CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
HYDRANENCEPHALIE : UNE PATHOLOGIE SANS ISSUE !
HYDRANENCEPHALY: A PATHOLOGY WITH NO WAY OUT!
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RESUME Introduction L’hydranencéphalie est une malformation rare du système cérébral résultant de l’absence de développement des hémisphères cérébraux qui sont remplacés par des poches contenant du liquide céphalorachidien. L’objectif de notre travail était d’apprécier les aspects épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques, les complications et le suivi post-opératoire dans nos conditions d’exercice. Matériel et méthode Il s’agit d’une étude rétrospective sur 3 ans (du 01er janvier 2019 au 31 décembre 2021) portant sur 51 patients admis dans le service de neurochirurgie du CHU de Fann pour prise en charge d’une hydranencéphalie. Résultats L’âge moyen des patients était de 6,24 mois [25 jours-19 mois], avec une prédominance féminine (51%). Un antécédent de consanguinité a été retrouvé dans 41% des cas, et un bon suivi de la grossesse avec supplémentation en acide folique péri conceptionnel dans 78% des cas. Le mode d’accouchement était la voie basse (62%) et la césarienne (29%) avec 2 cas de prématurités. Le motif de consultation était la macrocrânie chez tous nos patients. L’hypertension intra crânienne était présente chez 70% ; il y avait 3 cas de malformations associées à type de spina bifida ; le périmètre crânien moyen était de 57,7cm [47-76cm]. La tomodensitométrie a été réalisée chez tous les patients. 96% d’entre eux ont bénéficié d’une dérivation ventriculaire péritonéale avec 27% de cas de méningites post-opératoire et 3 cas de décès. Un suivi régulier a été effectué chez 43% variant entre 1mois et 21 mois. Par ailleurs, 51% ont été perdu de vue. Conclusion L’hydranencéphalie est une malformation cérébrale grave qui pose un problème de diagnostic différentiel avec l’hydrocéphalie majeure dont le diagnostic différentiel est fait avec l’électro-encéphalogramme. Le diagnostic peut être anténatal avec la réalisation de l’échographie mais repose sur la tomodensitométrie en post-natal. La prise en charge repose sur la dérivation ventriculaire péritonéale. Mots-clés : hydranencéphalie, macrocrânie, hypertension intra crânienne, dérivation ventriculo-péritonéale. SUMMARY Introduction Hydranencephaly is a rare malformation of the cerebral system resulting from the absence of development of the cerebral hemispheres which are replaced by pockets containing cerebrospinal fluid. The objective of our work was to assess the epidemiological, clinical, therapeutic aspects, complications and postoperative follow-up in our practice conditions. Materials and methods This is a retrospective study over 3 years (from January 1, 2019 to December 31, 2021) on 51 patients admitted to the neurosurgery department of the CHU of Fann for management of hydranencephaly. Results The mean age of the patients was 6.24 months [25 days-19 months], with a female predominance (51%). A history of consanguinity was found in 41% of the cases, and a good follow-up of the pregnancy with periconceptional folic acid supplementation in 78% of the cases. The mode of delivery was vaginal delivery (62%) and caesarean section (29%) with 2 cases of prematurity. The reason for consultation was macrocrania in all our patients. Intracranial hypertension was present in 70%; there were 3 cases of associated malformations such as spina bifida; the average cranial perimeter was 57.7 cm [47-76 cm]. CT scans were performed in all patients. 96% of them benefited from a ventricular peritoneal shunt with 27% of cases of postoperative meningitis and 3 cases of death. Regular follow-up was performed in 43% of the patients, ranging from 1 month to 21 months. In addition, 51% were lost to follow-up. Conclusion Hydranencephaly is a serious cerebral malformation which poses a problem of differential diagnosis with major hydrocephalus whose differential diagnosis is made with the electroencephalogram. The diagnosis can be made antenatally with ultrasound but relies on CT scan postnatally. Management is based on peritoneal ventricular shunt. Keywords: hydranencephaly, macrocrania, intracranial hypertension, ventriculoperitoneal shunt. INTRODUCTION L’hydranencéphalie est une malformation rare du système nerveux central (6). Elle représenterait 1% des hydrocéphalies diagnostiquées (10). Elle résulterait d’une anomalie dans l’embryogenèse, après la formation de la plaque neurale. Sa physiopathologie reste encore non bien élucidée. La caractéristique principale de l’hydranencéphalie est une absence de manteau cortical, remplacé par du liquide céphalo-rachidien (LCR) ; quand il existe, il est non fonctionnel. Il existe néanmoins les noyaux gris centraux, le tronc cérébral et le cervelet (5,12). Il peut rentrer dans un syndrome polymalformatif ou non. Le diagnostic est facilité par l’imagerie, et l’électro-encéphalogramme (EEG) (9). Sa prise en charge reste peu codifiée, et pose un problème éthique face à la qualité de vie avec ou sans traitement de ses enfants (11). L’objectif de ce travail était de rapporter les aspects épidémiologiques, diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs des cas d’hydranencéphalie dans un pays à ressources limitées. MATERIELS ET METHODES Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive allant du 1er Janvier 2017 au 31 Décembre 2019, incluant tous les patients dont le diagnostic d’hydranencéphalie a été posé et qui ont été pris en charge dans le service de Neurochirurgie du CHU de Fann. Les paramètres ont été enregistrés à partir des dossiers de patients. L’anonymat a été préservé, les résultats traités par Epi-info version 7 .01. RESULTATS Paramètres socio-démographiques Il a été inclus dans l’étude 51 patients sur la durée d’étude, faisant 2,42% des hospitalisations et 21,98% des hydrocéphalies. L’âge moyen était de 6,24 mois avec des extrêmes de 25 jours et 19 mois. Le sex-ratio (F/M) était de 1,04. Il a été retrouvé une notion de consanguinité au second degré des parents dans 41% des cas. Les femmes étaient supplémentées en fer et acide folique dans 40 cas (78,43%). Il n’y avait pas de notion d’infection materno-fœtale ou de prise médicamenteuse. Quinze enfants étaient issus d’une césarienne soit 29,41%. Il y a eu 2 cas de prématurité. Paramètres diagnostiques La macrocrânie évolutive a été le motif de consultation pour tous les enfants (figure 1), avec un périmètre crânien moyen de 57,7 cm [47 ; 76] cm. Un spina bifida était associé dans 3 cas. Les pleurs et vomissements ont été retrouvés dans 36 cas (70,59%). Tous les enfants ont bénéficié d’une TDM cérébrale (figure 2). Aucun n’a eu d’électroencéphalogramme (EEG) ou d’imagerie par résonnance magnétique cérébrale (IRMc). Aucune exploration n’a été faite à la recherche d’autres comorbidités ou maladies génétiques dans l’étude vu le manque de moyens financier des parents. Traitement Quarante-neuf enfants (96,07%) ont été traités par dérivation ventriculo-péritonéale avec des valves Chabra* de moyenne pression non réglable, pour 2 cas, une abstention chirurgicale a été indiquée. Tous les enfants ont été opérés à partir d’un mois d’âge. Complications et évolution Les complications ont été infectieuses dans 14 cas (27,45%), avec des méningites post-opératoires, et 3 décès ont été enregistrés. Tous les patients présentaient à 6 mois post-opératoire un mauvais devenir psycho-intellectuel. Vingt-six des cas (50,98%) ont été perdus de vue après 1 an de suivi post-opératoire. DISCUSSION Epidémiologie L’hydranencéphalie est une pathologie rare, son incidence serait comprise entre 1/10000 et 1/5000 des grossesses (8-10). Aux USA l’incidence serait de 1,4 à 2,8 pour 100 000 naissances (11). Au japon elle serait de 2,1 pour 100000 naissances (3). Notre étude confirme la rareté de l’affection comme décrit dans la revue de la littérature, bien que la fréquence des cas serait plus élevée, car représentant près de 22% des hydrocéphalies traités dans l’étude. Le sex-ratio ne montre pas de différence significative comme dans la plupart des études menées (2-9). Diagnostic Le diagnostic a reposé uniquement sur l’utilisation du scanner cérébral, ce qui peut être un biais de sélection, avec l’inclusion de cas d’hydrocéphalie majeure. Pour ce fait l’utilisation de l’IRMc est recommandée bien que d’accès plus difficile, surtout dans les pays à ressources limitées comme le Sénégal mais également sa réalisation difficile chez l’enfant constitue une limite. Le diagnostic anténatal n’a pas été retrouvé dans notre étude. La notion de consanguinité parentale pourrait être incriminée dans la survenue des cas d’hydranencéphalie de notre série, car retrouvée dans 41% des cas contre 17,6% pour Malheiros et al (6). Nous avons noté un retard de consultation des patients, que nous expliquons par le fait que la population soit mal informée sur cette pathologie et ses manifestations cliniques, mais également par le niveau socio-économique bas de ces familles. En effet le périmètre crânien moyen de l’étude montre le manque de réactivité des parents face à l’évolution de la pathologie chez leur enfant. Et quand le diagnostic est fait, le manque de moyens pour se faire prendre en charge constitue un problème majeur dans la prise en charge thérapeutique. Tous les enfants bénéficiaient de ponctions intraventriculaires évacuatrices comme traitement d’attente jusqu’à la prise en charge chirurgicale. L’âge moyen de notre étude de 6,24 mois semble aller dans le même sens que les données de la littérature retrouvant que l’âge des enfants ne dépasse guère 1 an pour ceux qui ne sont pas morts in utéro (7). Il a été décrit dans la littérature des cas ayant évolué jusqu’à l’âge de 32 ans (8). Ceci pose, d’une part, le problème d’éthique face au recours d’interruption médicale de grossesse comme moyen thérapeutique, et d’autre part le cout élevé de la prise en charge de ces enfants qui ont un devenir intellectuel quasi nul (3,4). L’absence d’utilisation de l’interruption de grossesse au Sénégal semble être une explication vis-à-vis de la fréquence de nos cas. Traitement Le traitement repose sur la prise en charge de l’hydrocéphalie active et des comorbidités. Les diverses techniques de dérivations ventriculo-péritonéales (DVP) ou ventriculo-atriales (DVA) ont été longtemps utilisées, avec toutes les complications connues liées à ces types de traitements. Ces complications sont majorées pour les hydranencéphalies, qui sont un terrain fragile et/ou souvent le lit de plusieurs comorbidités. En alternative à ces dérivations, les méthodes endoscopiques avec coagulation du plexus choroïdes ont été décrites (11). Une étude décrit la ventriculocisternotomie (VCS) plus coagulation des plexus choroïde comme étant efficace et ayant moins de complications par rapport aux dérivations, et la choisit comme technique plus sure avec un meilleur suivi post-opératoire (1,11). Le soutien psychologique et le counseling aux familles peuvent constituer des moyens de prévention pour les grossesses ultérieures. CONCLUSION L’hydranencéphalie reste une pathologie malformative grave, fréquente dans les pays en voie de développement et fortement diagnostiquée après la naissance. La prise en charge par la mise en place d’une valve de dérivation ventriculo-peritonéale constitue l’option la plus utilisée. Cette pathologie présente un mauvais pronostic, et pose un problème d’ordre socio-économique majeur et d’éthique.
REFERENCES
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