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CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
PARAGANGLIOME NASOPHARYNGE AVEC EXTENSION A LA BASE DU CRANE: UNE LOCALISATION INHABITUELLE DES PARAGANGLIOMES

NASOPHARYNGEAL PARAGANGLIOMA WITH EXTENSION AT THE SKULL BASE: AN UNUSUAL LOCATION OF THE PARAGANGLIOMAS


  1. Hôpital du Mali (Bamako-Mali)
  2. CHU-CNOS (Bamako-Mali).
  3. CHU Gabriel TOURE (Bamako-Mali)
  4. CHU d’Angers (France)

E-Mail Contact - SISSOKO Daouda : sissoko_david@yahoo.fr


Introduction :

Le paragangliome est une rare tumeur neuroendocrine. La localisation nasopharyngée avec extension à la base du crâne est très rare.

Présentation du cas :

Il s’agissait d’une dame de 39 ans, prise en charge au service de neurochirurgie du CHU « Hôpital du Mali » pour un paragangliome nasopharyngé qui s’étendait à la base du crâne. La patiente présentait une dyspnée d’aggravation progressive associée à une épistaxis à répétition évoluant depuis 3 ans environ et une paralysie faciale périphérique gauche. Le scanner avait mis en évidence une masse volumineuse siégeant au niveau du nasopharynx obstruant partiellement les fosses nasales. La lésion était rehaussée après injection de produit de contraste. La patiente a eu une chirurgie d’exérèse de la tumeur en 2 temps. L’analyse anatomopathologique avec immunohistochimie a permis de confirmer le diagnostic de paragangliome. Une radiothérapie complémentaire a été réalisée sur le résidu tumoral. Les suites du traitement ont été satisfaisantes.

Discussion :

Les paragangliomes de la tête et du cou ne représentent que 0,6% des tumeurs de la tête et du cou et 3% de tous les paragangliomes. Le traitement repose sur la chirurgie. La radiothérapie est indiquée si la chirurgie n’assure pas une résection complète.

Conclusion :

Les paragangliomes sont une entité à prendre en compte dans les tumeurs nasopharyngées et de la base du crâne.

Mots clés : base du crâne, chirurgie, nasopharynx, paragangliome, radiothérapie.


ABSTRACT

Introduction:

Paraganglioma is a rare neuroendocrine tumor. Nasopharyngeal localization with extension at the skull base is very rare.

Case:

A thirty-nine-year-old woman, was managed by the Neurosurgery Department of « Hôpital du Mali » for a nasopharyngeal paraganglioma that extended to the skull base. The patient had progressive dyspnea associated with repeated epistaxis for 3 years and left peripheral facial palsy. The CT scan showed a bulky mass sitting in the nasopharynx partially obstructing the nasal cavity. The lesion was enhanced after injection of contrast. The patient had surgery to remove the tumor in 2 steps. Histological analysis with immunohistochemistry confirmed the diagnosis. Complementary radiotherapy was performed on the tumor residue. The results of the treatment were satisfactory.

Discussion:

Head and neck paragangliomas represent only 0.6% of head and neck tumors and 3% of all paragangliomas. The treatment is based on surgery. Radiotherapy is indicated if the surgery does not provide complete resection.

Conclusion:

Paragangliomas are an entity to be considered in nasopharyngeal and skull base tumors.

Key words: nasopharynx, paraganglioma, skull base, surgery, radiotherapy.

INTRODUCTION

Le paragangliome est une rare tumeur neuroendocrine résultant de la migration des cellules de la crête neurale associées au système nerveux autonome (10,14). Les sites sanctuaires de ces tumeurs sont la portion médullaire de la glande surrénale (phéochromocytomes), le glomus intercarotidien et le glomus jugulotympanique (14).

Le paragangliome nasopharyngé fait partie des localisations rares des paragangliomes de la tête et du cou qui ne représentent eux même que 3% de l’ensemble des paragangliomes (3).

L’objectif de ce travail était de présenter les aspects cliniques, radiologiques, anatomopathologiques, et thérapeutiques d’une localisation inhabituelle d’un paragangliome et de discuter de ces aspects à travers la littérature.

OBSERVATION

Il s’agissait d’une patiente de 39 ans, ménagère, sans antécédent médical particulier. Elle nous a été adressée par le service d’ORL pour la prise en charge d’une masse nasopharyngée s’étendant à la base du crâne. Les signes cliniques étaient faits de dyspnée d’aggravation progressive et d’épistaxis à répétition évoluant depuis 3 ans environ. L’examen général de la patiente mettait en évidence une pâleur conjonctivo-palmo-plantaire. A l’examen ORL, on notait une masse dans la fosse nasale gauche obstruant partiellement celle-ci et une tuméfaction du palais. L’examen neurologique avait objectivé une discrète paralysie faciale périphérique gauche.

L’exploration de la lésion par le scanner avait mis en évidence une masse volumineuse isodense siégeant au niveau du nasopharynx obstruant partiellement les fosses nasales (figure 1A). La lésion était rehaussée après injection de produit de contraste (figure 1B). L’IRM n’a pu être réalisée en raison de difficultés d’accès à cet examen (coût élevé à la charge du patient).

L’examen biologique sanguin confirmait une anémie avec un taux d’hémoglobine à 6,6g/dl.

Devant les épisodes récurrents d’épistaxis et la dyspnée, l’indication d’une exérèse chirurgicale de la tumeur a été retenue après correction de l’anémie. Au vu de la localisation étendue de la lésion (pharynx s’étendant à la base du crâne et dans la fosse nasale gauche), une exérèse chirurgicale par une seule voie d’abord nous semblait difficile. Nous avons donc opté pour une exérèse par deux abords chirurgicaux. Dans un premier temps, un abord de la lésion par voie endonasale endoscopique a été retenu, ce qui a permis une exérèse de la portion endonasale et la partie supérieure de la lésion, dégageant ainsi les voies aériennes et stoppant les épisodes d’épistaxis. Dans un second temps, l’indication d’un abord direct sur le palais par voie endobuccale a été retenue pour compléter l’exérèse tumorale. Cette seconde chirurgie avait été proposée un mois après la première, le temps d’avoir une bonne cicatrisation du premier abord. La patiente, se sentant soulagée des épisodes d’épistaxis et de la dyspnée, avait souhaité attendre avant de prendre la décision de se faire réopérer, ce qui nous a amené a réalisé la seconde intervention 4 ans après la première. Cette seconde intervention a permis une exérèse partielle de la partie inférieure de la tumeur (figure 2). Il s’agissait d’une lésion dure et très hémorragique. Les suites opératoires ont été marquées par une déhiscence de la plaie opératoire (figure 3) nous amenant à faire une troisième intervention pour la fermeture de la plaie un mois après la deuxième chirurgie. Les suites de cette dernière intervention ont été simples (figure 4).

La pièce opératoire, issue de la première chirurgie, avait été envoyée pour examen anatomopathologique au laboratoire BIOMNIS de Lyon à travers le laboratoire RODOLPHE MERIEUX de Bamako. Cet examen a mis en évidence une muqueuse nasopharyngée polypoïde revêtue d’un éphithélium malpighien sans atypie cellulaire. Les mitoses étaient rares. Les cytoplasmes étaient peu abondants, mal limités, éosinophiles ou clairs (figure 5). L’étude immunohistochimique a conclu à une localisation d’un paragangliome sans caractère patent de malignité.

La patiente a ensuite été adressée en radiothérapie pour une irradiation complémentaire. Le protocole consistait à envoyer quotidiennement une dose de 2 gray sur le site tumoral jusqu’à atteindre 70 gray (35 séances au total). Suite à l’apparition d’effets secondaires faits d’ulcérations buccales et d’une agueusie, la patiente a arrêté la radiothérapie à 29 séances. Après une année de recul, l’évolution clinique et radiologique était satisfaisante. (Figure 6).

DISCUSSION

Les paragangliomes de la tête et du cou sont très rares. Ils représentent 0,012% de l’ensemble des tumeurs humaines, 0,6% des tumeurs de la tête et du cou et 3% de tous les paraglangliomes (9, 12). Peltier et collaborateurs ont décrit un cas de paragangliome du sinus caverneux en 2007 à Amiens (14). Ces tumeurs ont une localisation unique dans leur majorité mais dans 10% des cas, ils sont multiples (3,9,16). Les paragangliomes peuvent être sporadiques ou familiaux. Dans 10 à 50%, elles sont d’origine familiale (13). La grande majorité des cas rapportés sont bénins, la malignité est plus fréquente dans les tumeurs sporadiques que dans les tumeurs familiales (6,12). Ce sont des tumeurs richement vascularisées, avec une croissance lente et une possibilité d’infiltration des structures vasculaires, nerveuses et osseuses avoisinantes (1,5,7). Dans 1 à 3 % des cas, ces tumeurs secrètent des catécholamines (14). La grande majorité des paragangliomes du système nerveux se présente comme des tumeurs intradurales de la queue de cheval. Les sites anecdotiques intracrâniens sont le sinus caverneux, le cavum trigéminal de Meckel, la selle turcique, l’épiphyse, la pyramide pétreuse et l’angle pontocérébelleux (10,14,16).

Les paragangliomes sont non douloureux en eux même. Leurs manifestations cliniques sont diverses et dépendent de leur topographie et de leur extension locale (3). Les localisations au niveau de la carotide interne peuvent entrainer une sténose carotidienne pouvant aboutir à un accident vasculaire cérébral ischémique. Ceux siégeant au niveau de la base du crâne sont pourvoyeurs d’atteinte de nerfs crâniens. Chez notre patiente, on notait une discrète paralysie faciale périphérique liée à l’extension de la lésion vers la base du crâne. On peut occasionnellement observer des signes en rapport avec la sécrétion de catécholamines comme l’hypertension artérielle, la palpitation et la diarrhée (16). Les présentations par des épisodes d’épistaxis sont très rares (11), même si ce signe a été le maître symptôme chez notre patiente à cause de la localisation nasopharyngée de la tumeur.

L’évaluation préopératoire de ces tumeurs est basée sur le scanner et l’IRM. Le scanner permet d’objectiver l’érosion osseuse et met en évidence une importante prise de contraste de la lésion après injection (4,8). A l’IRM, le paragangliome apparaît homogène, isointense en T1 et hyperintense en T2 avec une apparence peu homogène décrite « sel et poivre » (3,4,14). L’artériographie peut montrer un « blush » tumoral ou une tumeur paucivascularisée (14,16). La localisation nasopharyngée du paragangliome peut simuler d’autres tumeurs qui se développent dans la même région anatomique, et qui se manifestent par des signes cliniques communs comme une épistaxis et une obstruction nasale (12). On peut citer le polype inflammatoire nasosinusien, l’hémangiome capillaire lobulaire, l’hémangiome caverneux de la région naso-sinusienne et pharyngée, l’angiofibrome nasopharyngé. La présentation du paragangliome sous l’aspect de « sel et poivre » à l’IRM peut aider à établir le diagnostic (3,14). Chez la patiente que nous avons prise en charge, nous nous sommes limités au scanner pour l’exploration de la lésion à cause d’une accessibilité moindre des patients à l’IRM dans notre pays. Le scanner, bien qu’il ne donne pas de signes spécifiques de paragangliome, avait permis d’avoir des signes d’orientation sur le diagnostic. Il avait montré une lésion isodense avec une importante prise de contraste sur les coupes injectées. La présence de récepteurs à somatostatine au niveau des paragangliomes a été récemment utilisée dans le diagnostic en scintigraphie. Les agents radioactifs utilisés comme le pentetreotide ont une sensibilité pouvant aller jusqu’à 90%, mais sont moins spécifiques en raison de la présence des mêmes récepteurs au niveau d’autres tumeurs neuroendocrines (3).

Au plan de l’histologie, ce sont des tumeurs à caractère endocrine avec des caractéristiques immunohistochimiques particulières. Elles expriment les marqueurs des tumeurs neuroendocrines comme la synaptophysine, la chromogranine. Elles n’expriment pas les marqueurs des tumeurs épithéliales (1,12).

La majorité des paragangliomes de la tête et du cou sont bénins, par conséquent, traités par chirurgie seule sans radiothérapie (3,12,16). En plus des voies endonasale et endobuccale par lesquelles nous sommes passés pour l’exérèse de la tumeur chez notre patiente, les voies transfaciales ont également été décrites pour l’abord des tumeurs nasopharyngées (3). La radiothérapie n’est indiquée que chez une catégorie de patients, ou en post opératoire. Elle semble être une alternative utile en cas de lésions non résécables, chez les patients présentant un risque anesthésique élevé, les patients atteints d’un paragangliome avec signes de malignité, et enfin en complément de la chirurgie en cas de résection incomplète (4,12,16,15). Dans notre cas, elle a été indiquée en complément de la chirurgie devant la résection incomplète de la tumeur. Le taux de récidive après exérèse complète est estimé dans la littérature entre 1 et 4 % (10, 2). Une radiothérapie complémentaire en cas de résection incomplète donnerait d’excellents résultats avec un taux de contrôle local pouvant aller jusqu’à 100% (12,16,15). L’embolisation est indiquée en préopératoire pour les tumeurs volumineuses. Elle permet de diminuer ainsi le saignement per opératoire (12).

CONCLUSION

La localisation nasopharyngée des paragangliomes est très rare. L’imagerie permet de donner des signes d’orientation, mais le diagnostic est basé sur l’immunohistochimie. La chirurgie assure la guérison si la résection est complète. La radiothérapie garde ses indications si la chirurgie est impossible ou lorsque la résection est incomplète.

Figure 1 : (A) Masse nasopharyngée isodense obstruant les fosses au scanner non injecté. (B) Masse nasopharyngée s’étendant à la base du crâne prenant le contraste au scanner injecté

 

Figure 2 : Abord endobuccal de la lésion qui bombe sur le palais

 

Figure 3 : Déhiscence de la plaie opératoire après abord direct sur le palais par voie endobuccale

 

Figure 4 : Cicatrisation de la déhiscence de la plaie opératoire

 

Figure 5 : Images anatomopathologiques de la pièce opératoire mettant en évidence une muqueuse nasopharyngée polypoïde sans atypie cellulaire. Coloration à l’hématoxine et à l’éosine × 200.

 

Figure 6 : Image de scanner injecté montrant le résidu tumoral après chirurgie et radiothérapie


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