CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
LES MÉNINGIOMES INTRÂCRANIENS EN MILIEU IVOIRIEN. ÉTUDE D’UNE SERIE CHIRURGICALE
INTRACRANIAL MENINGIOMAS IN IVORY COAST. A SURGICAL STUDY
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SUMMARY Objective Methods Results Conclusion Keywords: intracranial Meningioma / cerebral Tumor / Abidjan. RÉSUMÉ Objectif Matériel et Méthode Résultats Conclusion Mots clés : Ethnie, Méningiome intracrânien, Tumeur cérébrale. INTRODUCTION Les méningiomes représentent 15% à 20% des tumeurs intracrâniennes chez l’adulte, et viennent en deuxième position après les tumeurs gliales (15,16). Si les méningiomes sont bien connus depuis la monographie de Harvey Cushing (8) dans les pays du nord il n’en pas de même pour les pays les pays africains. Dans ces pays l’intérêt porté à ces tumeurs résume diagnostic et au traitement chirurgical. Or le méningiome semble présenter une distribution ethnique (12,13). PATIENTS ET MÉTHODE Il s’agit d’une étude rétrospective de 96 patients opérés d’un méningiome intracrânien dans notre service de janvier 1991 à décembre 2001. Les 96 cas de méningiome intracrânien ont été retenus sur un total de 114 cas traités dans le service pendant la période. Bien que 18 patients avaient un diagnostic histologique de méningiomes, ils ont été exclus pour dossiers incomplets. Pendant cette période d’étude, 341 cas de tumeurs cérébrales ont été traités dans le service. La série était constituée exclusivement de noirs africains. Le scanner a constitué le moyen diagnostique et le bilan d’extension préopératoire. La confirmation du diagnostic de méningiome et la précision du type histologique ont été faites après l’exérèse chirurgicale. L’examen neuropathologique du prélèvement a été fait conjointement par les laboratoires d’anatomie pathologique d’Abidjan et de neuropathologie du CHRU de Lille. Pour chaque patient, les données épidémiologiques, cliniques, tomodensitométriques et l’évolution ont été obtenues en consultant les dossiers d’observation. Le scanner a donné des informations sur la taille de la tumeur, sa topographie et l’existence ou non d’un dème péri lésionnel. L’état clinique préopératoire a été apprécié selon l’index de Karnofsky (18). La qualité de l’exérèse tumorale a été définie selon la classification de Simpson [25] (Tableau IV). L’exérèse est considérée macroscopiquement complète pour les grades l et II (25). La qualité de la survie notamment la réinsertion sociale a été appréciée selon l’échelle de Karnofsky (18) (Tableau II). RÉSULTATS Epidémiologie Les méningiomes intracrâniens ont représenté 33,43% des tumeurs intracrâniennes admis dans le service à la même période. La fréquence des autres tumeurs a été de : les adénomes hypophysaires (20%), les astrocytomes (10,30%), les glioblastomes (9,7%) et le neurinome de l’acoustique (1 ,47%) et les autres tumeurs de 25,2%. Le sex -ratio était d’environ 3/2 (soit 55 femmes pour 41 hommes). L’âge moyen de nos patients était de 43 ans avec des extrêmes de 07 et 72 ans. La notion de traumatisme crânien a été retrouvée dans les antécédents de 11 patients, mais le délai entre les deux événements n’était pas toujours précisé ; le méningiome n’était pas développé sur le site du traumatisme. Aucun autre facteur étio-pathogénique n’a été identifié. Diagnostic Le diagnostic a été fait en moyenne 22 mois après le début des signes cliniques avec des extrêmes allant de 01 mois à 132 mois. La symptomatologie clinique était dominée par des céphalées isolées (68,42%) et une hypertension intracrânienne (43,75%). Le méningiome a été diagnostiqué chez cinq patients présentant une cécité totale. Le motif de consultation était une épilepsie chez 42,10% des patients (tableau I). L’état clinique préopératoire apprécié selon l’index de Karnofsky était supérieur à 50 dans 71,58% des cas et inférieur à 50 dans 28,42% des cas. Le scanner a permis d’évoquer le diagnostic préopératoire et de préciser la topographie du processus expansif méningiome. Les méningiomes de la convexité ont représenté 47,36% des cas. Le diamètre de la tumeur était inférieur à 3 cm dans 9,78% des cas, compris entre 3 et 6 cm dans 68,49% des cas et supérieur à 6 cm dans 21,73% des cas. La topographie (Figures1, 2 ,3) Le scanner a permis préciser la topographie du processus expansif intracrânien. Les méningiomes de la convexité ont représenté 47cas soit 47,36% des cas para sagittal et de la faux (16,66% soit 16 cas), étage antérieur (5,20% soit cas 5), petite aile du sphénoïde, grande aile du sphénoïde (4 ,16 % soit 4cas), tubercule la selle et du diaphragme (3,12% soit 3 cas), sphéno orbitaire (3 ,12 %soit 3cas) et sinus caverneux (1,04% soit 1cas). Le diamètre de la tumeur était inférieur à 3 cm dans 9,78% des cas, compris entre 3 et 6 cm dans 68,47% des cas et supérieur à 6 cm dans 21,73% des cas. La présence d’dème péri tumoral était constatée dans 41,05% des cas contre 58,94% de cas d’absence. L’envahissement osseux du méningiome était retrouvé dans 16 cas (16,66%). Un cas de méningiome de la base du crâne étendu à la cavité orbitaire et à la fosse infratemporale a été observé. Dans un cas, le méningiome était associé à une localisation bilatérale de neurinome de l’acoustique. Histologie Le diagnostic de méningiome a été confirmé après l’exérèse par l’examen neuropathologique chez tous les patients de notre série. Le diagnostic de méningiome a été confirmé après l’exérèse par l’examen neuropathologique chez tous les patients de notre série. Les différents types suivants ont étéidentifiés: méningothélial (55,78%), fibroblatique (13,68%), transitionnel (15,78%) , psammomateux (3,15%), angiomateux (5,26%), papillaire (1,05%), kystique(2,10%) et atypique (3,15%). Le méningiome atypique a été observé dans 03 cas et le méningiome papillaire dans 01 cas. Aucun cas de méningiome malin n’a été observé. Qualité d’exérèse L’exérèse a été macroscopiquement complète dans 56,52% des cas (Simpson l et II). Elle était incomplète dans 47,91% des cas. Une simple biopsie était réalisée dans 4,43% des cas. La radiothérapie conventionnelle a été effectuée en plus de l’exérèse chirurgicale dans un cas en dehors d’Abidjan. Le traitement médical adjuvant a consisté à utiliser des corticoïdes, des antalgiques et des antiépileptiques. Evolution postopératoire Le suivi postopératoire allait de 6 mois à 10 ans. 22 patients ont été perdus de vue. La mortalité opératoire était de 12,63%. Le taux de récidives ou poursuite évolutive était de 7,29% (7 cas). DISCUSSION Epidémiologie L’incidence des méningiomes varie avec les études. Ainsi ont rapporté : Jan et coll. (15) en 8 ans, une série médico chirurgicale 161 cas de méningiomes dont 133 cas ont été opérés, la Mayo Clinic (26) (581 cas de 1978 à 1988), Kallio 935 cas en 27 ans (17) et notre série exclusivement chirurgicale de 96 cas en 10 ans. Cette série donne une idée de l’incidence des méningiomes en Afrique subsaharienne. Puisqu’elle a été constituée sous l’ère de l’imagerie moderne du développement de services neurochirurgicaux nettement plus équipés. Les méningiomes semblent représenter les tumeurs intracrâniennes les plus fréquentes en milieu ivoirien. Peut être qu’il s’agit dune particularité du sujet noir. En effet plusieurs études constatent que les méningiomes sont les tumeurs intracrâniennes les plus fréquentes chez le noir (7, 9, 11, 14). En Afrique occidentale à Dakar, sur une série de 194 tumeurs de SNC il est constaté 37.6% gliome, 18% des méningiomes, 6.2%, des adénomes pituitaires 1.6% des craniopharyngiomes et 2.1% des tumeurs acoustiques (7). Dans une étude plus récente Sakho et coll. (24) – 24 cas de méningiome sur 52 cas de tumeurs cérébrales soit 46,15% – confirment cette particularité. En revanche deux études au Nigeria notent sont quelque peu contradictoires aux précédentes. La première constate 20,8%de tumeurs gliales, 18,8% de tumeurs hypophysaires, et16, 7% méningiomes (20). La seconde note 20% tumeurs gliales 17,1% d’adénomes hypophysaires et les méningiomes à11, 4% (21). Au Ghana une étude une récente d’un échantillon de 30 cas de tumeurs montre une prédominance des astrocytomes de haut grade à 23%(4). En Afrique du sud une analyse ayant porté sur deux groupes de population révèle une prédominance des méningiomes dans la population noire (19). La première population comprend 205 patients noirs porteurs de tumeurs primitives du système nerveux et la seconde population 244 blancs d’Afrique du sud .Les méningiomes représentent 33% des tumeurs chez les noirs et 19% chez les blancs. Les gliomes ont représenté 61,3% chez les blancs et 48,8% chez les noirs. Le neurinome de l’acoustique a été rare les noirs. Dans une autre étude faite sur la population du bantou à Transvaal, les méningiomes ont représenté 33.3% des tumeurs du système nerveux central, les gliomes 16%, les adénomes hypophysaires 6.5%, craniopharyngiomes 4%, les tumeurs acoustiques (14). Aux Etats-Unis, deux études importantes montrent que les gliomes sont plus fréquents chez les caucasiens alors que les adénomes hypophysaires, les méningiomes et les tumeurs de la gaine des nerfs sont plus fréquents chez les noirs (12 ,13). Les résultats contradictoires pourraient s’expliquer par la taille des échantillons qui est faible dans les études africaines. Les méningiomes ont été diagnostiqués chez des patients relativement plus jeunes (42 ans) que ceux des pays occidentaux ou le pic de fréquence situe à 60 ans (10). La prédominance du méningiome du sujet jeune est aussi constaté en Afrique du sud et est peut être une particularité chez les sujets noirs (14). La prédominance féminine du méningiome constatée par la plupart des auteurs est vérifiée dans cette étude avec un sex-ratio d’environ 3/2. Les populations africaines constituées majoritairement de jeune expliquent que le diagnostic ait été posé à un âge relativement jeune. La notion de traumatisme crânien est retrouvée dans les antécédents de 11 patients mais qui ne remplissent pas le critère de Zülch (29). En dehors de ce facteur dont Cushing (8) a évoqué le rôle probable, dans la genèse des méningiomes, les autres facteurs étiopathogéniques (neurofibromatose de type 2, l’irradiation encéphalique, les virus oncogènes et les hormones) n’ont pas été observés (6,10 ,23). Diagnostic Le délai diagnostique est sensiblement identique à celui des pays occidentaux, 18 mois dans la série de Jan et coll. (15).Ceci pourrait expliquer le fait que la taille des méningiomes au moment du diagnostic est superposable à celle de la littérature occidentale (Tableau II) (3). Les céphalées ont représenté la circonstance de diagnostic la plus fréquente. Les troubles visuels ont constitué le second mode de révélation du méningiome. La découverte du méningiome chez cinq patients avec cécité d’hypertension intracrânienne, devenue définitive doit attirer l’attention des médecins africains. Les céphalées isolées persistantes doivent imposer au praticien la réalisation systématique d’un scanner à la recherche d’une lésion expansive intracrânienne. Le scanner constitue notre seul moyen diagnostique préopératoire des tumeurs intracrâniennes. Il a permis de faire le diagnostic topographique de la lésion, le bilan d’extension, de détecter l’existence ou non d’un dème péri lésionnel, de mesurer approximativement les dimensions du méningiome. Résultats thérapeutiques Notre taux de récidives ou poursuite évolutive était de 7,29% mais un recul relativement court (6 mois à 10 ans).Dans la littérature, elle est de 9 à 20% à 10 ans après une résection complète et de 18 à 50% après une résection subtotale (6). Nos résultats comparés à ceux de la série sénégalaise montrent une diminution de la mortalité opératoire qui s’explique par l’amélioration du plateau technique. Ces résultats se rapprochent de ceux des pays occidentaux. Alors que Badiane et coll. (5) trouvait une mortalité opératoire égale à 38%, nous avons constaté une mortalité opératoire de 12,63%. Dans les séries occidentales, la mortalité varie avec les auteurs ; Jan (14,3%) (15), Popo (14%) (22), Yamashita (19%) (28), (7%) Kallio (17), Mayo Clinic (3 ,7%) (26). La réduction de la mortalité opératoire s’explique par l’acquisition d’un plateau technique acceptable permettant de prendre en charge les tumeurs intracrâniennes. Problème de prise en des méningiomes En milieu africain, subsaharien le méningiome pose surtout un problème de traitement complémentaire à la chirurgie ; surtout dans les formes ou la chirurgie est insuffisante. À cela s’ajoute le coût excessif du scanner pour nos populations qui ne peuvent le réaliser lorsqu’il est prescrit. L’indisponibilité de ces examens, seules deux villes disposent d’un scanner. Ajouter à ce problème de réalisation du scanner, le coût de l’intervention chirurgicale. La radiothérapie d’intérêt relatif et l’embolisation pré opératoire dont l’indication est encore discutée des méningiomes hypervascularisés sont inexistantes et la seule possibilité de les réaliser est de les pratiquer hors d’Abidjan (1 cas de radiothérapie complémentaire à la chirurgie dans notre expérience). Les études de survie des méningiomes sont de réalisation difficile du fait de la difficulté du suivi postopératoire, du nombre élevé de perdu de vue et peut être une espérance de vie assez courte dans de nos populations. En Afrique, le contexte social marqué par le manque de moyen financier rend illusoire, pour l’instant, la recherche clinique visant à mieux comprendre l’oncogenèse du méningiome. Il serait intéressant d’envisager des études épidémiologiques multicentriques des tumeurs cérébrales en Afrique en incluant un nombre important de patients afin de connaître réellement la place de chaque tumeur en milieu africain En effet beaucoup d’inconnus persistent dans la genèse du méningiome. Le rôle oncogène des hormones sexuelles semble de plus en plus accepté. Le gène précis codant pour la genèse de ces tumeurs n’est par encore identifié (6). Les études qui seront menées permettront sans doute d’obtenir des données sur l’oncogenèse des méningiomes et comprendre pourquoi le méningiome des sujets noirs prédomine chez le sujet jeune et que nous n’avons pas observé de méningiomes malins. Ces études devraient prendre en compte la génétique et les marqueurs de croissance tel que l’EGFR (epidermal growth factor receptor) immunoreactivity dont l’absence est associée à un mauvais pronostic des patients porteur de méningiomes atypiques (27). CONCLUSION Cette étude est la première effectuée en Côte d’Ivoire depuis l’acquisition d’un plateau technique permettant la prise en charge des tumeurs intracrâniennes. Elle a permis d’identifier les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, para cliniques et thérapeutiques des méningiomes intracrâniens en milieu ivoirien. Les caractéristiques des méningiomes intracrâniens en milieu ivoirien seront mieux étudiées dans l’avenir avec l’acquisition d’une IRM, d’une artériographie, de laboratoires de biologie moléculaire, et d’une unité de radiothérapie. L’amélioration de notre plateau technique va contribuer à une meilleure prise en charge de nos patients et au développement de la recherche clinique. Tableau I: Principaux signes cliniques Table I: Main clinical signs
Tableau II : Echelle de Karnofsky [14] simplifiée pour cette étude Karnofsky scale simplified for this study
Tableau II : Répartition des tumeurs selon leur taille. Table: Distribution of tumour sizes.
Tableau II: Résumé de la qualité de l’exérèse chirurgicale (n =96) TableII: Quality of meningioma removal. Simpson’s Classification
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