CASE REPORT / CAS CLINIQUE
L’ATTEINTE NERVEUSE AU COURS DU SYNDROME DE GOUGEROT – SJÖGREN, A PROPOS D’UN CAS
NERVOUS INVOLMENT IN SJÖGREN SYNDROME, CASE REPORT
- Service d’Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie Maxillo-faciale La Rabta, Tunis, Tunisie
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RESUME
Description
Les complications neurologiques au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren se voient dans 8,5 à 70 % des cas. Les données de la littérature concernant le système nerveux périphérique sont nombreuses et assez concordantes. En revanche les données concernant les manifestations centrales sont beaucoup plus rares et discordantes.
Objectifs
Décrire les différentes atteintes neurologiques qui peuvent se voir au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren.
Résultats
Les auteurs rapportent l’observation d’une femme de 67 ans qui présentait une hypertrophie de toutes les glandes salivaires associée à une paralysie du facial droit et une hypoesthésie du territoire du trijumeau homolatéral.
Les explorations paracliniques comprenant une biopsie labiale et une IRM cérébrale ont permis de conclure en faveur d’un syndrome de Gougerot-Sjögren.
La patiente a bénéficié d’un traitement corticoïde par voie générale avec régression totale des atteintes salivaire et nerveuse au bout de 2 mois
Conclusion
Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une pathologie chronique auto-immune qui touche essentiellement les glandes exocrines. Il peut associer aussi une atteinte extra-glandulaire. L’atteinte nerveuse est possible mais rarement vue dans le cadre de ce syndrome (20%). L’atteinte des paires crâniennes est encore plus rare et prédomine surtout sur le trijumeau.
Mots clés: Syndrome de Gougerot- Sjögren, Complications nerveuses, paralysie faciale.
SUMMARY
Description
Neurological complications during Sjögren syndrome may occur between 8.5 and 70%. Peripheral nervous system (PNS) involvement is well known but data concerning central nervous system (CNS) symptoms are more uncommon.
Goals
To describe the various neurological attacks which can be seen in Gougerot-Sjögren syndrome.
Case report
Authors report a case of a 67 years woman presenting salivary glands hypertrophy associated with right facial and trijeminal palsy.
An accessory salivary gland biopsy and a magnetic resonance imaging of central nervous system objected the Sjögren syndrome complicated by cranial nerve palsy.
The woman underwent a corticoid treatment. The salivary and nervous impairment disappeared within two months.
Conclusion
Sjögren syndrome is a chronic auto-immune disease involving exocrine glands. It may also associate extra glandular features. Nervous involvement is rarely seen (20%) and rarer is the cranial nerves impairment. The trijeminal nerve is the most involved of all cranial nerves.
Keywords: Sjögren syndrome, nervous complications, facial palsy.
INTRODUCTION
Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) primitif est une maladie auto-immune fréquente. Il toucherait environ 1 % de la population (0,5 à 3 %) et serait la deuxième maladie auto-immune après la polyarthrite rhumatoïde (1). Outre le syndrome sec oculaire et buccal, le SGS peut se compliquer de manifestations systémiques extraglandulaires. Parmi ces manifestations, figurent les complications neurologiques qui surviennent dans 8,5 à 70 % des cas selon les études. Les neuropathies au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif (SGSP) sont observées dans 10 à 35 % des cas.
Nous rapportons un cas de SGSP compliqué d’une atteinte des paires crâniennes.
OBSERVATION
Il s’agit d’une femme âgée de 67 ans, sans antécédents pathologiques particuliers qui nous a consulté pour une tuméfaction sous mandibulaire droite évoluant depuis 2 ans avec apparition depuis 2 mois d’une paralysie faciale périphérique homolatérale. A l’examen, la patiente présentait une paralysie faciale périphérique droite stade III de HOUSE, prédominant sur le rameau mentonnier (figure 1) ainsi qu’une hypoesthésie du territoire du V2 (trijumeau).
A la palpation, on a noté une hypertrophie bilatérale des deux glandes parotides ainsi que des glandes submandibulaires. La loge submandibulaire droite était le siège de signes inflammatoires locaux avec un orifice fistuleux cutané en regard laissant sourdre du pus (figure 2).
Une échographie cervicale a été réalisée objectivant une hypertrophie homogène bilatérale des glandes salivaires avec un aspect évocateur d’une surinfection submandibulaire droite.
Devant l’atteinte nerveuse, une IRM a été pratiquée concluant à un aspect évocateur d’un processus inflammatoire.
Un prélèvement bactériologique à partir de l’orifice fistuleux a isolé un staphylocoque aureus, avec une recherche de BK négative.
L’examen anatomopathologique des biopsies des berges de la fistule a conclu à un aspect inflammatoire. Le test de Schirmer était positif.
La patiente a bénéficié d’une biopsie labiale concluant à sialadénite lymphocytaire de grade 4 de la classification Chisholm.
L’exploration a été complétée par un bilan immunologique : les anticorps anti SSA, antinucléaires, Latex Waaler Rose étaient positifs.
La patiente a été mise sous pyostacine pendant 21 jours avec une Corticothérapie à la dose de 1 mg/kg/j avec une bonne évolution et régression complète des signes inflammatoires ainsi que de la paralysie faciale et de l’atteinte du trijumeau au bout de 2 mois.
DISCUSSION
Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) est une pathologie chronique auto-immune. Il se caractérise par un dysfonctionnement et une destruction des glandes exocrines, associés à un infiltrat lymphocytaire et à une hyperréactivité immunologique [1, 2]. Ce syndrome peut être isolé « SGS primitif » ou associé à une autre pathologie auto-immune « SGS secondaire ». La prévalence du SGS primitif dans la population générale varie, selon les estimations, entre 1 et 3 %. Bien que le SGS affecte les patients quel que soit leur âge ou leur sexe, les femmes âgées de 40 à 60 ans sont les plus atteintes.
Outre le syndrome sec oculaire et buccal, le syndrome de Gougerot-Sjögren peut se compliquer de manifestations systémiques extraglandulaires. Parmi ces manifestations, figurent les complications neurologiques, survenant dans 8,5 à 70 % des cas selon les études [3, 4, 5].
Le mécanisme physiopathologique de l’atteinte nerveuse au cours du SGSP n’est pas établi avec certitude. La fréquence des lésions du vasa nervosum suggère que l’atteinte axonale soit secondaire à un phénomène ischémique.
Ailleurs, une réaction immune humorale ou cellulaire dirigée directement contre les neurones a été évoquée [1].
Les données de la littérature concernant le système nerveux périphérique sont nombreuses et assez concordantes, décrivant des manifestations périphériques en moyenne chez 20 % des patients présentant un SGSP [3].
La paralysie des nerfs crâniens est rare. Le nerf crânien le plus fréquemment atteint est le trijumeau (V). Cette atteinte, souvent unilatérale, touche le contingent sensitif du nerf et prédomine sur les branches inférieures [6, 7]. Elle représente environ 15 % des atteintes périphériques. Tajima [10] a rapporté une fréquence plus importante puisqu’il a noté 50 % de neuropathie trijéminale parmi 21 patients avec manifestations neurologiques. Pour certains auteurs, cette atteinte pourrait être due à une infiltration au niveau du ganglion de Gasser. Certaines atteintes sont asymptomatiques, révélées par une étude neurophysiologique comme le blink réflexe, augmentant alors leur prévalence [4, 8].
D’autres paires crâniennes peuvent être touchées mais elles paraissent plus rares. Le nerf facial (VII) est parfois touché [4]. Pour notre patiente l’atteinte a intéressé le trijumeau et le nerf facial.
Une atteinte du nerf cochléo-vestibulaire (VIII) a également été rapportée avec la survenue d’une surdité brutale ou progressive [4, 12]. Sa fréquence est très certainement sous estimée, la symptomatologie pouvant être mis sur le compte d’une surdité d’origine vasculaire ou d’une presbyacousie.
Les nerfs oculomoteurs peuvent également être atteints mais de façon beaucoup plus exceptionnelle avec parfois une atteinte du nerf moteur oculaire commun ou encore plus rarement le nerf oculaire externe. Enfin, les nerfs mixtes peuvent également être touchés. Il faut de plus souligner la possibilité de paralysies récidivantes et multiples des nerfs crâniens lors du SGS [11, 12].
En revanche les données concernant les manifestations centrales sont beaucoup plus rares et discordantes. Récemment, certains marqueurs biologiques tels que les anticorps anti-alpha-fodrines ont été proposés comme une aide au diagnostic avec des résultats toutefois controversés [3].
L’hypertrophie des glandes salivaires est retrouvée dans un à deux tiers des cas. L’atteinte est le plus souvent bilatérale et symétrique, mais des poussées transitoires unilatérales et asymétriques sont possibles.
Les épisodes de surinfection ne sont pas rares et sont dues à la diminution de la sécrétion salivaire [2].
Dans notre observation les critères européens de diagnostic de SGS sont réunis [5, 6] : sécheresse buccale et oculaire, test de Schirmer positif, anticorps anti SSA positifs, sialadénite lymphocytaire focale stade 4 de Chisholm à la biopsie labiale.
Les données thérapeutiques restent parcellaires et il n’existe pas de consensus tant pour le traitement des manifestations centrales que périphériques.
La corticothérapie est essayée en premier lieu à la dose de 1 mg/kg/j. Son efficacité est imprévisible allant d’une amélioration parfois spectaculaire à l’absence d’effet.
Les cyclophosphamides et les plasmaphérèses sont proposés en deuxième intention sans qu’il soit possible d’évaluer leur efficacité. Cependant, le risque accru de lymphome au cours du SGSP doit faire limiter la prescription d’immunosuppresseurs aux manifestations neurologiques sévères [1].
CONCLUSION
La paralysie des nerfs crâniens au cours du SGSP est rare mais incite à rechercher un syndrome sec devant une symptomatologie neurologique demeurée sans étiologie après un bilan initial.
La méconnaissance des mécanismes à l’origine des complications neurologiques du SGSP explique les échecs thérapeutiques fréquemment rencontrés.
Figure 1
Figure 2
REFERENCES
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