CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
BILAN DE L’ACTIVITE PEDIATRIQUE AU SERVICE DE NEUROCHIRURGIE DU CHU DE YOPOUGON A ABIDJAN DE 2008 A 2015
ASSESSMENT OF PEDIATRIC ACTIVITY AT THE NEUROSURGERY DEPARTMENT OF THE YOPOUGON UNIVERSITY HOSPITAL CENTER IN ABIDJAN FROM 2008 TO 2015
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RESUME Description Le service de Neurochirurgie de Yopougon était jusqu’à 2015 le seul service public de neurochirurgie en Côte d’Ivoire. En 2008 une unité pédiatrique a été créée comportant 10 lits. Objectif Etablir le bilan de l’activité neurochirurgicale pédiatrique effectuée dans l’unité. Méthodes Etude rétrospective à visée descriptive de l’activité neurochirurgicale dans l’unité d’hospitalisation pédiatrique sur une période de 8 ans, de janvier 2008 à Décembre 2015. Tous les patients âgés de 0 à 15 ans hospitalisés durant la période d’étude ont été inclus. Les paramètres étudiés étaient épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques. Résultats L’activité pédiatrique représentait 15,8% de toute l’activité du service, avec une moyenne de 50,88 admissions par an. La durée moyenne d’hospitalisation était de 19 jours avec un taux d’occupation moyen des lits de 96%. Le sex ratio était de 1,39 avec un âge moyen de 50,60 mois, les nourrissons étant 42,3%. La pathologie malformative représentait 50% des cas dominée par l’hydrocéphalie (41,5%). La traumatologie a représenté 27,6% des cas. La pathologie tumorale venait en 3ième position (9,1%). 87,5 % des malades ont été opérés. Les indications étaient dominées par la dérivation ventriculo-péritonéale. L’évolution a été favorable dans 92,4% des cas opérés. Le taux global de mortalité était de 10,3%. Conclusion La pathologie pédiatrique occupe une place importante dans le service de neurochirurgie du CHU de Yopougon. Elle concerne essentiellement les nourrissons de sexe masculin ayant une pathologie malformative. Mots clés : Abidjan, Bilan d’activité, Côte d’ivoire, Neurochirurgie, Pédiatrie. SUMMARY Description The Neurosurgery Department of Yopougon was until 2015 the only public neurosurgery department in Côte d’Ivoire. In 2008, a pediatric unit was created with 10 beds. Objective To assess the pediatric neurosurgical activity performed in the unit. Methods Retrospective descriptive study of the neurosurgical activity in the pediatric hospitalization unit over a period of 8 years, from January 2008 to December 2015. All patients aged 0 to 15 years hospitalized during the study period were included. The parameters studied were epidemiological, diagnostic and therapeutic. Results Pediatric activity represented 15.8% of the total activity of the department, with an average of 50.88 admissions per year. The average length of hospitalization was 19 days with an average bed occupancy rate of 96%. The sex ratio was 1.39 with an average age of 50.60 months, infants being 42.3%. Malformative pathology accounted for 50% of cases, dominated by hydrocephalus (41.5%). Traumatology represented 27.6% of cases. Tumor pathology came in 3rd position (9.1%). 87.5% of the patients were operated on. The indications were dominated by ventriculo-peritoneal shunt. The evolution was favorable in 92.4% of the operated cases. The overall mortality rate was 10.3%. Conclusion Pediatric pathology occupies an important place in the neurosurgery department of the University Hospital of Yopougon. It mainly concerns male infants with malformative pathology. Key words: Abidjan, Activity report, Ivory Coast, Neurosurgery, Pediatrics. INTRODUCTION La neurochirurgie pédiatrique se démarque de celle de l’adulte par la spécificité de ses gestes et l’existence des pathologies propres à l’enfant, telles que les hydrocéphalies, les crâniosténoses, les épendymomes et les médulloblastomes. (6) De 1990 à 2015, le service de neurochirurgie du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Yopougon était le seul service public de neurochirurgie en Côte d’Ivoire et recevait les patients sans distinction d’âge. En 2008 une unité de pédiatrie a vu le jour en son sein, comportant 10 lits d’hospitalisation. Depuis la création de cette unité spécialisée, aucun bilan d’activité n’a été réalisé. Nous venons par cette étude dresser le bilan de l’activité pédiatrique dans le service de Janvier 2008 à Décembre 2015. PATIENTS ET METHODES Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive à visée analytique, réalisée au CHU de Yopougon, ayant intéressé les dossiers d’enfants âgés de 0 à 15 ans inclus, entre le 1er Janvier 2008 et le 31 Décembre 2015, soit une période de huit années consécutives. Ont été étudiés les paramètres suivants : données épidémiologiques (Age, Sexe, Lieu de résidence, Fréquence, Provenance, Durée d’hospitalisation, Délai d’hospitalisation), données cliniques (Motif d’hospitalisation, Diagnostic clinique, Type de pathologie), données paracliniques (Type d’imagerie, Lésions observées à l’imagerie), données thérapeutiques (Distribution de la prise en charge, Type de traitement médical ou chirurgical, Indication chirurgicale, Evolution). Nous avons appelé enfant, tout patient âgé de 1 à 5475 jours (15 ans), nouveau-né, un enfant âgé de 1 à 28 jours, et nourrisson, un enfant âgé de 28 à 730 jours (02 ans).
RESULTATS Données épidémiologiques Pendant la période d’étude 3236 patients ont été hospitalisés. Parmi eux, 511 étaient de la tranche d’âge comprise entre 1 et 15 ans soit une proportion de 15,79%. Le sexe masculin représentait 58,2% des hospitalisés, avec un sex-ratio de 1,39. (Figure 1). La moyenne d’âge était de 50,60 mois avec des extrêmes de 01 jour et 182,5 mois. Les nourrissons représentaient 42,3 % des hospitalisés suivis des grands enfants (35,4 %) (Figure 1). 44,22 % des enfants étaient scolarisés, 225 (55,28%) d’entre eux résidaient à Abidjan, 36,36% provenaient de localités hors d’Abidjan et 6,14% venaient des pays limitrophes (Figure 2). La moyenne annuelle d’hospitalisations était de 50,88 avec des extrêmes de 30 et 79. Deux pics de fréquence ont été identifiés, en 2008 (17,2%) et en 2013 (19,4%) (Figure 3). Données cliniques et paracliniques Le motif d’hospitalisation était la macrocrânie dans 40,8%, et le traumatisme crânio-encéphalique dans 21,2%. (Tableau I). A l’examen physique, le syndrome d’hypertension intracrânienne (HTIC) a été retrouvé dans 52,6 %, suivi par le syndrome d’irritation corticale dans 10,8 % des cas. (Tableau II) Une imagerie a été réalisée dans 94,84% des cas, parmi lesquels 96,89% de scanners. Les patients ayant réalisé un scanner étaient au nombre de 374 sur les 386 cas. La TDM crânio-encéphalique était réalisée dans 89,1% des cas et l’IRM encéphalique dans 81,8% des cas. La pathologie malformative était représentée dans 50% des cas et la pathologie traumatique dans 30,8% des cas. (Figure 4). L’hydrocéphalie représentait 40,8% des cas. (Tableau III) Données thérapeutiques et évolutives Le délai moyen de prise en charge était de 13 jours avec pour extrême 01 jours et 46 jours. Au total, 90,4% des patients hospitalisés ont été pris en charge et 96,7% d’entre eux ont reçu un traitement chirurgical, dont 40,7% une dérivation ventriculo-péritonéale. Le taux global de chirurgie était de 87,5%. Le délai de suivi était de 60 jours pour la moyenne avec des extrêmes de 30 jours et 90 jours. L’évolution après traitement était favorable dans 92,4% des cas. Neuf cas de complications post-opératoires étaient retrouvés dont 04 septicémies. Sur 08 cas de séquelles, 06 étaient un déficit moteur. Les causes de décès étaient l’altération de la conscience dans 22 cas sur 31 décès et la détresse respiratoire dans 06 cas. Parmi les patients décédés, 10 (soit 32%) avaient fait plus d’un mois de séjour hospitalisé. Le taux global de mortalité était de 10,3%. (Figure 5). Le taux d’occupation moyen des lits durant la période de notre étude était de 96 % (Figure 6). La durée moyenne de séjour (DMS) était de 19 jours avec pour extrême 01 jour et 90 jours. Les hydrocéphalies avaient une durée moyenne de séjour de 27,5 jours. Les empyèmes et des tumeurs cérébrales avaient respectivement 25,8 et 24,8 jours. (Tableau III) DISCUSSION Le CHU de Yopougon (CHUY), est un Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial (E.P.I.C) créé par le Décret N° 89-341 du 05 avril 1989 et modifié par le Décret N° 2001-650 du 19 octobre 2001 (7). Le service de neurochirurgie, ouvert en 1990, dispose de 11 salles d’hospitalisations avec une capacité de 40 lits dont 10 dédiés aux enfants, 01 bloc opératoire propre à la neurochirurgie, 01 bloc opératoire commun avec le service des urgences pour les urgences septiques, 01 bureau de consultation. L’unité de neurochirurgie a été créée en janvier 2008 par le Professeur Vincent Ba Zézé alors Chef du service, sur proposition du Docteur Espérance Broalet, alors assistante chef de clinique. Depuis sa création jusqu’en 2015, elle était dotée de 10 lits d’hospitalisations réparties dans deux chambres dont une pour les affections « septiques » de 03 lits, et l’autre « aseptique » de 07 lits. En plus de ces deux chambres, des chambres adultes étaient très souvent sollicitées lorsque les capacités d’accueil pédiatrique étaient atteintes. Il n’y avait pas de personnel dédié à cette unité, son fonctionnement était confondu à celui du service de neurochirurgie. Données épidémiologiques La pédiatrie représentait 15,79% de l’activité en accord avec Kassidi qui dans sa série avait trouvé 16,73% (8). Par contre, dans la série de Koné et al, la pédiatrie représentait 40% de l’activité (9). La majorité des enfants était des nourrissons, eu égard à la prédominance de la pathologie malformative. La prédominance des sujets de sexe masculin était similaire à celle retrouvée par Cantagrel et al (1) et Gatti et al (5), en France, qui avaient trouvé respectivement un sex-ratio de 1,3 et 1,21. De 2009 à 2011, le taux de fréquentation du service a été influencé par la fermeture du service et sa délocalisation pour cause de travaux de réhabilitation, puis par la situation socio-militaro-politique. A partir de 2011, nous avons constaté une reprise croissante de fréquentation du service avec sa réouverture d’où le pic observé en 2013. La fréquence d’hospitalisation globale reste supérieure à celles des séries de Claudet et al à Toulouse en France (2) faisant 58 enfants enregistrés de 2001 à 2009, mais inférieure à celle des séries de Gatti en France (5), de Mamy et al à Madagascar (11), et de Lamghabbar et al au Maroc (10) faisant respectivement 199 hospitalisations en 01 an, 308 de 1999 à 2003 (04 ans) et 2133 de 1998 à 2004. La durée d’hospitalisation supérieure à 15 jours pouvait s’expliquer par le mauvais état général fréquent à l’entrée, les pathologies infectieuses dont le traitement était long, les complications post-opératoires et l’indisponibilité du plateau technique. En outre le retard dans la programmation des interventions chirurgicales alourdissait la durée d’hospitalisation. Cette durée d’hospitalisation est plus longue que celle observée lors de l’étude menée à Madagascar par Mamy et al (11) qui était de 04 jours. Données cliniques et paracliniques Le motif de consultation était soit un symptôme, soit la pathologie, soit un état (polytraumatisme). Les pathologies étaient souvent connues à l’admission dans 41,1% des cas. L’hydrocéphalie était la pathologie dominante expliquant la prédominance de la macrocrânie et de l’hypertension intracrânienne. Schneider et al (14) évoquait l’importance de l’hydrocéphalie qui faisait partie des tâches essentielles de la neurochirurgie pédiatrique. L´hydrocéphalie est l´une des pathologies les plus fréquentes en neurochirurgie pédiatrique. Elle représente un facteur important de morbimortalité (12). Au Bénin, l’hydrocéphalie constitue environ 50% de la demande de soins de neurochirurgie pédiatrique (4). La moitié de l’activité concernait la pathologie malformative. Cette prédominance de la pathologie malformative est retrouvée dans la série de Lamghabbar et al (10) au Maroc et celle de Mamy et al à Madagascar (11). Elle représentait 7% dans l’étude de Koné (9) et 7,94 % dans l’étude de Ekouélé et al (3). Par contre, la pathologie traumatique représentait la 1ière cause de consultation dans celle de Cantagrel et al (1) en France. Les TCE venaient en 2ème position et concernaient les grands enfants qui constituaient la tranche d’âge active dans cette population pédiatrique. La TDM et l’IRM ont permis le diagnostic dans la majorité des cas. L’IRM est l’examen de choix dans le diagnostic des pathologies encéphaliques malformatives. Données thérapeutiques et évolutives La prise en charge était essentiellement chirurgicale. Cette prédominance du traitement chirurgical est également constatée dans l’étude réalisée à Madagascar par Mamy et al (11) où le taux de chirurgie était de 100%. En effet en dehors de la pathologie traumatique, les patients étaient généralement hospitalisés lorsqu’il y avait une indication de chirurgie. La dérivation ventriculo-péritonéale était le geste chirurgical prédominant en corrélation avec la prédominance des hydrocéphalies (14). Le délai de prise en charge était un problème majeur, il était de 13 jours en moyenne. Le taux de chirurgie global dans notre étude était supérieur à ceux de réalisé par Mamy à Madagascar (11) et par Gatti et al en France (5), respectivement de 14% et 21%. L’évolution était favorable dans l’ensemble des cas. Le nombre de décès après intervention était de 11 cas, supérieur à celui de l’étude menée par Mamy et al (11) qui était de 04 cas sur 308. Le taux de mortalité global se rapprochait de celui de Mamy à Madagascar (11) qui était de 8%. Ce taux reste élevé, lié aux complications post opératoires surtout infectieuses des dérivations ventriculo-péritonéales et des exérèses tumorales. Avant la chirurgie, les principales causes de décès étaient l’hypertension intracrânienne des tumeurs cérébrales, l’altération de l’état de conscience des hydrocéphalies et des abcès, et enfin le retard de la prise en charge. Indicateurs de santé La DMS est un indicateur de l’efficience d’un service, plus elle est courte mieux ça vaut en terme d’économie de la santé. Dans notre étude, elle était de 19 jours, supérieure à celle de Mamy et al à Madagascar (11) qui était de 04 jours et du Maroc (10) de 08 jours. Cette DMS était variable selon la pathologie considérée, la plus longue DMS était celle de l’hydrocéphalie (30,2 jours). Cela pourrait s’expliquer par le retard de prise en charge lié au manque de moyens financiers des parents mais également par la fréquence des complications post-opératoires qui rallongeaient la durée d’hospitalisation. Selon Pham, la DMS pour une dérivation ventriculo-péritonéale passait de 7,3 jours à 50 jours selon qu’il s’agisse d’une première implantation ou d’une reprise pour infection (13). Dans l’étude de Cantagrel et al (2), la DMS variait également en fonction de l’âge : 03 jours pour les enfants avant 07 jours de vie, de 09 jours pour ceux entre 07 jours et 28 jours, enfin de 60 jours pour ceux de plus de 28 jours. De façon générale, Le taux d’occupation des lits a mis en évidence une forte utilisation des lits d’hospitalisation qui serait due aux longues durées d’hospitalisation. Aussi il faut noter qu’il s’agit de la seule unité de neurochirurgie pédiatrique du pays. Le faible taux d’utilisation observé en 2010 et 2011 pourrait s’expliquer par la crise militaro-politique qu’a connu le pays. CONCLUSION Bien que réduite, l’unité de pédiatrie occupe une place très importante au sein du service de neurochirurgie du CHU de Yopougon. L’activité neurochirurgicale pédiatrique hospitalière est dominée par la prise en charge de l’hydrocéphalie et concerne essentiellement les nourrissons de sexe masculin. La moitié des patients proviennent de localités situées hors d’Abidjan. Les résultats de la prise en charge bien que globalement satisfaisante, restent marqués par des complications et des décès. Il serait souhaitable d’améliorer ses performances par la création d’un véritable service de neurochirurgie pédiatrique.
FIGURES
TABLEAUX Tableau I : Distribution des hospitalisés selon les motifs d’hospitalisation (N=407)
Tableau II : Distribution des hospitalisés selon le diagnostic syndromique neurologique (N=407)
Tableau III : Distribution des hospitalisés opérés selon la pathologie, l’indication et les durées moyennes de séjour selon les différentes pathologies (N=356).
*DMS : Durée Moyenne de Séjour ; **DVP : Dérivation Ventriculo-Péritonéale REFERENCES
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