CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
LES TRAUMATISMES VERTEBRO-MEDULLAIRES PAR CHUTE DE LA HAUTEUR D’UN ARBRE A PROPOS DE 73 CAS AU MALI.
SPINAL CORD INJURY AFTER FALLS FROM TREES ABOUT 73 CASES IN MALI
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RESUME Introduction Objectif Matériels et méthodes Résultats Conclusions Mots clés: Arbre, Accident, Chute, Mali, Rachis, Traumatisme SUMMARY Introduction Objective Materials and Methods Results Conclusions Keywords: Fall, Accident, Spine injury, Trauma, Mali INTRODUCTION La chute de la hauteur d’un arbre entraine très souvent des lésions traumatiques graves (2). Les traumatismes vertébro-médullaires par chute d’arbre sont le plus souvent accidentelles et se produisent à partir d’une hauteur élevée mettant ainsi en jeux le pronostic fonctionnel et ou vital (2). Ces types d’accidents sont fréquents dans les pays en voies de développement mais aussi dans les pays développés à des proportions et causes différentes (7, 9,18). Le but de notre étude réalisée au CHU Gabriel Toure de Bamako (MALI) a été de faire ressortir les aspects épidémiologiques, les causes de ces chutes d’arbres, et les facteurs influençant de ce type de traumatisme afin de dégager les mesures préventives. MATERIELS ET METHODES Une étude prospective continue sur deux ans d’octobre 2007 à septembre 2009 a été menée dans le service de neurochirurgie et traumatologie du C.H.U Gabriel Touré de Bamako au Mali. EIle a concerné 73 patients victimes de traumatismes vertébro-médullaires par chute de la hauteur d’un arbre sans discrimination du sexe, de l’âge, de la provenance, du délai d’admission et du statu neurologique. Le déficit neurologique des patients a été apprécié par le score de Frankel. Le recueil des données a été fait à partir des dossiers d’admission, d’hospitalisation, de compte rendu opératoire et de sortie. Une corticothérapie à base de dexaméthazone injectable à 35mg/kg reparti en 3 jours a été proposée aux patients qui ont été admis dans les 72 premières heures. Tous les patients ont bénéficié d’une tomodensitométrie sans injection à l’admission au service des urgences et d’accueil. Les interventions chirurgicales ont été décidées après un consentement éclairé verbal de la famille et dépendait du statut neurologique mais aussi des résultats du scanner. La technique opératoire et le choix du matériel d’ostéosynthèse étaient laissés à l’appréciation du neurochirurgien. Les patients ont été revus à un mois, 6 mois et 12 mois après l’intervention chirurgicale pour les survivants. RESULTATS Nous avons récencé au cours de cette étude, 73 cas de traumatisme vertebro-médullaire par chute. L’âge de nos patients allait de 5 ans à 65 ans avec une prédominance masculine de 69,86% (51 patients). Toutes les couches socioprofessionnelles ont été concernées. Les élèves ont représenté 9,58% (7 patients), les bergers 30,13% (22 patients) et les paysans 60,27% (44 patients). Pendant la période de décembre à mai 79,45% (58 patients) des traumatismes se sont produits et 20,54 % (15 patients) de juin à novembre. Dans notre série, 60,27% (44 patients) des patients venaient de la campagne, 34,24% (25 patients) des zones péri-urbaines et 4,10% (3 patients) de la zone urbaine. La cause de la chute était « la glissade », la distraction de branches ou une fracture de branche d’appui. La hauteur de la chute allait de 4 à 20 mètres. Le délai de prise en charge allait de deux heures à trois semaines. Les moyens de transports étaient non médicalisés des lieux de la chute vers les centres de santés de références dans 97,26% (71 patients ) puis médicalisé (ambulance avec agent de santé à bord dans 2,73% des cas (2 patients ). Les ambulances des sapeurs pompiers ont été impliquées dans le transport dans 30,13% ( 22 patients ) et 50% des patients sont parvenus à l’hôpital par leur propre moyen. A l’admission 44 patients (60,27%) ont été classés Frankel A , 7 patients (9,58%) Frankel B, 25,65% Frankel C (18 patients) et 5,47% soit 4 patients Frankel D. (tableau.1) – au niveau cervical : 51 patients (69,86%) ont été victimes de fracture luxation entre C5 – C6 (figure 1) Le traitement médical fait d’antalgique a été effectué chez tous les patients. La corticothérapie à base de dexamethazone à 35mg/kg pendant une heure puis 5mg /kg pendant 23 heures et les deux jours suivant a été pratiquée chez 33 patients (45,20%); une traction à l’aide d’un étrier chez 45 autres patients (61,64%). Le poids à appliquer a été fonction du niveau de fracture cervical. Le traitement chirurgical a concerné 32 patients (43,83%) dont 20 patients (27,39%) au niveau cervical. La voie antérieure cervicale a été pratiquée chez 15 patients (75 % des traumatismes cervicaux opérés). Elle consistait à pratiquer une incision pré-sternocléidomastoïdienne droite avec repérage scopique du disque lésé. La dissection à l’aide d’une pince à disséquée et de tampons montés ont permis d’atteindre la colonne rachidienne cervical. Le paquet aérodigestif comprenant la trachée et sophage était séparé du paquet vasculo-nerveux. Cet écarteur était relâché toutes les 10 minutes pour éviter les complications de compressions. La discectomie était faite à l’aide d’une pince à disque droite et courbe puis les plateaux vertébraux ravivés à l’aide de pince à curette. Un écarteur inter somatique était appliqué pour permettre l’incarcération d’un fragment osseux préalablement prélevé au niveau de la crête iliaque droite. L’ostéosynthèse a concerné alors les deux corps vertébraux en luxation sus et sous jacent intercalés d’un greffon osseux et le matériel utilisé était une plaque en titane de 5 trous (figure 2). La voie postérieure cervicale a concerné 5 patients (25% des atteintes cervicales opérées) après un repérage scopique, les articulaires ont été exposées par désinsertion musculo-aponévrotique à l’aide du bistouri monopolaire puis on a procédé au vissage corticale. L’ostéosynthèse dorsale par voie postérieure a concerné 9 patients (47,36% des atteintes dorsales). Un repérage scopique puis une désinsertion musculo-aponévrotique à l’aide du bistouri mono-polaire ont été pratiqués. Le vissage pédiculaire a été fait sous scopie après la réduction dans tous les cas de luxations suivi d’un contrôle scopique à la fin de chaque intervention chirurgicale pour vérifier la position des vis. Trois patients (100% des atteintes lombaires) ont bénéficié d’ostéosynthèses lombaires et la procédure était la même. Un drain aspiratif a été placé dans tous les cas et retiré au deuxième jour de l’intervention. L’évolution des patients a été fonction du niveau de la lésion et du statut neurologique. Ainsi la mortalité a été résumée dans le tableau 2: au niveau cervical, pour les patients Frankel A : 7 décès (35% des patients opérés) dont quatre patients dans les trois jours après l’intervention chirurgicale des suites de détresse respiratoire. Les trois autres patients sont décédés trois mois après la prise en charge chirurgicale par des complications d’alitement. Deux autres (10%) survivants ont gardé une spasticité à prédominance crurale au niveau des quatre membres. Les patients Frankel B ont évolué différemment : deux(2) cas de décès (10%) ont été enregistrés et deux autres patients ont eu une évolution favorable en restant autonome, Trois patients (15%) sont restés spastiques sur le plan moteur. Aucun patient Frankel C n’est décédé et trois patients (15%) n’ont gardé aucune séquelle. L’évolution à long terme a été dominée par une névralgie brachiale gauche chez un patient 6 mois après l’intervention au nivaux C5-C6. Les sondes urinaires ont été placées chez les patients pendants deux à trois semaines suivi d’une rééducation de la vessie par clampages intermittentes de la sonde puis des séances d’auto-sondage ont été initiées. Au niveau dorsal, aucun patient Frankel A n’a évolué favorablement sur le plan sensitivomoteur. Tous les patients avec des lésions lombaires ont évolué favorablement avec la disparition des symptômes sensitivo-moteurs avant 6 mois. Les dysfonctionnements sexuels allants des troubles érectiles à l’absence d’éjaculation ont été signalés chez cinq patients survivants autonomes. DISCUSSION Les traumatismes physiques sont l’une des causes importantes de morbi-mortalités en Afrique (13). La prévalence des traumatismes vertébro-médullaires est diversement appréciée elle est de 236-1009 par million (6). L’incidence est de 39 pour un million d’habitant en Amérique du Nord ; 15/1000.000 en Europe de l’Est, 16/1000.000 en Australie (13) ; 7,8 par million au Chili (5). Elle est de 104,2% pour les jeunes de moins de 20 ans. (12) et représente 1/3 des traumatismes du rachis. Les causes de ces chutes diffèrent selon les pays et continents. Il existe une prédominance masculine (11) décrite par tous les auteurs ceci est peut être lié au faite que les hommes sont plus exposés aux risques que les femmes. L’âge moyen est de 16.4 mais il va de 7 ans à 82 ans (7 , 8). Les populations touchées sont les élèves (7, 9) et n’a représenté que 10% dans notre sérié à cause de l’occupation des élèves par les activités scolaires pendant cette période. Les paysans et les bergers ont été plus représentés dans notre série ce qui s’explique par leur profession car ils sont amenés à monter sur des arbres lors des cueillettes des fruits pour les uns mais aussi pour couper les branches d’arbres à feuillages pour les animaux pendant la saison sèche où le pâturage manque pour les autres. Ces genres activités sont fréquents dans les pays sahéliens et semi-désertiques. Par ailleurs ces genres d’accidents sont aussi rencontrés dans les pays à climat différent des nôtres.(3 ,19 ,14) où La plupart des patients provenaient des zones périurbaines Les causes de ces chutes: Selon Djientcheu (7), le manguier était l’arbre le plus incriminé (42,1%) au Cameroun, comme à Townsville [9] suivi du palmier à huile (28,1%), de l’avocatier (12,5%) ; du prunier (8,77%) ; du cocotier (1,75%) ; du goyavier (0,02), de l’oranger (0,02) et d’un arbre non fruitier. L’arbre de la cola (colatier) représentait 44% suivi du palmier 11% (1). Au Kashmir les cueillettes des fruits sauvages sont responsable de 37.5% des traumatismes vertebro-médullaires (14). En Malaisie, les cocotiers constituent les arbres incriminés [3]. Par ailleurs, les chutes des miradors de chasse pour chasseur représentaient la principale cause en Pennsylvanie (17), à Durham (6), à Philadelphia (8) et en Oklahoma (10). A Montréal, au Québec, l’étiologie des chutes est très diversifiée allant des chutes des grands immeubles en constructions aux chutes dans les escaliers ou balcon ou même dans le cadre d’un suicide (11). Ces données ont été retrouvées en Chili (5). Les raisons directes ou indirectes de la chute d’arbre étaient dans l’étude de Dientcheu (7) la glissade dans 21 cas (36,8%), le bris de branche d’appui dans 10 cas (17,5%), un faux pas dans 2 cas (3,5%), la distraction dans 3 cas (5,3%), la percussion du grimpeur par une branche coupée dans 2 cas, la mauvaise appréciation du saut d’une branche à l’autre dans 2 cas et un cas de piqûre par les fourmis. Dans le cas spécifique du palmier à huile, la chute était due principalement à la rupture du cerceau dont le matériel était usé dans 9 cas ou au débricolage du cerceau dans 2 cas. Dans 3 cas, la cause était indéterminée. Ces résultats sont comparables à ceux d’Okonkwo ca (15). Par ailleurs l’usage d’alcool et l’addiction à certaines substances ont été relatés (6 , 18). La période des chutes a été un facteur déterminant favorisant les chutes. Cette période allait de novembre à mars pour Okonkowo ca (15), ce qui correspondait au moment de grande humidité entrainant des chutes par glissage. La période des mangues à Townsville en Australie entre juin et novembre a recensé 82% des chutes d’arbres tandis qu’elle est de 94% entre aout et octobre pour la collecte de fruits d’arbres en Inde (2). Dans notre série cette période va de décembre à mai correspond à la saison des mangues mais également à la saison sèche ou le pâturage manque incitants les éleveurs et fermiers à monter sur les arbres à fourrages. Le délai de prise en charge est allé de 30 minutes à 14 heures (8). Il a été de deux heures à trois semaines dans notre étude ceci pourrait s’expliquer par le système d’organisation sanitaire ou le premier secours sur le lieu de l’accident est assuré par le premier venu qui n’est généralement pas un professionnel de la santé. L’acheminement des lieux de l’accident vers les hôpitaux (à la charge de la famille) fait retarder le processus de traitement. Les patients sont très souvent acheminés vers les structures hospitalières sans immobilisations cervicales, dans des véhicules inadaptés et avec un délai de retard important (16). Le mécanisme du traumatisme est une hyperflexion, hyperextension dans les chutes d’échafaudages, de toit, de chevaux. Les chutes d’arbres, d’échelle, de piliers entrainent une compression axiale (8). Les chutes de hauteurs entrainent des lésions graves pouvant atteindre 79% de déficits neurologiques dont 42% de tétraparésie, 31% de tétraplégies et 9% de lésions extra-medulaires selon Sheresta (16). Il peut s’agir de traumatismes crâniens dans 39% des cas, de lésions musculo-squelettiques dans 34% des cas, de lésions abdominales dans 12% des cas, et maxillo-faciale dans 8% (11). La morbidité a été diversement étudiée par les auteurs dont Fayssoux (8) qui retrouve 63% de déficits neurologique. Stubbs (18) retrouve 90% de para-parésies et paraplégies. Cette étude est semblable à la notre avec 95% de déficits neurologiques dont 70% de paraplégie/ para-parésie. Ceci peut être dû à la lésion initiale mais également à des multiples transferts effectués avant d’atteindre l’hôpital [1] et ou à des conditions de transports non adéquates (16). L’imagerie retrouve tous les modes de fractures: des fractures comminutives, aux fractures avec recul du mur postérieur, et fractures de l’arc postérieur (6). Ce qui est comparable aux données radiologiques de notre série. Le taux de mortalité varie selon les auteurs, elle va de 8,7% pour Gi (5) à 25,64% selon Ba (1), notre étude se situe entre ces deux taux avec 12,32%. Mais le plus important reste la très forte morbidité qui aura des conséquences socioprofessionnelles et économiques lourdes. Les chutes du haut d’un arbre sont des accidents dangereux et fréquents au MALI. Ces accidents peuvent être évités et le meilleur moyen pour réduire l’incidence est la prévention qui passe par des programmes éducatifs, d’information et de sensibilisation sur les risques de ces pratiques. L’amélioration des conditions de vie avec l’accessibilité aux outils de cueillettes appropriés. La surveillance constante des enfants dans l’environnement scolaire et familial. Les mesures répressives sur l’usage de l’alcool et de stupéfiants pour les chasseurs qui montent sur les stands de guet mais aussi des mesures législatives de protection des fenêtres dans les pays ou il existe beaucoup de suicidaires. Il faut une meilleur organisation des soins pour la prise en charge les traumatisés vertebro-médullaires dans les hôpitaux publiques et généraux (4) CONCLUSION Monter sur un arbre reste dangereux car susceptible d’entrainer une chute avec des lésions multiples entrainant une morbi-mortalité importante d’où la nécessité d’un programme national de prévention de ces risques. Tableau 1 : score de Frankel Table 1: Frankel classification
Tableau 2. Mortalité dans la série Table2. Mortality
BIBLIOGRAPHIE
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