AJNS
CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
L’EVALUATION DES TROUBLES VESICO-SPHINCTERIENS DANS LA SCLEROSE EN PLAQUES. ETUDE DES CORRELATIONS AVEC LE STATUT FONCTIONNEL ET LA QUALITE DE VIE

EVALUATION OF URINARY DISORDERS IN MULTIPLE SCLEROSIS CORRELATIONS WITH FUNCTIONAL STATUE AND QUALITY OF LIFE


  1. Service de médecine physique rééducation et réadaptation fonctionnelle CHU Habib Bourguiba Sfax
  2. Service de Neurologie, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie

E-Mail Contact - GHROUBI Sameh :


RESUME

Description

Les troubles vésico-sphinctériens, dans la sclérose en plaque (SEP), sont largement étudiés dans la littérature. La relation entre l’état fonctionnel et ces troubles méritent d’être étudiée.

Objectif

Notre objectif dans ce travail était d’étudier les relations entre les troubles vésico-sphinctériens (TVS), l’état fonctionnel, la gravité de la maladie neurologique et la qualité de vie au cours de la SEP.

Methodes

25 patients atteints SEP d’âge moyen 39 +/-7,75 ans ont été prospectivement évalués.L’évaluation de la sévérité des TVS a été réalisée par le MHU (Mesure du Handicap Urinaire). L’évaluation de la qualité de vie a été effectuée par le questionnaire « Qualiveen ». Pour l’évaluation du retentissement fonctionnel de la maladie nous avons utilisé l’échelle de mesure de l’indépendance fonctionnelle (MIF).

Resultats

L’évaluation de la sévérité des TVS par le MHU (Mesure du Handicap Urinaire) a trouvé un score moyen de 7,18 +/- 4,55. L’évaluation de la qualité de vie par le questionnaire « Qualiveen » a trouvé un score total de 0,98 +/- 0,87. L’évaluation du retentissement fonctionnel de la maladie par l’échelle de mesure de l’indépendance fonctionnelle (MIF) a trouvé un score moyen de 116 +/- 18.
Aucune corrélation n’a été trouvée entre la typologie clinique des troubles vésico-sphictériens et « la MIF ». Par contre une corrélation entre l’hyperactivité du détrusor (EUD) et l’atteinte fonctionnelle a été retrouvée r=0,47 p=0,02.Une relation existe entre l’atteinte fonctionnelle et le score de la gêne du « Qualiveen » r=0,49 r=0,01.

Conclusion

Dans cette étude, aucune relation n’a été trouvée entre la typologie clinique, la sévérité des troubles vésico-sphinctériens et l’état fonctionnel au cours de la sclérose en plaques. Par contre l’hyperactivité du détrusor semble influencer le statut fonctionnel du patient. Tous ces éléments semblent avoir un impact sur la qualité de vie

Les mots clés: Evaluation, Sclérose en plaques , Troubles urinaires, Urodynamique, Qualité de vie, Tunisie


ABSTRACT

Description

Urinary disorders are largely studied in the literature in Multiple sclerosis (MS). The relation between the functional statue and these disorders is interesting to be studied.

Objective

Our objective in this study is to examine the relations between the Urinary disorders (UD), the functional statue, the gravity of the neurological disease and the quality of life during the Multiple sclerosis (MS).

Patients and methods

25 consecutive MS patients with mean age of 39 +-7,75 years were evaluated.
The evaluation of the severity of the UD was estimated by the “MHU” (Measurement of the Urinary Handicap). The evaluation of the quality of life was calculated by the « Qualiveen » questionnaire. The functional repercussion of the disease was evaluated by the measurement of functional independence scale (MIF).

Results

The evaluation of the severity of the UD, by the “MHU” (Measurement of the Urinary Handicap) found a score of 7,18 +/- 4,55. The evaluation of the quality of life by the « Qualiveen » questionnaire found a total score of 0,98 +/- 0,87. The evaluation of the functional repercussion of the disease by the measurement of functional independence scale (MIF) found a score of 116 +/- 18. No correlation was found between urinary disorder symptoms and « the MIF ». On the other hand a correlation between detrusor hyperreflexia (urodynamic exploration UE) and the functional statue was found r=0,47 p=0,02. A relation exists between function (MIF) and the « Qualiveen ». The severity of UD (MHU) was correlated with the repercussion on the quality of life.

Conclusion

In this study, no relation was found between urinary symptoms, severity of the urinary disorders and the functional statue in Multiple sclerosis. On the other hand detrusor hyperreflexia seems to influence the functional statue of the patient. All these elements seem to have an impact on the quality of life of a MS patient.

Keywords: Evaluation, Multiple sclerosis, Quality of life, Urinary disorders, Urodynamic, Tunisia

INTRODUCTION

Les troubles vésico-sphinctériens (TVS) dans la sclérose en plaque (SEP) sont largement étudiés dans la littérature. Ces TVS au cours de la SEP engagent rarement le pronostic vital, mais ont toujours un impact majeur en terme fonctionnel, majorant le handicap social et/ou psychologique de cette maladie et retentissant ainsi sur la qualité de vie. La relation entre l’état fonctionnel et ces troubles méritent d’être étudiée. De même une approche plus psychologique abordant la gêne, les contraintes et les craintes semble aussi intéressante.
Une évaluation quantitative et objective des symptômes et de la qualité de vie apparaît indispensable permettant d’explorer l’ensemble des dimensions touchées par les troubles mictionnels.
Notre objectif était d’étudier les relations entre l’état fonctionnel, le type et la sévérité des TVS, la gravité de la maladie et la qualité de vie au cours de la SEP.

PATIENTS ET METHODES

Population :

Notre étude prospective, transversale a été conduite durant la période s’étalant du mois de janvier 2006 au mois de juin 2006. Tous les patients atteints de SEP vus en consultation de neurologie médicale durant la période de l’étude ont été adressés au service de médecine physique pour bilan urodynamique.

Vingt cinq patients ont été inclus dans l’étude dont 16 femmes et 9 hommes, atteints de SEP d’âge moyen 39±7,75 ans. Tous ont eu, outre un examen clinique neurologique et neuropérinéal, une exploration urodynamique.

La typologie clinique des troubles vésico-sphinctériens :

Une pollakiurie a été définie par une augmentation de la fréquence mictionnelle pendant la journée.

La nycturie a été définie par le nombre de mictions pendant la période de sommeil.

L’urgenturie a été définie par le désir soudain, impérieux et fréquemment irrépressible d’uriner.
L’incontinence urinaire d’effort (IUE) a été définie par une fuite involontaire d’urine lors d’un effort physique, lors de la toux et d’éternuements.

L’incontinence urinaire par urgenturie (IUU) a été définie par une fuite involontaire d’urine accompagnée ou immédiatement précédée par une urgenturie.

Une dysurie a été définie par une faiblesse du jet urinaire et/ou un jet haché et/ou un jet hésitant et/ou une miction par poussé abdominale et/ou des gouttes terminales avec une miction traînante [12].

L’exploration urodynamique (EUD) a été réalisée sur une chaîne d’urètrocystomanométrie à sérum physiologique (SygmaUro), par l’intermédiaire d’une sonde transurétrale charrière 12 (Progres S.A AH 5312), le patient étant installé confortablement en position gynécologique. La cystomanométrie (remplissage à 30 mL/min de sérum physiologique à température ambiante) était effectuée avec enregistrement simultané d’une part des pressions rectales et vésicales et d’autre part de l’activité électromyographiques du sphincter urétral recueillie par une électrode collante, permettant ainsi d’apprécier la synergie vésico-sphinctérienne lors de la phase mictionnelle. La dyssynergie vésicosphinctérienne a été définie par la persistance ou l’accentuation de l’activité électrique du sphincter strié pendant la miction c’est-à-dire lors de la contraction détrusorienne.
L’hyperactivité détrusorienne a été définie par la constatation de contractions détrusoriennes involontaires pendant la phase de remplissage, spontanées ou provoquées, quelque soit l’amplitude de la contraction mais sans tenir compte des ondes de faible amplitude inférieures à 5 cm H2O.

La compliance vésicale a été calculée selon les recommandations de l’ICS [12] en divisant la variation de volume par la variation de pression intradétrusorienne (en mL/cm d’eau).

Un détrusor acontractile est définie par l’absence de toute contraction détrusorienne pendant l’exploration urodynamique.

Une faible capacité cystomanométrique a été définie par un volume vésical inférieur à 400 cc à la fin de la cystomanométrie de remplissage.

La sphinctérométrie (cathéter perfusé à eau) permettait la mesure des pressions urétrales (diminuées, augmentées ou normales), la pression normale étant définie par la formule 110 – âge ± 20%.

Une baisse de la pression urétrale associée ou pas à une fuite d’urine est constatée lors de la cystomanométrie de remplissage, et ce, en l’absence d’une augmentation de la pression abdominale ou d’une hyperactivité détrusorienne.

Le catalogue mictionnel :

Un catalogue mictionnel niveau 3 sur une période de 24 heures [12], a été réalisé chez tous nos patients. On a demandé aux patients de noter les horaires des mictions, les volumes mictionnels jour et nuit, la fréquence et l’importance des épisodes d’incontinence, le nombre de protections utilisées et des épisodes d’urgenturie. De même on a demandé à tous les patients de mesurer le résidu post mictionnel par la méthode d’auto sondage ou d’hétéro sondage (membre de la famille) en utilisant une sonde gastrique.

Ce catalogue mictionnel nous a fourni une idée sur la fréquence mictionnelle diurne (le nombre de mictions pendant la période d’éveil), la nycturie (le nombre de mictions pendant la période de sommeil), la diurèse des 24 heures et le résidu post mictionnel.

Evaluation de la sévérité des TVS selon l’échelle du « MHU » [4]:

C’est un questionnaire qui sert avant tout à classifier les patients selon les symptômes ressentis, en attribuant un score de 0 à 4 aux différents symptômes répartis en 7 classes (incontinence à l’effort, incontinence par impériosité, fréquence mictionnelle diurne, fréquence mictionnelle nocturne, impériosité mictionnelle, autre type d’incontinence, dysurie). Le score total varie de 0 à 28.

La recherche de complications uro-nephrologiques des TVS dans la SEP :

Tous nos patients ont bénéficié systématiquement d’un bilan rénal (urée, créatininémie), d’une étude cytobactériologique des urines (ECBU) à la recherche d’une infection urinaire, d’une échographie rénale et vésicale pour étudier le retentissement sur le haut appareil urinaire avec mesure du résidu post-mictionnel et d’une urétrocystographie rétrograde (UCR) à la recherche d’un reflux vésico-urétéral.

Evaluation de la gravité de la maladie neurologique par le score de « l’expanded disability status scale » (EDSS):

L’ « EDSS » est une échelle qui évalue les déficiences et les incapacités. Le score total varie de 0 à 10. La validité, la fiabilité et la faible sensibilité au changement de l’ « EDSS » ont été récemment démontrées [14, 18].

L’évaluation de la qualité de vie a été réalisée par deux échelles spécifiques des troubles mictionnels.

Le questionnaire « Qualiveen », Il est composé de 30 items évaluant l’impact des troubles urinaires, quels qu’ils soient, sur 4 domaines de qualité de vie (QDV) : la gêne, les contraintes, les craintes et le vécu. Il a été testé récemment chez les patients atteints de SEP [8].

L’échelle Ditovie qui est une échelle validée, sensible et spécifique [4], elle se compose, dans sa version réduite, d’un questionnaire comportant 10 items notés de 1 à 5. Le score global rapporté sur 5 permet l’évaluation quantitative du retentissement sur la qualité de vie.

L’évaluation du retentissement fonctionnel de la maladie a été réalisée par l’échelle de mesure de l’indépendance fonctionnelle « MIF » [13, 16]. Le score total maximal est de 126

Recueil et saisie des données :
L’EUD a été réalisée par un médecin rééducateur, dans un service de rééducation fonctionnelle au cours d’une hospitalisation de jour. L’évaluation par les différents questionnaires a été réalisée le même jour pour tous les patients par un médecin du service autre que celui ayant réalisé l’EUD. L’évaluation de la gravité de la maladie neurologique a été réalisée par un médecin neurologue par « l’EDSS».

Méthodes d’analyse des données recueillies :
La saisie et l’analyse des données était réalisée par le logiciel SPSS 13.0 Les résultats ont été exprimés par la valeur moyenne et leur écart type. Les tests utilisés étaient le test de Student pour la comparaison des moyennes et le test de Chi 2 pour la comparaison de fréquences.
Le test de corrélation de Spearman a été utilisé pour la recherche de corrélation entre les variables quantitatives. Le seuil de signification retenu était de 5%.

RESULTATS

La durée moyenne d’évolution de la SEP est de 8,44 ans ±5,25. Les TVS sont apparus en moyenne dans 5,27±2,73 ans après le début de la maladie. Ils ont été révélateurs de la SEP chez 8% de nos patients et présents lors de la première poussée chez 20% des patients (tableau1).

La typologie clinique des TVS
Une urgenturie a été retrouvée chez 23 patients (92%), une incontinence urinaire par urgenturie (IUU) chez 14 patients (56%), une pollakiurie diurne chez 8 patients (32%), une dysurie (une faiblesse du jet, un jet haché, un jet hésitant, une miction par poussée, gouttes terminales miction traînante) chez 18 patients (72%), une nycturie dans 13 cas (52%) et une incontinence urinaire d’effort chez 7 patients (28%) (tableau2).
L’évaluation de la sévérité des TVS, par le « MHU » a trouvé un score moyen de 7,18±4,55 (tableau1).

Les résultats du catalogue mictionnel de 24 heures :
Uniquement 18 patients ont pu remplir correctement le catalogue mictionnel sur 24 heures.
La fréquence mictionnelle diurne était en moyenne de six mictions par jour (4-10), la nycturie était de 2 mictions/nuit (0-3), les épisodes d’incontinence par urgenturie /24heures étaient de 1,4 (0-4). Quatre patients, qui ont plus que 3 fuites par jour, mettent des protections. Uniquement 11 patients parmi les 18 ont pu mesurer le résidu post mictionnel.
Un résidu significatif (> 20% la miction), chiffrés à 342 cc (250-400 cc) , a été constaté uniquement chez 4 patients (Tableau 3)

La typologie urodynamique des TVS retrouvait une hyperactivité détrusorienne chez 13 patients (52% des cas), une dyssynergie vésico-sphinctérienne (DSVS) chez 10 patients (40% des cas), une diminution de la pression urétrale associée ou non à une fuite d’urine au cours de la cystomanométrie de remplissage chez 10 patients (40% des cas), une faible capacité cystomanométrique chez 6 patients (24% des cas) une compliance vésicale diminuée chez 5 patients (20% des cas), un détrusor acontractile chez 2 patients (8% des cas), une « insuffisance sphinctérienne » chez 7 patients (28% des cas) et une pression de clôture urétrale maximale augmentée dans 28% des cas. Le bilan urodynamique s’est révélé normal chez 4 patients symptomatiques (16% des cas) (tableau 4).

Les complications uronéphrologiques étaient observées chez 2 patientes. Pour une patiente les complications ont survenues dans la 6ème année d’évolution de la SEP, il s’agit d’une altération morphologique du bas appareil urinaire avec un épaississement de la paroi du détrusor, des diverticules vésicaux et un retentissement sur le haut appareil urinaire avec une dilatation urétéropyélocalicielle et un reflux vésico-urétéral. La deuxième patiente a présenté des infections urinaires à répétition au cours de la 8ème année d’évolution de sa maladie.

Evaluation de la gravité de la maladie :
Le statut clinique de nos patients a été mesuré par le score « EDSS ». Les scores des 8 paramètres fonctionnels de l’ « EDSS » ont montré une fonction pyramidale cotée à 2,68±1,43, une fonction cérébelleuse à 1,48±1,63 ; une fonction du tronc cérébral à 0,72±1,06 ; une fonction sensitive à 0,56±0,91 ; une fonction du transit intestinal et fonction urinaire à 1,04±0,84 ; une fonction visuelle à 0,32±0,9 et une fonction mentale normale. L’évaluation du handicap par l’échelle « EDSS », a trouvé un score moyen de 4,1±2,25 (tableau 5).

L’évaluation du retentissement fonctionnel de la maladie par l’échelle « MIF » a trouvé un score moyen de 116±1 (Tableau 1).

L’évaluation du retentissement des TVS sur la qualité de vie par le questionnaire « Qualiveen » a trouvé un score total de 0,98±0,87. Les valeurs moyennes des différents items sont détaillées dans le tableau 6.
L’évaluation de la qualité d vie selon l’échelle du Ditrovie a rapporté un score moyen total de 2,03±0,88 (Tableau 6).

Les thérapeutiques administrés :
Les thérapeutiques les plus souvent administrées étaient les anticholinergiques (13 fois). Ils étaient totalement efficaces (disparition complète de la symptomatologie) dans 7 cas, partiellement efficaces (amélioration incomplète) dans 5 cas et non efficaces dans 1 cas. Un échappement (reprise de la symptomatologie malgré la poursuite du traitement) était noté chez 4 patients. Cette résistance aux anticholinergiques a nécessité le port permanent de couches dans 2 cas et d’un étui pénien dans 2 cas.
Les alphabloquants (totalement efficaces dans 3 cas, partiellement dans 3 cas, non efficaces dans 4 cas) ont été administrées dans 10 cas. Devant les cas de non efficacité, l’autosondage a été pratiquée par une patiente, les 3 autres ayant choisi d’uriner par poussée abdominale ou de garder une miction avec un jet haché.

Recherche de corrélations :
Corrélations TVS et état fonctionnel :
Aucune corrélation n’a été rapportée entre la typologie clinique des TVS et l’échelle de « MIF ».
Par contre une corrélation entre l’hyperactivité détrusorienne (EUD) et l’atteinte fonctionnelle (statut fonctionnel) a été retrouvée (r=0,47 p=0,02).
Aucune corrélation n’a été retrouvée entre la sévérité des TVS évaluée par le score total du « MHU » et l’état fonctionnel apprécié par l’échelle de « MIF ». (Tableau 7).
Corrélations TVS et gravité de la maladie neurologique :
Aucune corrélation n’a été retrouvée entre le degré de gravité neurologique « EDSS » et la sévérité des TVS « MHU ».
Corrélations TVS et qualité de vie
La sévérité des TVS « MHU » était corrélée avec le retentissement sur la qualité de vie ; Gêne (r=0,6 p=0,003), contrainte (r=0,67 p=0,001) et vécu (r=0,48 p=0,02) (Tableau 8).
De même il existe une corrélation entre le statut fonctionnel et la qualité de vie (r=0,497 p=0,019)

DISCUSSION

Il faut tout d’abord noter que l’étude réalisée n’a porté que sur 25 patients ce qui représente un faible échantillonnage pour une analyse statistique. L’interprétation des résultats non significatifs doit être prudente car le faible nombre de patients peut induire des faux négatifs.

Tous les patients étaient intéressés et coopérants dans cette étude. Ils ont pu répondre à un nombre assez important de questions le même jour de la réalisation d’une EUD. Une approche plus psychologique, abordant le vécu, les craintes, les contraintes et la gêne dans la vie de tous les jours, leur a paru très importante.
Dans cette étude on a essayé d’étudier plusieurs corrélations entre les TVS, l’état fonctionnel, la gravité de la maladie neurologique et la qualité de vie.
Aucune corrélation n’a été retrouvée entre la sévérité des TVS évaluée par le score total du « MHU » et l’état fonctionnel apprécié par l’échelle « MIF ». Cette échelle est probablement l’instrument le plus utilisé à l’échelle internationale en médecine physique et réadaptation fonctionnelle. Les résultats de l’utilisation de la « MIF » dans des études d’interventions rééducatives dans la SEP suggèrent que cette échelle est sensible au changement à court et à moyen terme [19].

Aucune corrélation n’a été objectivée entre la typologie clinique des TVS et le statut fonctionnel. Par contre, une relation a été retrouvée entre l’hyperactivité du détrusor (EUD) et l’atteinte fonctionnelle avec r=0,47 p=0,02.
Cette hyperactivité détrusorienne a été exprimée cliniquement par des fuites sur impériosité chez tous les patients obligeant certains patients à l’utilisation des couches. Ces fuites urinaires ont retenti sur la qualité de vie sociale de ces patients en limitant les sorties et les visites à l’extérieur de leur domicile mais surtout ont constitué une gêne pour la pratique de la prière.
Cette relation entre le statut fonctionnel et l’hyperactivité détrusorienne peut être aussi liée aux difficultés éventuelles de déplacement chez ces patients rendant les fuites obligatoires en cas de diminution du délai de sécurité.

L’absence de corrélation entre la sévérité des TVS (MHU) et le statut fonctionnel a été retrouvé par Amarenco.G et coll [3]. Celui-ci ne trouve pas de relation entre l’état fonctionnel (les possibilités de la marche) et le type ou la sévérité des TVS, contrairement à ce qui a pu être objectivé chez le sujet âgé [15], où il existe clairement une relation entre le degré de handicap physique, les possibilités de locomotion et l’existence d’une incontinence urinaire. Cette différence est due à un mécanisme physiopathologique différent de l’incontinence urinaire au cours de la SEP. Ce dernier est, en effet, plus complexe, non seulement liée aux difficultés éventuelles de déplacement rendant les fuites obligatoires en cas de diminution du délai de sécurité, mais aussi et surtout à des perturbations des réflexes mictionnels par lésions médullaires prépondérante [3, 2].

Certains auteurs ont montré que la gravité du score de « Kurtzke » est corrélée avec la présence de TVS qu’il s’agit de signes irritatifs, obstructifs ou de la présence d’une incontinence. La fréquence de ces symptômes urinaires augmente avec la gravité du score [15]. De même, certains auteurs retrouvent un score de « Kurtzke » significativement plus élevé chez les patients présentant des TVS (3,69 versus 2,67 p=0,07) [5].
Aucune corrélation n’a été retrouvée entre le degré de gravité neurologique « EDSS » et la sévérité des TVS « MHU » dans la présente étude.
Ceci concorde avec les résultats de Porru et coll. [17] qui ne trouvent pas de corrélation statistique entre les plaintes urinaires du patient et le score de « Kurtzke », mais retrouvent une relation entre les anomalies du bilan urodynamique et le score de gravité de la maladie.
Ces corrélations entre la gravité de la maladie neurologique et la typologie urodynamique ont été retrouvées dans notre étude entre la fonction cérébelleuse et celle du tronc cérébral et l’instabilité urétrale.
Des corrélations entre le statut neurologique et cystomanométrique ont été rapportées : la corrélation entre l’hyperactivité du détrusor et la sévérité des déficiences sensitivo-motrice « EDSS » ou de l’atteinte pyramidale apparaît probable [6, 10, 11]; celle entre la DSVS et l’atteinte pyramidale ou le degré d’incapacité est possible [9, 10, 11]. Ces corrélations n’ont pas été retrouvées dans la présente étude.

Dans notre étude, la sévérité des TVS évaluée par l’échelle de «MHU », était corrélée avec la qualité de vie. Autrement dit, plus les TVS sont graves plus ils ont un retentissement important sur la qualité de vie. Ceci a été démontré pour la gêne, la contrainte et le vécu. Cette corrélation a été observée dans l’étude de Bonniaud et de Parrate B qui ont retrouvé une forte corrélation (0,63) entre le degré de l’incontinence et le « Qualiveen » [7]. Cette échelle est un outil valide pour mesurer l’impact des TVS sur la QDV des patients atteints de SEP [7].
Une corrélation modérée avec le type de symptômes (0,49) a été aussi retrouvée. Aucune corrélation n’a été trouvée entre la durée d’évolution de la SEP et le Qualiveen [7].
Les troubles vésico-sphinctériens des scléroses en plaques majorent le pronostic fonctionnel de cette maladie justifiant leur prise en charge thérapeutique. Les traitements habituels reposent sur l’utilisation des parasympathicolytiques en cas d’urgenturie avec ou sans fuites, des alphabloquants voire des auto ou hétérosondages en cas de dysurie [1].

Le traitement le plus souvent administré a été les anticholinergiques qui peuvent être efficaces de façon immédiate (91% des cas) mais des échappements thérapeutiques sont possibles (48% des cas) [1]. Cet épuisement de l’effet parasympathicolytique, nécessite d’abord l’essai d’autres anticholinergiques puis leur association. Dans notre série le traitement essayé a été uniquement l’oxybutinine. Un changement ou une association d’anticholinergiques n’a pu être essayé dans notre série pour des raisons de disponibilité dans notre pays. Le port permanent de couches, d’un étui pénien a été proposé à 4 de nos patients devant une résistance à l’oxybutinine.
Les alphabloquants sont moins constamment efficaces (60% des cas) [1]. Ils ont été utilisés chez nos patients dysuriques par dyssynergie vésico-sphinctérienne. Devant un échec thérapeutique, un autosondage intermittent a été proposé et accepté par une seule patiente. Les 3 autres ont choisi d’uriner par poussée abdominale ou de garder une miction avec un jet haché. L’infiltration parasphinctérienne de toxine botulique peut être proposée chez ces patients ayant une DSVS, mais n’a pu être réalisée d’une part pour une indisponibilité des aiguilles électrodes et d’autre part pour des raisons de coût du produit.

CONCLUSION

Dans cette étude, on a essayé d’étudier plusieurs corrélations entre les TVS, l’état fonctionnel, la gravité de la maladie neurologique et la qualité de vie.
Contrairement au degré de gravité de la maladie, la sévérité des TVS ne semble pas influencer le statut fonctionnel du patient atteint de SEP. Mais une corrélation a été retrouvée entre l’hyperactivité du détrusor (EUD) et l’atteinte fonctionnelle. Le degré de la gravité de la maladie et particulièrement l’atteinte pyramidale semble influencer l’état fonctionnel au cours de la SEP.
Plus les TVS sont graves et plus la maladie neurologique est grave, et plus le retentissement sur la qualité de vie est important.

Tableau1 : Scores obtenus pour les critères analysés chez l’ensemble des patients

Critère analysé Moyenne
Durée d’évolution de la SEP (années) 8,44±5,25
Durée des TVS (années) 5,27±2,73
Score EDSS 4,1±2,25
Score Total MHU 7,18±4,55
MIF 116,62±18

SEP : Sclérose en plaque

TVS : Troubles vésico-sphinctériens

EDSS : Echelle de Expanded Disability Status Score

MHU : Echelle de mesure du Handicap urinaire

MIF : Echelle de mesure de l’indépendance fonctionnelle

Tableau2: Typologie clinique des troubles urinaires de 25 scléroses en plaque

Signes cliques Nombre
Urgenturie 23 (92%)
Incontinence urinaire par urgenturie 14 (56%)
Pollakiurie diurne 8 (32%)
Dysurie 18 (72%)
Nycturie 13(52%)
Incontinence urinaire d’effort 7 (28%)

Tableau 3 : Données du calendrier mictionnel de 24 heures chez 18 patients

Paramètres Valeurs moyennes
Fréquence mictionnelle diurne 6 (4-10)
Nycturie 2 (0-3)
Episodes d’urgenturie/24heures 1,9 (1-3)
Episodes d’incontinence par urgenturie /24heures 1,4 (0-4)
Diurèse/24 heures (en ml) 1150 (800-1500)
Résidu post mictionnel (en ml) 342 (250-400)

Tableau 4: Données de l’exploration urodynamique de 25 scléroses en plaque

Nombre
Données de la cystomanométrie
Hyperactivité du détrusor 13 (52%)
Un détrusor acontarctile 2 (8%)
Une compliance vésicale diminuée 5 (20%)
Une diminution de la pression urétrale au cours de la cystomanométrie de remplissage 10 (40%)
Dyssynergie vésico-sphinctérienne 10 (40%)
Une faible capacité cystomanométrique 6(24%)
Données de la profilométrie
Une pression de clôture urétrale maximale augmentée 7(28%)
Une « insuffisance sphinctérienne » 7(28%)

Tableau 5: Evaluation de la gravité de la maladie selon l’échelle de l’EDSS

EDSS : « Echelle de Expanded Disability Status Score »

Nombre de patients Degré de l’atteinte
Fonction pyramidale 24 (96%) 2,68±1,43
Fonction cérébelleuse 13 (52%) 1,48±1,63
Fonction tronc cérébral 10 (40%) 0,72±1,06
Fonction mentale 0 0
Fonction sensitive 8 (32%) 0,56±0,91
Fonction sphinctérienne 18 (72%) 1,04±0,84
Fonction visuelle 3 (12%) 0,32±0,9
EDSS 4,1±2,25

Tableau 6 : Evaluation du retentissement des TVS dans la SEP par le « Qualiveen »

Moyenne
Crainte 0,59±0,72
Gêne 1,35±1,31
Contrainte 1,05±1,23
Vécu 0,92±0,98
Le score « Qualiveen total » 0,98±0,87
Le score du « Ditrovie » 2,03±0,88

Tableau 7: Etude des corrélations entre l’état fonctionnel, la typologie clinique et urodynamique et la sévérité des TVS au cours de la SEP

MIF
Typologie clinique ***
Typologie urodynamique : Hyperactivité détrusorienne r=0,470 (p=0,02)
MHU ***

SEP : Sclérose en plaque

MHU : Echelle de mesure du Handicap urinaire

MIF : Echelle de mesure de l’indépendance fonctionnelle

*** Pas de corrélation

Tableau 8: Etude des relations entre la sévérité des TVS, l’état fonctionne, et la qualité de vie dans la sclérose en plaque.

Crainte Gêne Contrainte Vécu Total
MHU *** r=0,615 (p=0,003) r=0,678 (p=0,001) r=0,485 (p=0,026) r=0,652 (p=0,001)
MIF *** r=0,497 (p=0,019) *** *** ***

*** Pas de corrélation


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