CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
FACTEURS PEJORATIFS DE L’EPILEPSIE ABSENCE DE L’ENFANT AU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE FANN DE DAKAR, SENEGAL
PEJORATIVE FACTORS OF CHILDHOOD ABSENCE EPILEPSY IN FANN TEACHING HOSPITAL, DAKAR (SENEGAL)
E-Mail Contact - SECK Lala Bouna :
ndeylala@yahoo.fr
RESUME Objectif Méthode Résultats Conclusion Mots-clés: absence, Dakar, enfant, épilepsie, pronostic, Sénégal SUMMARY Aim Methods Results Associated generalized tonic-clonic seizures were present in 61.5% of boys and 13.33% of girls and occurred more frequently with delayed onset of the disease. All cases had a favorable outcome mainly with valproic acid treatment. Poor performance at school was observed in 53.6%, especially amongst the boys, those with associated generalized tonic-clonic seizures and those with delayed onset absence epilepsy. Conclusion Keywords absence, childhood, Dakar, epilepsy, prognosis, Senegal INTRODUCTION L’épilepsie absence de l’enfant (EAE) est un des syndromes épileptiques idiopathiques les plus fréquents dans les études portant sur l’épilepsie de l’enfant au Sénégal (15). Elle est classiquement considérée comme bénigne, mais certains facteurs tels que son âge d’installation plus avancé et l’association de crises généralisées tonico-cloniques (CGTC) peuvent assombrir son pronostic (3, 4, 5, 11). Nous avons voulu identifier les facteurs péjoratifs dans une population d’enfants suivis dans un service de neurologie de Dakar au Sénégal. OBJECTIF L’objectif de l’étude est l’identification des facteurs péjoratifs pouvant remettre en cause le caractère bénin prêté à l’EAE. METHODE Nous avons réalisé une étude rétrospective à la clinique neurologique du Centre Hospitalier Universitaire de Fann entre juillet 2002 et juillet 2008 portant sur 28 enfants. Tous les enfants suivis à la consultation externe et présentant des crises absences typiques ayant débuté avant l’âge de 12 ans, ainsi qu’un EEG (réalisé chez tous les patients) compatible avec le diagnostic d’épilepsie absence de l’enfant ont été inclus dans l’étude. Tous les patients ayant présenté une épilepsie absence ayant débuté plus tardivement, ou une forme clinique d’épilepsie autre qu’une épilepsie absence ont été exclus. L’âge a été précisé, ainsi que le sexe, les antécédents médicaux personnels et familiaux, le profil scolaire (l’école coranique étant la référence), le ou les types de crises (en particulier l’existence de CGTC associées), et la réponse au traitement. Nous avons par la suite procédé à une analyse descriptive directe des données recueillies. RESULTATS Vingt-huit dossiers d’enfants ont été colligés, correspondant à des patients suivis pour une épilepsie absence ayant débuté avant l’âge de 12 ans. L’âge moyen était 13.78 ans avec des extrêmes allant de 5 ans 5 mois à 24 ans. La série comportait 53.6% de filles et 46.4% de garçons (sex-ratio 1.15). L’âge de début de l’EAE variait entre 4 et 12 ans avec une moyenne de 7.92 ans. Il y avait 1 enfant de chaque sexe dans la tranche d’âge de début de 1 à 4 ans, six garçons et 8 filles dans la tranche d’âge de début de 5 à 8 ans, 6 enfants de chaque sexe dans la tranche d’âge de début de 9 à 12 ans. L’âge moyen de la première consultation était de 10.67 ans. Dix patients dont 61.5% des garçons et 13.33% des filles présentaient des CGTC associées aux absences (tableau 1). Il s’agissait de 41.70% des enfants dont l’EAE avait débuté entre 9-12 ans et 28.60% de ceux dont l’EA avait débuté entre 5-8 ans (tableau 1). Un enfant avait eu des convulsions fébriles et 1 autre, un traumatisme crânien. Chez 10 patients, dont 53.8% des garçons et 20% des filles, une notion d’épilepsie familiale était rapportée. Les crises étaient contrôlées dans 89.28% des cas par Valproate de sodium seul et dans 10.72%, après adjonction de Clonazépam ou d’Ethosuccimide. L’échec scolaire a été retrouvé chez 53.6% des patients (tableau 2). Il s’agissait de 80% de ceux qui présentaient des CGTC et 38.9% de ceux qui n’en présentaient pas ; 69.23% des garçons et 40% des filles ; 42.9% des enfants dont l’EAE avait débuté à 5-8 ans et 66.7% de ceux dont l’EAE avait débuté à 9-12 ans. DISCUSSION L’âge tardif de la première consultation pour épilepsie pourrait être en partie liée à des raisons financières mais également à l’ignorance reflétée par le caractère mystique attribué à l’épilepsie en Afrique, expliquant ainsi les réticences vis-à-vis du traitement moderne comparé à la tradithérapie (14, 13). Concernant l’âge d’installation de la maladie, nous avons considéré tout patient ayant présenté des crises absence à un âge inférieur à 12 ans. Cette notion tend de plus en plus à être débattue, avec l’émergence du concept d’épilepsie absence précoce (early-onset absence epilepsy) qui répond aux cas d’épilepsie absence installés à un âge inférieur ou égal à 4 ans tel que rapporté dans certains travaux (2, 7, 18). Nous avons retrouvé un enfant de chaque sexe dans la tranche d’âge de début de 1 à 4 ans, tandis qu’il est noté une prédominance masculine dans l’épilepsie absence précoce (2). Cependant, la tendance générale de la sex-ratio de l’EAE qui est faveur du sexe féminin (2) reste vérifiée dans notre série. Un certain nombre de facteurs sont retrouvés plus fréquemment chez les garçons : la présence d’épilepsie familiale, corrélation décrite par Kahane et al (12), les CGTC, les automatismes moteurs, l’échec scolaire. Nous n’avons pas disposé d’une analyse génétique. Cependant, la notion d’épilepsie familiale retrouvée chez 35% de nos patients évoque la possibilité d’un facteur génétique associé, tel que le démontrent certains auteurs (1, 9). Les CGTC seraient un facteur de mauvais pronostic dans l’EAE. Dans notre population, l’échec scolaire était plus fréquemment retrouvé chez ceux qui souffraient de CGTC associées (8 patients sur 10) que chez ceux qui n’en souffraient pas (7 patients sur 18 patients). La corrélation a également été évoquée dans l’étude de Ibekwe et al (11) qui rapporte que la nature des crises épileptiques pouvait influer sur les performances scolaires des enfants épileptiques. Les difficultés scolaires, probablement favorisées par l’altération des capacités cognitives, tel que suggéré par Parisi et al (16), Echenne et al (6) et Dulac et al (5), sont plus fréquentes parmi les enfants chez qui l’installation de l’EAE est plus tardive (3, 4). La fréquence des CGTC est également plus élevée chez les plus grands enfants dans notre population comme l’ont noté Desguerre et al (3) et Dulac et al (5). Sur le plan thérapeutique, le Valproate de Sodium assure une bonne maitrise des crises (environ 90% des enfants de notre série) et cette efficacité demeure même en comparaison avec certains antiépileptiques de génération plus récente (10, 8). Par contre, d’après certaines études, le succès thérapeutique est corrélé à la nature typique ou plutôt atypique de l’épilepsie absence, voire à l’association avec d’autres types de crises (8). Dans notre série, l’association à des CGTC (10 patients sur les 28) n’a pas empêché une bonne maitrise des crises. En s’intéressant à la qualité de vie psychique et sociale comme le préconisent Sabaz et al (17), l’on a une meilleure approche du degré de bénignité de l’EAE, puisque le contrôle des crises n’empêche pas la compromission du devenir psychosocial. D’après nos constatations, le sexe masculin, les CGTC associées, l’âge d’installation avancé de l’EAE, semblent influencer négativement le pronostic en particulier en favorisant la survenue d’échecs scolaires. En effet, concernant d’abord le sexe, nous avons noté que 69.23% des garçons présentaient des difficultés scolaires contre 40% des filles. En outre, les garçons sont plus fréquemment sujets aux CGTC associées (61.5% contre 13.33% chez les filles), or les CGTC ont été rapportées comme élément de mauvais pronostic (11). Ensuite en ce qui concerne ces CGTC dans notre série, elles sont associées à des échecs scolaires dans 80% des cas, tandis que seulement 38.9% des enfants libres de CGTC présentent des difficultés scolaires. Enfin, concernant l’âge d’installation de l’EAE, c’est surtout dans la tranche d’âge de début la plus tardive (9-12 ans) que le taux de difficultés scolaires est élevé (66.7% contre 42.9% dans la tranche d’âge de début de 5-8 ans), cette relation étant également mentionnée par d’autres auteurs (3, 4). CONCLUSION L’EAE comporte un certain nombre de facteurs péjoratifs tels que le sexe masculin, l’association à des CGTC et un âge de survenue tardif. Ces facteurs, sans entraver la bonne réponse thérapeutique des crises, peuvent gêner la bonne insertion sociale et scolaire de l’enfant. Ainsi, les praticiens devraient s’efforcer de poser précocement le diagnostic d’EAE, afin de réduire le risque d’éviction scolaire lié à la récurrence des crises qui entrave l’apprentissage adéquat chez l’enfant. En outre, il faudrait instaurer de manière systématique, chez l’enfant présentant une EAE, une évaluation des performances intellectuelles, dans la mesure où il est exposé à un échec scolaire dont le lien avec l’épilepsie peut, au-delà-de tout soupçon, être masqué par une bonne maîtrise des crises. Conflit d’intérêt: aucun Tableau 1 : Répartition des crises généralisées tonico-cloniques
Tableau rapportant l’existence ou non de crises généralisées tonico-cloniques selon le sexe, puis selon l’âge de début de l’épilepsie absence de l’enfant. Tableau 2 : Présentation des difficultés scolaires
Tableau rapportant l’existence ou non de difficultés scolaires selon le sexe, selon l’âge de début de l’épilepsie absence de l’enfant puis selon l’association de crises généralisées tonico-cloniques. REFERENCES
|