une limite dans notre étude. Les infections post opératoires ont concerné 1,6% des patients de notre série. Il s’agissait d’une infection superficielle chez trois patients opérés pour un canal lombaire étroit. Aucun germe n’a été isolé à la culture du pus. EKOUELE M’BAKI et al. ont noté un taux de 7,53% d’infection dans leur série (9). La sélection des patients pouvant être pris en charge dans notre centre, a influencé la mortalité globale de notre série (1,6%). EKOUELE M’BAKI (9) qui n’avait pas de critère restrictif dans sa série, a une mortalité de 8,9%. CONCLUSION : La neurotrauamtologie et les affections dégénératives du rachis ont représenté l’essentiel de notre activité. Les résultats ont été encourageants. La création temporaire d’un deuxième service de neurochirurgie, a permis la prise en charge de ces patients. L’essor de la pratique neurochirurgicale au Togo, nécessite la création d’unités neurochirurgicales indépendantes, une amélioration du plateau technique et une coopération multidisciplinaire.
Tableau 1 : Caractéristiques des patients hospitalisés et leur évolution
Tableau 2: Mécanismes des traumatismes crâniens
Tableau 3: Nombre de patients par pathologie opérée.
Tableau 4: Répartition des patients opérés pour canal lombaire étroit selon la profession
Tableau 5: Evolution post opératoire
REFERENCES :
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