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CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
LES HEMANGIOMES VERTEBRAUX AGRESSIFS

VERTEBRAL HEMANGIOMAS - AGRESSIVE FORMS


  1. Service de neuroradiologie, Rabat, Royaume du Maroc

E-Mail Contact - ALLALI Nazik : nazik.allali@caramail.com


RESUME

Introduction

Les hémangiomes vertébraux sont des tumeurs bénignes généralement asymptomatiques. Les tumeurs agressives représentent moins de 1% des cas. L’imagerie permet de poser le diagnostic positif et le degré d’agressivité.

Objectif

Evaluer le rôle des examens radiographiques et des moyens thérapeutiques, embolisation, chirurgie, vertébroplastie, radiothérapie en présence d’un hémangiome vertébral.

Méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective de 5 patients dont l’âge moyen était de 20 ans. La symptomatologie clinique était celle d’une compression médullaire d’installation progressive dans tous les cas. Les radiographies standards, la TDM et l’IRM sont réalisées chez tous les patients.

Résultats

Les hémangiomes vertébraux étaient localisés au niveau du rachis cervical C4 dans un cas et dorsal (D3-D9) dans 4 cas. La radiographie standard a montré un aspect classique de vertèbre grillagée. L’IRM a objectivé un aspect hétérogène des vertèbres atteintes avec des zones vides de signal d’aspect serpigineux et des zones d’hyper signal et d’iso signal en Tl aug – mentant en T2. la composante épidurale responsable de la compression médullaire présente les mêmes caractéristiques de signal que la lésion vertébrale. Devant cet aspect 2 patients ont bénéficié d’une embolisation préopératoire.

Conclusion

Le diagnostic des hémaniomes vertébraux agressifs est aisé grâce à l’imagerie par l’analyse de l’architecture lésionnelle et de l’étendue épidurale. Elles permettent d’établir un score d’agressivité qui oriente l’attitude thérapeutique. La conduite thérapeutique qui nous semble la mieux adaptée devant ces hémangiomes agressifs reste l’association d’une embolisation avec une vertébroplastie percutanée associée éventuellement à une chirurgie en cas d’atteinte épidurale.

Mots clés : Angiome, Hémangiome vertébral, Rachis , Radiologie, Vertébroplastie


ABSTRACT

Background

Vertebral hemangiomas are benign tumours and are rarely symptomatic. Aggressive forms represent less than 1% of all cases. Medical imaging allows both diagnosis and evaluation of their aggressivity.

Objective

To assess the role of radiology, embolisation, percutaneous vertebroplasty, radiotherapy and surgery in the diagnosis and treatment of vertebral hemangiomas.

Methods

We report our experience of five patients who had an average age of 20 years. They all presented with progressive medullary compression and were investigated with plain xrays, CT and MRI.

Results

The vertebral hemangiomas were located in the cervical spine at C4 in one patient and between D3 and D9 in the other four. Plain xrays showed the classic vertical striations and MRI revealed a heterogeneous picture with attenuation of signal in some and hyper or iso intense signals on T1 and hyper intense T2 in the others. The epidural component presented the same imaging characteristics as the bony lesions. Two of our patients were embolised before surgery.

Conclusion

Analysis of the radiological and imaging characteristics of these lesions make vertebral hemangiomas relatively easy to diagnosed. This analysis also enables an aggressivity score to be established that can help guide the therapeutic options. Our treatment strategy included preoperative embolisation vertebroplasty and surgery when the epidural space was invaded.

Keywords: Hemangioma vertebral, Radiology, Percutaneous vertebroplasty, Spine angioma

INTRODUCTION

Les hémangiomes vertébraux sont des dysplasies vasculaires bénignes généralement asymptomatiques pouvant revêtir des formes agressives et entraîner des troubles neurologiques dans moins de 1 % des cas selon DAHLIN (5). Le traitement des hémangiomes vertébraux avec des signes neurologiques reste difficile et mal codifié.
Nous rapportons notre expérience à propos de 5 observations en insistant sur le rôle de l’imagerie dans l’appréciation du degré d’agressivité et sur le choix des thérapeutiques adaptées.

MATERIEL ET METHODE

Notre série comporte 5 observations colligées au service de neuroradiologie de l’hôpital des spécialités de Rabat sur une période de 3 ans. Les malades ont bénéficié dans tous les cas de radiographies standards sur tout le rachis (face, profil) et d’un examen scannographique des vertèbres atteintes, réalisé en coupes axiales avant et après injection de produit de contraste en double fenêtrage avec une épaisseur de coupe de 3 mm. 2 patients ont bénéficié d’un myeloscanner. Une IRM a été réalisée chez 2 patients dont une était après l’acte opératoire. 4 patients ont bénéficié d’une exploration angiographique avec cathétérisme sélectif des pédicules nourriciers. Une embolisation préopératoire en flux libre par des particules de polyvinyle alcool (PVA) et de spongel a été effectuée chezdeux patients.
Les critères d’inclusion de nos patients étaient cliniques représentés par la douleur et le déficit neurologique et radiologiques confirmant la nature agressive de ces hémangiomes en montrant une rupture de la corticale une extension épidurale ainsi qu’une modification de la texture de la lésion.

RESULTATS (voir tableau n°1- 2)

L’âge moyen de nos patients était de 26 ans avec des extrêmes allant de 17 ans à 41 ans se répartissant en 3 hommes et 2 femmes.
Deux de nos patients ont été hospitalisés pour une parésie des membres inférieurs associée à des troubles sexuels et sphinctériens évoluant depuis 8 mois. L’ examen neurologique a mis en évidence une hypoesthésie associée à des signes d’irritation pyramidale. Leur bilan radiologique a montré une lésion de Th4. une paraplégie d’installation progressive sur 2 ans associé à une impuissance sexuelle a été retrouvée chez deux patients ayant une atteinte respectivement de Th10 et Th12. L’examen a retrouvé un déficit complet des membres inférieurs avec un signe de Babinski bilatéral. Un de nos patients présentait une tétra parésie et un syndrome tétra pyramidal associés à une impériosité mictionnelle sur une atteinte cervicale (fig n°1a).
Sur le plan radiologique l’extension épidurale a été retrouvée chez les 5 patients (fig n°1c, 2 a). Un tassement vertébral a été retrouvé dans 2 cas (fig n°3 a) et une extension vers les parties molles dans un cas ( fig n°3 b).
Deux patients ont bénéficié d’une embolisation préopératoire (fig n°2 b,3 c) complétée par une vertébroplastie à ciel ouvert dans 2 cas. Chez les 3 autres patients, une décompression a été réalisée sans embolisation dans 2 cas du fait de la naissance d’une artère spinale antérieure du pédicule nourricier de l’hémangiome (fig n°1d).
L’évolution post thérapeutique a été marquée par une amélioration progressive de la symptomatologie neurologique. En effet, les troubles sensitifs avaient régressé de même que les troubles sphinctériens.

DISCUSSION

Les hémangiomes vertébraux agressifs sont rares (11). Ils se voient chez l’adulte jeune avec une discrète prédominance féminine, deux femmes pour un homme (10) . La localisation dorsale est la plus fréquente de Th 3 à Th 9 (10 ). La localisation cervicale dont nous rapportons un cas a été rarement décrite dans la littérature (1,10,13).
La symptomatologie clinique est le plus souvent représentée par une compression médullaire. Celle-ci a été notée chez tous nos patients. Elle se manifeste plus rarement par des dorsalgies ou des radiculalgies (4). La physiopathologie des signes neurologiques fait intervenir plusieurs paramètres. En général, il s’agit d’une extension épidurale comme nous l’avons noté dans nos observations. Par contre les tassements vertébraux ou les hématomes compressifs n’interviennent que rarement (4). L’hypertrophie osseuse concentrique peut intervenir dans la genèse de la symptomatologie (4).
L’hémangiome vertébral agressif a un aspect typique sur les radiographies standards (2). Il siège sur le corps vertébral qui est déminéralisé présentant des travées verticales réalisant l’aspect grillagé caractéristique qui se perd par endroits. Dans de rares cas, il s’agit d’un aspect en fuseau témoignant d’une extension vers les parties molles para-vertébrales telle que nous l’avons observée chez notre 2ème patient.

L’étude TDM, lorsque l’aspect n’est pas typique permet de préciser l’étendue de l’atteinte osseuse (pédicules, arc postérieur) l’extension épidurale, l’hyper vascularisation et le stroma tissulaire de la lésion. (4,8) Le corps vertébral apparaît d’aspect pointillé correspondant à des travées hyper denses coupées transversalement séparées par des foyers hypodenses plus ou moins important. Cette description a été retrouvée chez tous nos patients répondant ainsi au score d’agressivité de LAREDO et coll (10) qui se base sur sept critères radiologiques (radiographie standard, TDM, IRM) : siège, atteinte de la totalité du corps vertébral, extension endocanalaire et à l’arc postérieur, aspect grillagé irrégulier, corticale mal définie, extension vers les parties molles, nature de stroma. Ainsi la présence de trois ou plus de ces signes est en faveur du caractère partiellement compressif de cet angiome.

L’IRM occupe une place importante par le fait qu’elle permet une analyse multiplanaire directe et représente un pouvoir de caractérisation tissulaire. L’aspect habituel est caractérisé par un hyper signal osseux sur les séquences pondérées en T1 et T2. la perte de l’hypersignal sur les séquences spin écho T1 est un des critères d’agressivité de l’angiome (9,12). Elle trouve son intérêt majeur dans le bilan d’extension au niveau épidurale avec une bonne approche du retentissement sur les structures nerveuses. Son apport a été illustratif chez nos deux patients (observations n°1 et 5).

L’angiographie permet d’apprécier l’état vasculaire de la tumeur et de réaliser une embolisation préopératoire des pédicules nourriciers de l’hémangiome tenant compte de la naissance éventuellement des artères spinales surtout antérieures (15, 16). Le traitement des hémangiomes vertébraux est difficile et aucune attitude thérapeutique ne fait l’unanimité. L’approche thérapeutique fait appel à une radiothérapie, une embolisation associée ou non à une chirurgie ou à une vertébroplastie percutanée. En effet, la radiothérapie a été utilisée depuis 1957 mais des effets indésirables ont imposés une dose faible inférieure à 3500 rad dont l’effet n’est pas toujours efficace (6).

L’embolisation artérielle des pédicules alimentant l’angiome vertébral donne des résultats immédiats souvent spectaculaires mais parfois inconstant dans le temps (4). Les complications restent exceptionnelles mais la méthode peut s’avérer contre-indiquée si l’un des pédicules alimente une artère spinale antérieure. Cette contre-indication n’a pas permis la réalisation d’une embolisation chez deux de nos patients (observations n°4 et 5). Le principal intérêt de cette technique est de permettre une réduction du saignement peropératoire rendant ainsi l’abord chirurgical le moins hémorragique possible. Elle doit être réalisée 24 à 48 heures avant l’intervention chirurgicale. Cette dernière consiste en une exérèse la plus large possible de l’hémangiome. Parfois elle peut se résumer à une laminectomie isolée même si l’angiome occupe tout le corps vertébral lorsque l’état du patient ne permet pas une intervention lourde (14).

Actuellement, la vertébroplastie percutanée apparaît comme l’un des gestes thérapeutiques majeurs de la radiologie interventionnelle du rachis puisqu’elle permet un effet antalgique en consolidant les mini-fractures et en détruisant les terminaisons nerveuses de l’os normal par un effet cytotoxique ou le dégagement thermique du ciment lors de sa prise (3,7).

La conduite thérapeutique qui nous semble la mieux adaptée devant ces hémangiomes agressifs reste l’association d’une embolisation avec une vertébroplastie percutanée associée éventuellement à une chirurgie en cas d’atteinte épidurale.

TABLEAU N°1 : DONNÉES CLINIQUES / CLINICAL FEATURES

Patient Age Sexe Clinique Traitement
K.H 17 ans M Paresthésie des membres

+ troubles sphinctériens

Irritation pyramidale
Laminectomie-échec (saignement important) embolisation complétée par une résection de la composante tumorale intra- canalaire
R.A 36 ans M Paraplégie

+ troubles sphinctériens

+ impuissance sexuelle
Laminectomie – échec (saignement important) embolisation complétée par une résection de la composante tumorale intra canalaire
K.R 17 ans M Paraplégie

+ troubles sphinctériens

Hypotonie des membres inférieures
Décompression chirurgicale
B.H 41 ans F Lourdeur des membres inférieurs Décompression chirurgicale
C.H 20 ans F Tétraparésie

+ impériosité mictionnelle
Décompression chirurgicale

TABLEAU N°2 : DONNÉES DE L’IMAGERIE / RADIOLOGICAL DATA

Patient Standards TDM Myelo-scanner IRM Angiographie
K.H Aspect multilacunaire de corps vertébral (CV) et des pédicules de D4 Processus trabéculé du corps vertébral de D4 s’étendant en intracanalaire Compression medullaire de type extra-durale en regard de D4 Aspect hétérogène du corps vertébral de D4, laminectomie avec prolifération tissulaire postérieure, lésion épidurale circonférentielle, Blush vasculaire en regard de D4
R.A Tassement D12 avec Images lytiques corporelles droites et déaxation avec lyse de l’arc postérieur de la 12 côte dte Lésion hémicorporéale dte s’étendant en intacanalaire et parties molles dte de plage homogène contenant des séquestres osseux Non Réalisé (NR) NR Important blush vasculaire au niveau du contingent tissulaire paravertébrale alimenté par la 12 intercostale
K.R Aspect grillagé mal visualisation des pédicules et du mur postérieur de D4 Atteinte des deux pédicules du CV de D4 processus spontanément hyperdense intra canalaire. Compression médullaire de type extra-durale NR NR
B.H Tassement de D10 et augmentation du volume du corps vertébral qui présente un aspect grillagé Images lacunaires prédominant au niveau de la partie postérieure du CV s’étendant aux pédicules, cloisons rarifiées NR NR Blush capillaro – veineux intéressant, le corps vertébral D10 alimenté par les intercostales D9 et D10, naissance d’une artère spinale
C.H Aspect grillagé du C4 avec perte des corticales osseuses antérieures du corps vertébral Aspect multilacunaire du CV, pédicules et arc post de C4 NR Hyper signal du corps vertébral qui est hypertrophié Prise de contraste du contingent tissulaire intra- canalaire en regard de C4 s’étendant à C1, compression médullaire Blush vasculaire en regard de C4 avec naissance d’une artère spinale
Figure 1a

Figure 1a

Figure 1b

Figure 1c

Figure 1c

Figure 1d

Figure 1d

Figure 2a

Figure 2a

Figure 2b

Figure 2b

Figure 3a

Figure 3a

Figure 3b

Figure 3b

Figure 3c

Figure 3c


REFERENCES

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