CASE REPORT / CAS CLINIQUE
KYSTE EPIDERMOÏDE INTRA MEDULLAIRE: A PROPOS D’UN CAS.
INTRAMEDULLARY EPIDERMOID CYST: A Case Report.
- Service de Neurochirurgie, Hôpital Avicenne, Rabat
- Service de neuroradiologie, Rabat, Royaume du Maroc
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RESUME
Introduction
Les kystes épidermoïdes sont des tumeurs bénignes, le plus souvent congénitales. Au niveau rachidien la localisation est habituellement intra durale extra médullaire, rarement intra médullaire. Nous rapportons un nouveau cas de kyste épidermoïde intra médullaire, dorsal et discutons l’étiopathogénie, l’épidémiologie, la clinique, les caractéristiques radiologiques et le traitement neurochirurgical.
Observation
Un patient âgé de 16 ans est admis pour une paraparésie spastique progressive évoluant depuis 18 mois, sans troubles sensitifs, avec incontinence urinaire. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) médullaire a objectivé une lésion fusiforme intra médullaire en regard de la vertèbre T12. Elle était hypo intense en T1, hétérogène en T2 avec un fin rehaussement en couronne sur les séquences pondérées T1 après injection de Gadolinium. Le patient a été opéré par voie postérieur. Une myélotomie centrée sur la lésion a été réalisée. On a retrouvé une masse de consistance molle, de couleur blanc nacrée. Une exérèse complète a été réalisée. L’examen anatomopathologique a conclu à un kyste épidermoïde. Les suites post opératoires ont été marquées par une bonne amélioration clinique fonctionnelle (évolution de 6 mois).
Conclusion
Les kystes épidermoïdes sont des tumeurs bénignes rares exceptionnellement intra médullaire. L’approche diagnostic est établit par l’imagerie par résonance magnétique et le traitement est neurochirurgical. Le pronostic est globalement bon.
Mots clés: Epidermoïde – Intra médullaire – IRM – Kyste – Moelle spinale.
ABSTRACT
Introduction
Epidermoid cysts are benign tumors with generally congenital origin. In the spinal localization intradural extra-medullary is the common localisation, rarely intramedullary. We reported a new case of intramedullary epidermoid cyst with dorsal localization and we discuss the ethiopathological, epidemiological, clinical, radiological characteristics and the neurosurgery treatment.
Case report
A 16 years-old patient was admitted for spastic and progressive paraparesia and incontinence of urine 18 months ago without sensitive troubles. Medullary MRI showed fusiform intramedullary lesion at the level T12. The lesion was hypointense on T1, heterogenous on T2 with discreet enhancement on T1 weighted image after Gadolinium injection. A posterior mid line myelotomy was performed followed by a total excision of the lesion. There were white flaky fragments. Histopathological exam concluded of epidermoid cyst. Post operatory outcome was good (follow up of six months).
Conclusion
Epidermoid cysts are rare benign tumors. Intra-medullary localization is incommon. The diagnosis was suggested by the resonance magnetic imaging. The treatment was neurosurgical. The prognosis was generaly good.
Key words: Cyst – Epidermoid – Intramedullary -Medullary spinal -MRI
INTRODUCTION
Les kystes épidermoïdes sont des tumeurs bénignes, rares, d’origine épidermique, le plus souvent congénitales (3, 4, 8, 11, 13, 16). Chez l’adulte, le kyste épidermoïde rachidien représente 1% de toutes les tumeurs rachidiennes (16). Chez l’enfant, cette incidence est plus importante (16). Cependant, la majorité des kystes épidermoïdes rachidiens sont intra duraux extra médullaires, rarement intra médullaires (11, 13, 16). La chirurgie est le traitement de choix. Nous rapportons un nouveau cas de kyste épidermoïde intra médullaire siégeant au niveau dorsal, chez un jeune patient âgé de 16 ans.
OBSERVATION
Un jeune patient âgé de 16 ans admis avec une histoire de paraparésie progressive évoluant depuis 18 mois, ayant débuté par une lourdeur du membre inferieur droit. Trois mois avant l’hospitalisation, le tableau clinique s’est aggravé avec des troubles sphinctériens à type de rétention urinaire. L’examen neurologique a révélé une spasticité et des reflexes ostéo tendineux vifs aux deux membres inferieurs, un signe de Babinski bilatéral. La force musculaire était diminuée aux deux membres inférieurs à prédominance droite cotation 1, 2 ? 3/5 ?. Il n’y avait pas de trouble sensitif. Le tonus anal était normal. Le patient était incapable de marcher sans aide. L’examen cutané n’a noté aucun signe dysraphique évident. La radiographie standard a montré une scoliose dorsale. Une imagerie par résonnance magnétique (IRM) du rachis a été réalisée et a objectivé une lésion fusiforme intra médullaire en regard de la vertèbre T12 (figure 1), avec un aspect de grosse moelle à ce niveau. Elle était hypo intense en T1 (figure 1a), hétérogène en T2, avec un léger dème sus et sous jacent à la lésion (figure 1b). Sur les séquences pondérées T1 après injection de Gadolinium, on peut noter un fin rehaussement en couronne (figure 1c). Le patient a été opéré par voie postérieure, bénéficiant d’une laminectomie centrée sur la lésion. Après ouverture de la dure mère, un aspect de grosse moelle a été noté sur environ 2 cm. Le raphé médian postérieur était effacé. La ligne médiane a été identifiée à mi-distance entre l’émergence de deux racines dorsales. Sous le microscope opératoire, une myélotomie d’environ 1,5 cm centrée sur la lésion a été réalisée. Il a été visualisé une masse entièrement intra médullaire de consistance molle, avasculaire, de couleur blanc nacrée. Une exérèse progressive et macroscopiquement complète a été réalisée décomprimant ainsi la moelle. La capsule tumorale a été enlevée partiellement, une partie adhérente intimement au parenchyme médullaire a été laissée en place. Des précautions ont été prises pour éviter la dissémination du contenu kystique dans les espaces sous arachnoïdiens.
L’examen anatomopathologique avait montré des lamelles concentriques aérées de kératine, avec un épithélium pavimenteux stratifié squameux, d’aspect atrophique reposant sur un chorion fibreux. Cet aspect était compatible avec un kyste épidermoïde. Il n’y avait pas d’éléments dermique, épendymaire ou entérique (figure 2).
Le patient n’a pas développé de méningite aseptique. Il a été déclaré sortant 12 jours post opératoire, avec une marche possible avec aide. L’évolution à 6 mois était marquée par une récupération motrice progressive, sans troubles sensitifs et un début d’amélioration des troubles sphinctériens.
COMMENTAIRES
L’incidence des kystes épidermoïdes rachidiens tout âge confondu est estimée à 0,9% de toutes les tumeurs intra rachidiennes ; le siège en intra médullaire est plus rare (4, 9, 11, 12, 13). Les tumeurs intra rachidiennes sont rares chez l’enfant et l’adolescent, mais les kystes dermoïdes et épidermoïdes dans cette localisation se voient plus fréquemment dans cette tranche d’âge (6, 9). La survenue d’un kyste épidermoïde intra médullaire pure chez l’enfant de moins de 18 ans, est beaucoup plus rare (kyste sans extension extra médullaire ou sans association avec un sinus dermique) (3, 4, 15). Mis à part les tumeurs associées à un sinus dermique, les kystes épidermoïdes intra médullaires sont de croissance très lente, s’expriment souvent après la deuxième décade de vie (8, 16). En 1883, Chiari a été le premier à décrire un kyste épidermoïde intra médullaire (16). Entre cette date et 1992, Roux et al (16), ont pu recenser 47 cas publiés, avec une prédominance masculine (27 patients de sexe masculin, contre 20 patients de sexe féminin) avec un sex ratio de 1,35 :1. L’âge moyen était de 34 ans (3 – 71 ans). Notre patient était de sexe masculin âgé de 16 ans.
La pathogénie des kystes épidermoïdes médullaires peut être scindée en deux groupes : acquise et congénitale (4, 16). Ces deux groupes diffèrent sur le plan de distribution segmentaire, d’anomalies associées et de présentation clinique (16). Les kystes épidermoïdes acquis peuvent être notés après un traumatisme ou après une ou plusieurs ponctions lombaires et seraient secondaires à une pénétration iatrogène de fragments cutanés bien que ceci peut être une coïncidence (7, 10). Il est généralement admis que le kyste épidermoïde congénital provient de déplacement des inclusions ectodermiques lors du développement embryonnaire et leur possible association avec un défaut de fermeture du tube neural (7, 8, 13).
La desquamation progressive et la formation de la kératine à partir de la bordure épithéliale vers l’intérieur du kyste produit un matériel riche en cristaux de cholestérol, et souvent décrit comme « la cire de bougie ».
La durée moyenne entre le début des symptômes et le diagnostic est de 6 ans (2 jours – 53 ans) (16). Ces dernières années avec la large utilisation des techniques modernes d’imagerie notamment la tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), la durée des symptômes au moment du diagnostic a considérablement diminué (8, 16), ainsi elle était de 18 mois chez notre patient. Les signes cliniques sont similaires à ceux des autres tumeurs intra médullaires à croissance lente et progressive (3, 16).
Comme le cas de notre patient, le siège le plus fréquent de ces kystes est la région thoracique, essentiellement entre T5 et T8 (1, 4, 16). La localisation au niveau cervical et thoracique haut est très rare (3, 8, 13). L’association du kyste épidermoïde intra médullaire avec une lésion dysraphique, notamment un défect osseux ou cutané est possible, mais beaucoup moins fréquente qu’avec les kystes dermoïdes ou les kystes épidermoïdes extra médullaires (14). Le sinus dermique peut être la cause d’une pullulation bactérienne à l’origine d’une méningite chez l’enfant. Ceci n’a pas été noté chez notre patient.
L’association du kyste épidermoïde intra médullaire avec d’autres anomalies médullaires notamment une diastématomyélie ou une syringomyélie est rarement retrouvée dans la littérature (16).
La TDM permet de noter la topographie, la taille et la densité du kyste épidermoïde suggérant parfois le diagnostic. Les kystes épidermoïdes sont caractérisés par une lésion hypodense, homogène et bien limitée ; il n’y a le plus souvent pas de rehaussement après injection de produit de contraste. Des calcifications peuvent être notées (16).
L’IRM peut orienter le diagnostic (1, 5, 11, 14). Les kystes épidermoïdes sont généralement caractérisés par une importante variabilité de l’intensité du signal, l’absence d’dème péri lésionnel, des limites de la lésion bien définies, et la présence de calcifications (4, 17). L’injection de Gadolinium ne montre pas de rehaussement tumoral, mis à part un possible rehaussement périphérique, comme dans notre cas (4, 8). La disparité de l’intensité du signal est le plus probablement en rapport avec la variabilité de la composition en lipide et en protéine de la lésion (3, 4, 15).
Le traitement est chirurgical consistant en un évidement tumoral qui est normalement réalisé sans grande difficulté ; cependant la mince capsule du kyste épidermoïde intra médullaire est souvent bien adhérente au parenchyme médullaire, ce qui peut compliquer le geste chirurgical (3, 4, 8, 11, 16). Ainsi comme dans le cas de notre patient, il faut éviter la tentative de résection totale quand la capsule du kyste est intimement attachée à la moelle spinale (4, 16). La résection complète de la paroi kystique dans ces conditions va certainement mener vers une aggravation du déficit neurologique (4, 16). Dans la majorité des cas, même une exérèse partielle d’un kyste épidermoïde intra médullaire peut entrainer une rémission complète des symptômes sur une longue période (2, 16).
L’analyse biochimique du matériel kystique montre une importante composante graisseuse, avec un faible taux de cholestérol. Les acides gras libres et le cholestérol peuvent être stockés dans la lésion par les cellules inflammatoires en réponse à la nécrose des cellules squameuses dégénératives. La fuite du contenu du kyste épidermoïde dans l’espace sub arachnoïdien peut donner une méningite chimique ou granulomateuse attribuée à la libération des acides gras et / ou du cholestérol (16). Ceci n’a pas été noté chez notre patient.
Le pronostic est généralement bon, mais des cas de récidive ont été rapportés (2, 4, 11) avec des risques d’aggravation neurologique (2). S’il y a une récidive, un autre geste chirurgical est indiqué (2, 4, 16). En cas de récidives multiples, ou de refus de la chirurgie par le patient ou une contre indication opératoire, la radiothérapie pourra être proposée, avec une faible dose d’irradiation pour retarder ou éviter une aggravation fonctionnelle supplémentaire déjà diminuée (2).
CONCLUSION
Les kystes épidermoïdes sont des tumeurs bénignes rares, pouvant survenir en intra médullaire, causant d’importants troubles neurologiques. L’imagerie par résonance magnétique est d’une grande importance, permettant une orientation diagnostic. Le traitement est neurochirurgical, entrainant dans la majorité des cas une bonne amélioration clinique, même dans les cas ayant bénéficié d’une exérèse sub totale.
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