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CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
LES FORMES PSYCHIATRIQUES DES HEMATOMES SOUS-DURAUX CHRONIQUES

PSYCHIATRIC FEATURES OF CHRONIC SUBDURAL HEMATOMAS


  1. Service de Neurochirurgie CHU de FANN, Dakar, Senegal
  2. Service de Neurochirurgie, CHU Sylvanus Olympio, Lomé (Togo)
  3. Service de Psychiatrie, CHU de Fann, Dakar-Sénégal
  4. Clinique Universitaire de Psychiatrie et de Psychologie Médicale du CHU Sylvanus Olympio, Lomé, Togo
  5. Service de médecine légale, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Dakar, Sénégal

E-Mail Contact - HIMA-MAIGA Abdoulaye : ahimamaiga67@hotmail.com


RESUME

Introduction

L’hématome sous-dural chronique est une pathologie fréquente du sujet âgé et fait partie du groupe des démences curables. Les formes à révélation neuropsychiatrique sont moins connues et posent des problèmes médico-légaux. L’objectif de cette étude était de relever les particularités de ces formes à travers 26 observations prises en charge au Sénégal.

Matériels et méthodes

Il s’agissait d’une étude rétrospective de 26 cas d’hématome sous-dural chronique (HSDC) révélés uniquement par des troubles psychiatriques admis en neurologie, neurochirurgie et en psychiatrie de l’Hôpital Général de Grand Yoff et du CHU de Fann de Dakar entre 2001 à 2009. Un recul d’au moins 6 mois était nécessaire.

Résultats

L’âge moyen des patients était de 80,6 ans. Aucun patient ne présentait d’antécédent psychiatrique et 11 (42,3%) étaient éthyliques. Le délire (53,8%), la désinhibition (38,5%) et les hallucinations (34,6%) étaient les principaux signes. Nous avons eu 3 personnes victimes de coups et blessure volontaire sans plainte judiciaire. Les signes ayant motivé la réalisation d’une imagerie étaient : antécédent récent de traumatisme crânien (11,5%), suspicion d’une démence (15,4%), détérioration neurologique secondaire (23,1%), inefficacité du traitement médical (26,9%), recherche d’une hydrocéphalie chronique de l’adulte (23,1%). L’imagerie avait retrouvée dans 69,2% un HSDC bilatéral dont 7 cas en bifrontal. Au recul, on notait chez tous les patients une disparition de la symptomatologie initiale.

Conclusion

Les formes neuropsychiatriques des hématomes sous duraux chroniques doivent sont favorisées par l’âge élevé, l’éthylisme chronique et la topographie frontale de l’hématome et posent des problèmes médico-légaux.

Mots clés : Démence – Hématome sous-dural chronique – Formes psychiatriques – Sénégal.


ABSTRACT

Background

Chronic subdural hematoma is a common disease in the elderly and is part of treatable dementia. The neuropsychiatric features are less rare. The objective of this study was to identify the characteristics of these clinical presentation across

Methods

This was a retrospective study of 26 cases of chronic subdural hematoma with psychiatric disorders admitted in neurology, neurosurgery and psychiatry of Hôpital Général de Grand Yoff and Fann’s CHU of Dakar (Senegal) between 2001 in 2009.

Results

The mean age of patients was 80.6 years. No patient had a psychiatric history and 11 (42.3%) were alcoholic. Delirium (53.8%), disinhibition (38.5%) and hallucinations (34.6%) were the main signs. We had 3 persons victim of inflicted injury without judicial complaint. The signs that led to the realization of imagery were: recent history of brain injury (11.5%), suspected dementia (15.4%), neurological secondary deterioration (23.1%), ineffective medical treatment (26.9%), research of chronic hydrocephalus of adults (23.1%). CT scan and the MRI showed bilateral chronic subdural hematoma (69.2%) including 7 bifrontal location cases. In the follow up, we noticed in all patients the disparition of the initial symptoms.

Conclusion

Neuropsychiatric features of chronic subdural hematomas must be suspected in dementia and poses a legal problem.

Keywords: Chronic subdural hematoma – Dementia – Psychiatric features — Senegal.


INTRODUCTION

L’hématome sous-dural chronique (HSDC) est une collection sanguine, datant d’au moins 1 à 4 semaines, se développant dans l’espace virtuel sous dure-mèrien. C’est une pathologie fréquente du sujet âgé et fait partie du groupe des démences curables à côté de l’hydrocéphalie à pression normale, des troubles métaboliques, des tumeurs et de la méningo-encéphalite syphilitique [8, 13, 19]. Il se manifeste le plus souvent; après un traumatisme crânien même minime, par un syndrome d’hypertension intracrânienne associé ou non à un syndrome focal. Moins connues, les formes à révélation uniquement psychiatrique retrouvées dans 30% à 37% des cas [8]. Leur diagnostic n’est pas toujours aisé en l’absence d’une imagerie, car ces patients peuvent se retrouver en psychiatrie avec un retard de prise en charge adaptée. En outre ces patients peuvent être responsables des actes délictueux posant de véritables problèmes médico-légaux. L’objectif de cette étude était de relever les particularités de ces formes d’ HSDC à travers 26 observations prises en charge au Sénégal.

MATERIELS ET METHODES

Il s’agit d’une étude rétrospective de 26 cas d’HSDC révélés uniquement par des troubles psychiatriques et pris en charge dans les services de neurologie, de neurochirurgie et de psychiatrie de l’Hôpital Général de Grand Yoff ( HOGGY) et du CHU de Fann de Dakar entre 2001 à 2009. Ont été exclus de l’étude tous les patients présentant d’autres signes que psychiatriques à l’admission. Les critères d’inclusion de nos patients étaient :

– Une symptomatologie clinique uniquement psychiatrique.
– La confirmation à la tomodensitométrie ou à l’IRM de l’HSDC.
– La disparition des troubles psychiatriques après le traitement de l’HSDC.
– Un recul d’au moins 6 mois pour tous les patients.

RESULTATS

L’âge moyen des patients était de 80,6 ans avec des extrêmes de 50-95 ans. Les tranches d’âge 71-90 étaient les plus représentées (figure 1). On notait une prédominance masculine avec un sex ratio de 4/1. Un antécédent récent de traumatisme crânien (TC) était retrouvé dans 3 cas (11,5%). Aucun patient ne présentait d’antécédent psychiatrique. Onze patients (42,3%) étaient éthyliques et 4 sous un traitement anticoagulant. Les services d’admission des patients étaient : urgence médicale (57,7%), urgence psychiatrique (30,8%), urgence chirurgicale (11,5%). La durée moyenne d’évolution de la symptomatologie avant l’admission était de 2 mois avec des extrêmes de 2 semaines et 6 mois. Les patients étaient hospitalisés en première intention en psychiatrie (53,8%), en neurologie (23,1%) et en neurochirurgie (23,1%). Les principaux signes psychiatriques des patients sont résumés dans le tableau I. On ne notait à l’admission, aucun syndrome neurologique focal. Deux de nos patients ont agressé 3 personnels soignants. La prescription de psychotropes (Haldol®) a été faite dans 46,2%. La durée moyenne d’hospitalisation en psychiatrie et en neurologie avant le transfert en neurochirurgie était de 4 jours avec des extrêmes de 2 et 19 jours.

Le scanner cérébral a été pratiqué chez 22 patients et l’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) chez 4 patients. L’imagerie cérébrale a été préconisée en première intention dans 8 cas (30,8%). Les signes ayant motivé la réalisation d’une imagerie étaient : antécédent récent de TC (11,5%), suspicion d’une démence (15,4%), détérioration neurologique secondaire (23,1%), inefficacité du traitement médical (26,9%), recherche d’une hydrocéphalie chronique de l’adulte (23,1%). L’imagerie avait trouvé dans 69,2% un HSDC bilatéral (bifrontal dans 7 cas et panhémisphérique dans 11 cas).

Tous les patients ont été opérés par 2 trous de trépan. Au recul, on notait chez tous les patients une disparition de la symptomatologie initiale. En post-opératoire, le traitement psychotrope avait été arrêté dans les cas où il avait été institué. Deux patients ont été réopérés pour récidive de l’HSDC avec une évolution favorable. On ne note pas de décès.

DISCUSSION

L’incidence des HSDC augmente avec l’âge et on note une prédominance masculine [2, 17, 18]. La forme de révélation neuropsychiatrique n’échappe pas à cette règle. Cette forme n’a rien de particulier sur le plan étiologique et des facteurs de risque [20]. Par contre, elle pose des difficultés diagnostiques. Le diagnostic est facile chez une personne âgée confuse avec une notion de traumatisme ; en l’absence de cette notion, le diagnostic est bien plus difficile, surtout devant un tableau où prédominent des manifestations psychiatriques qui peuvent orienter plutôt vers une psychose ou un trouble de l’humeur du sujet âgé [14]. En effet, une autopsie post-mortem de 200 patients souffrant de pathologies psychiatriques a révélé la présence de 14 cas d’HSDC dont un seulement a été diagnostiqué du vivant du sujet [1]. Les manifestations psychotiques survenant de novo au cours de l’HSDC sont rares. Ces manifestations peuvent prendre des formes cliniques diverses à prédominance délirante et hallucinatoire [6, 7, 14]. Nos résultats sont concordants puisque le délire était présent dans 53,8% et les hallucinations dans 34,6%. Du fait de cette symptomatologie atypique, le retard diagnostique peut prendre plusieurs années. Il n’existe pas de profil particulier de patients susceptibles de décompenser leur HSDC par une forme neuropsychiatrique. Mais l’on peut relever 4 facteurs prédisposant : l’âge avancé, l’éthylisme chronique, la topographie frontale de l’hématome et le contexte culturel Africain. En effet l’âge moyen dans cette forme est plus élevé que dans l’ensemble des HSDC [3, 5, 14]. Dans notre série, il était de 80,6 ans avec une prédominance de la tranche d’âge 71-90 ans contre 67 ans pour l’ensemble des HSDC dans notre service [15]. Cet âge élevé explique, cette symptomatologie pseudo-démentielle. La fréquence des signes de démence au cours des HSDC des sujets âgés est évaluée à environ 50% [10, 11, 15, 17].
L’alcool favorise l’atrophie cérébrale, la démence et les troubles psychiatriques, ce qui explique la fréquence élevée des éthyliques (42,3% dans notre série) dans cette forme d’HSDC [9, 10, 12]. La topographie de l’hématome, le plus souvent bifrontal (comme dans notre série) est également un facteur favorisant de survenue des formes neuropsychiatriques, du fait de l’importance de ce lobe dans la physiopathologie des démences [12]. Le contexte culturel africain est propice à la décompensation des psychoses sous la forme de délire de persécution, car le sentiment de persécution colore toute la psychiatrie africaine [4]. Il n’est donc pas rare de retrouver ce symptôme dans plusieurs pathologies somatiques qui altèrent les fonctions supérieures des patients âgés en Afrique, comme l’hématome sous-dural chronique [16].

Cette décompensation sous forme psychiatrique, pose un problème médico-légal par les actes susceptibles d’être commis par les patients. Cela peut aller des délits mineurs comme les vols, les bagarres jusqu’aux agressions (sexuelles ou à armes blanches) et aux homicides. Nous n’avons pas eu d’actes délictueux à part des coups et blessures administrés par 2 patients à leur entourage sans poursuite judiciaire. Il faut noter que de tels actes ne font pas souvent l’objet de plainte de la part des victimes, du fait du respect que confèrent nos sociétés aux personnes âgées et à leur infantilisation. Au-delà de cette considération sociale, le code pénal exonère les malades mentaux de leurs actes délictueux : « il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister » Article 50 du code pénal Sénégalais. Même s’il y a une dépénalisation et une réticence aux poursuites, la responsabilité civile des patients peut être retenue avec des dommages et intérêts importants pour la famille et la société. Ceci justifie une surveillance et une vigilance de la part des soignants et de l’entourage pour prévenir la survenue de tels actes.

CONCLUSION

La forme de révélation neuropsychiatrique des hématomes sous duraux chroniques contrairement aux autres formes de décompensation est peu connue en médecine omnipraticienne. Elle est favorisée par l’âge élevé, l’éthylisme chronique, la topographie frontale de l’hématome et le contexte culturel du patient. Elle pose un problème médico-légal par les actes que peuvent poser les patients. Il faut savoir y penser chez les personnes âgées, éthyliques, lors de la survenue aigue d’un trouble psychiatrique surtout chez les patients indemnes de tout antécédent psychiatrique. Sa prise en charge doit nécessiter une collaboration multidisciplinaire entre psychiatres, neurologues et neurochirurgiens avec une participation majeure de l’entourage.

Conflits d’intérêts:

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

Contribution des auteurs:

Tous les auteurs ont contribué à la conception, à l’analyse et l’interprétation des données. Ils ont également tous lu et approuvé la version finale du manuscrit.


Tableau I : principaux signes cliniques des patients. Main clinical features.

Effectif (n) Pourcentage (%)
Délire de persécution 14 53,8
Désinhibition 10 38,5
Hallucinations 9 34,6
Tristesse 3 11,5
Hétéroagressivité physique 2 7,7
Hétéroagressivité verbale 3 11,5

Figure 1 : répartition des patients en fonction des tranches d'âge. Distribution of patients according to age groups.

Figure 1 : répartition des patients en fonction des tranches d’âge. Distribution of patients according to age groups.



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