CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
CRISES EPILEPTIQUES AU COURS DE LA TOXOPLASMOSE CEREBRALE CHEZ LES PATIENTS IMMUNODEPRIMES AU VIH.
SEIZURES DURING CEREBRAL TOXOPLASMOSIS IN HIV/AIDS PATIENTS.
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RESUME Objectif Matériel méthodes Mots clés : Toxoplasmose cérébrale, VIH, Crises épileptiques, Douala, Cameroun. ABSTRACT Objective Material and methods Keys words: cerebral toxoplasmosis, HIV/AIDS, seizures, Douala and Cameroon. INTRODUCTION La toxoplasmose cérébrale est la complication neurologique la plus fréquente au cours de l’infection par le VIH avec une prévalence estimée à 36% au Cameroun [9]. Les crises épileptiques peuvent survenir à tous les stades évolutifs de l’infection par le VIH mais elles sont fréquentes au cours de la toxoplasmose cérébrale [4,8]. L’objectif de ce travail était de déterminer la prévalence, le type, la fréquence et les traitements des crises épileptiques au cours de la toxoplasmose cérébrale et identifier les facteurs associés à leur survenue. MATERIEL ET MÉTHODES Il s’agissait d’une étude descriptive rétrospective réalisée à l’unité de neurologie du service de Médecine interne de l’Hôpital Général de Douala entre janvier 2000 et Décembre 2012. Douala est la capitale économique du Cameroun et compte environ 3 millions d’habitants. L’Hôpital Général de Douala est un hôpital à vocation universitaire et compte 320 lits. C’est un centre spécialisé dans la prise en charge de l’infection par le VIH. L’étude a concerné les patients séropositifs au VIH de plus de 15 ans hospitalisés ou suivis pour toxoplasmose cérébrale. Le diagnostic de l’infection par le VIH était effectué sur la base de deux tests sérologiques (ELISA) différents positifs confirmés par le Western-Blot. Les critères de diagnostic de la TC reposaient devant un tableau de processus expansif intracrânien sur les arguments suivants: – Les lymphocytes T CD4 < 200 cellules/ml ; - Un déficit neurologique focal (moteur, sensitif ou sensoriel) ; - des crises épileptiques ; - un syndrome d'hypertension intracrânienne ; - si possible des images d'hypodensité en cocarde au scanner cérébral avec ou sans injection de produit de contraste ; - et surtout: la réponse favorable au traitement conventionnel de la toxoplasmose cérébrale. Pour chaque dossier de patient séropositif au VIH avec la toxoplasmose cérébrale, les données sociodémographiques, cliniques, paracliniques et thérapeutiques étaient récoltées. La prévalence des crises épileptiques ainsi que le type de crise, sa fréquence et les thérapeutiques antiépileptiques prescrites ont été notés. Analyses statistiques Le test de Khi-2 a été utilisé pour rechercher les facteurs associés à la survenue des crises épileptiques. Les facteurs étaient cliniques (fièvre, céphalées isolées, trouble de conscience isolé, syndrome d’hypertension intracrânienne, hémiplégie, monoplégie), scannographiques (nombre d’abcès toxoplasmique, localisation d’abcès en fonction de la profondeur et de l’étage cérébral, existence d’un dème cérébral, existence d’un effet de masse et existence d’un engagement cérébral), biologiques (taux de CD4<50/ml et taux d'hémoglobine<10g/dl) et thérapeutiques ( notion d'échec au traitement de première ligne des antirétroviraux). Le test de Student a été utilisé pour comparer les moyennes. P<0,05 était considéré comme statistiquement significatif. Considérations éthiques La clairance éthique du comité national d’éthique a été obtenue. La confidentialité des données a été respectée. RESULTATS 1.Caractéristiques des patients 146 malades ont été inclus avec 68 hommes soit un sex-ratio de 0,87 en faveur des femmes. L’âge moyen était de 39.38 ans avec des extrêmes de 23 et 72 ans. L’âge moyen chez les hommes était de 43,75 ans et de 35,56 ans chez les femmes (p = 0,0001). La tranche d’âge la plus touchée était celle de 25 à 49 ans (79,86%) avec deux pics : entre 32 et 38 ans chez les femmes et entre 45 et 49 ans chez les hommes. Les autres caractéristiques sont consignées dans le tableau I. 2.Données scannographiques 88 (60,4%) patients avaient un résultat scannographique consigné dans le dossier médical. 73% (n=64) des patients avaient un dème cérébral tandis qu’un effet de masse était observé chez 57% patients. Sept patients (8%) avaient un engagement cérébral dont cinq cas en sous falcoriel et deux cas en temporal. Le nombre d’abcès et leur localisation sont illustrés dans le tableau II. 3.Données biologiques Le nombre moyen de CD4/ml était égal à 115,63 ± 142,70 CD4/ml avec des extrêmes de 3 et 290/mm3. Une hyponatrémie modérée était observée chez 27 sur 63 patients (42,86%) tandis que l’hypernatrémie était présente chez 8 sur 63 patients (12,70%). Le taux d’hémoglobine moyen était de 10,34 ± 2,27 g/dl. 41 sur 77 patients (53,25%) avaient une anémie et 8 patients avaient été transfusés. 4.Crises épileptiques 4.1.Prévalence des crises épileptiques au cours de la toxoplasmose cérébrale Parmi les 146 patients, 66(45,2%) ont présenté une crise épileptique précoce. Les autres manifestations neurologiques sont présentées dans le tableau III. 4.2.Type et fréquence des crises épileptiques Les crises épileptiques décrites par les patients ou leur entourage étaient des crises motrices isolées. Il s’agissait principalement des crises tonico-cloniques. Le type et la fréquence des crises sont consignés dans les tableaux IV et V. 5.Facteurs associés à la survenue des crises épileptiques Parmi les facteurs étudiés par rapport à la survenue des crises épileptiques (tableau VI), l’association avec la fièvre (p < 0,012), les céphalées (p < 0,004), le syndrome d'hypertension intracrânienne (p < 0,038), un taux de CD4 < 50/ mm3 (p < 0,02) et un taux d'hémoglobine < 10g/dl (p < 0,017) étaient statistiquement significative. 6.Traitements antiépileptiques, antitoxoplasmiques et antirétroviraux Le traitement antiépileptique de courte durée était prescrit chez 43,2% de nos patients (tableau VII). Le phénobarbital et la carbamazépine étaient les antiépileptiques les plus prescrits. Chez les trois patients avec état de mal épileptique, l’association de benzodiazépine et un autre antiépileptique était administrée. Les crises ont été contrôlées par les antiépileptiques et deux patients avec état de mal convulsif étaient décédés. Les traitements antitoxoplasmiques utilisés étaient le cotrimoxazole chez 108 patients (74%), l’association Sulfadiazine-Pyriméthamine 30 patients (21,2%) et l’association Clindamycine-Pyriméthamine avec 8 cas (4,8%). Parmi les 66 patients avec crises épileptiques, 24 patients (37%) avaient démarré une trithérapie antirétrovirale dont 20 en première ligne (association de 2 inhibiteurs nucléosidiques et d’un inhibiteur non nucléosidique) et 4 en deuxième ligne (association de 2 inhibiteurs non nucléosidiques et d’un inhibiteur de protéase). DISCUSSION Dans notre étude, l’âge des patients variait de 23 à 72 ans avec une moyenne d’âge de 39,38 ± 9,88 ans. La tranche d’âge la plus touchée était celle de 25 à 49 ans (79,86%) avec deux pics : entre 32 et 38 ans chez les femmes et entre 45 et 49 ans chez les hommes. Goita et al [5] à Bamako ont rapporté un âge moyen de 38 ans avec des extrêmes de 18 ans et 58 ans. Steven et al [11] à San Francisco ont observé un âge moyen de 38 ± 9,8 ans. Dans notre série, le sexe féminin était prédominant avec 53,4% des cas. Luma et al [7] à Douala et Goita et al [5] décrivent également une prédominance féminine avec 52,6% et 56,82% respectivement tandis que Steven et al [11] et Avode et al [1] rapportent une prédominance masculine respectivement avec 96% et 60 à San Francisco et à Cotonou. L’abcès cérébral unique était observé dans 68,2% des cas tandis que les abcès cérébraux étaient multiples dans 28,4%des cas .Avode et al [1]. ont trouvé un abcès cérébral unique dans 50% des cas , des abcès multiples dans 24% des cas et un dème cérébral avec effet de masse dans 50% Steven et al [11]ont rapporté 27% d’abcès cérébral unique, 69% d’abcès cérébral multiple, 78% d’dème cérébral et 55% d’effet de masse cérébral. Dans la série de Kadjo et al [6] en Côte d’Ivoire 75% des patients avaient un abcès cérébral multiple ou unique et 60,2% un dème cérébral. La toxoplasmose cérébrale survient habituellement quand le nombre des lymphocytes CD4 est inférieur à 200 cellules /mm3. Nous avons trouvé dans notre série une moyenne de 115,63 142,70 CD4/ml. L’étude du Bénin [1] a rapporté un nombre moyen similaire de 139,5 124,58 CD4/ml. Par contre d’autres études [6,11] ont trouvé un nombre des lymphocytes CD4 inférieur à 100 cellules/ml avec une moyenne variant de 50 à 98,7 cellules/ml. Steven et al. [11] et Kadjo et al. [6] ont rapporté aussi des cas d’anémie et d’hyponatrémie qui ne sont pas considérés comme des causes directes de crises. Parmi les 146 patients, 45,2% ont présenté des crises épileptiques précoces qui étaient toutes inaugurales alors que 61% des crises épileptiques étaient répétées. Les crises épileptiques généralisées prédominaient avec 75,8%. Goita et al et Avode et al [1,5] ont rapporté une prévalence des crises épileptiques au cours de la toxoplasmose supérieure à la notre avec respectivement un taux de 57,69% et 60%. Cependant Steven et al [11] et de Kadjo et al [6] ont plutôt trouvé une prévalence plus faible égale respectivement à 33% et 36,8%. Le faible échantillon de ces études ne saurait expliquer à lui seul cette variabilité de prévalence des crises. Toutes ces études n’ont pas mentionné les types, la fréquence et les facteurs associées aux crises épileptiques précoces. La prépondérance des crises généralisées peut s’expliquer par le caractère bruyant et spectaculaire qui rend le diagnostic facile à l’entourage. L’origine partielle des crises généralisées est difficile à mettre en évidence dans une étude rétrospective. Les crises étaient contrôlées par les antiépileptiques de première génération (phénobarbital 13 %; phénytoine 1,4 %) et deuxième génération (carbamazépine 12,3 %; valproate de sodium 3,4%). 11 % des patients n’avaient reçu que de benzodiazépine avec un bon contrôle des crises. L’utilisation d’antiépileptique doit tenir compte des effets secondaires, des interactions médicamenteuses avec l’induction enzymatique. Ainsi, certains antiépileptiques pourraient diminuer la concentration des inhibiteurs de protéases et favoriser leur échec thérapeutique [4]. La phénytoine est la molécule la plus prescrite lors des crises épileptiques chez les patients VIH positifs toute cause confondue [4]. Son utilisation requiert une surveillance à la recherche d’effets secondaires cutanés, hématologiques et hépatiques. L’alternative serait le phénobarbital ou le valproate de sodium [3,4]. Les nouveaux antiépileptiques (gabapentine, topiramate, tiagabaline) préconisés en raison de leur tolérance et leur profil pharmacocinétique [2,10] ont une prescription limitée dans notre contexte à cause de leur coût prohibitif. L’association Sulfadiazine- Pyriméthamine est le traitement de première intention de la toxoplasmose cérébrale. Durant la période de notre étude, 74% des patients étaient traités avec le Cotrimoxazole, 21,2% avec l’association Sulfadiazine-Pyriméthamine et 4,8% avec l’association Clindamycine- Pyriméthamine. Le cotrimoxazole est utilisé en première intention dans notre contexte du fait de son accessibilité aussi bien financière que médicale. C’est le médicament de choix dans d’autres pays africains comme le Mali où 88,48% des cas de toxoplasmose cérébrale sont traités au Cotrimoxazole [5] et le Bénin où 70% des patients sont traités au cotrimoxazole [1]. CONCLUSION La prévalence des crises épileptiques précoces est de 45,2% au cours de la toxoplasmose cérébrale et ces crises sont majoritairement généralisées (75,8%). Les facteurs associés à la des crises étaient la fièvre, les céphalées, le syndrome d’hypertension intracrânienne, un taux de CD4 < 50/ mm3 et un taux d'hémoglobine < 10g/dl. Un traitement antiépileptique efficace s'avère nécessaire.
Tableau I : Caractéristiques des patients
Tableau II : Données scannographiques
**: Il s’agit du pourcentage en rapport au nombre de patients ayant fait le scanner cérébral. Tableau III : Récapitulatif des symptômes et signes neurologiques au moment du diagnostic de la toxoplasmose cérébrale.
*: Il s’agit du pourcentage en rapport au nombre total des patients. Tableau IV : Type de crises épileptiques.
Tableau V : Fréquence des crises épileptiques.
Tableau VI : Facteurs associés à la survenue des crises épileptiques.
Tableau VII : Médicaments antiépileptiques utilisés lors des crises épileptiques.
* : Pourcentage en rapport au nombre total des patients. REFERENCES
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