AJNS
ORIGINAL PAPERS / ARTICLES ORIGINAUX
 
PARTICULARITES DE L’EPILEPSIE AU COURS DES MALADIES INFLAMMATOIRES DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL

PARTICULARITIES OF EPILEPSY ASSOCIATED WITH INFLAMMATORY DISEASES OF THE CENTRAL NERVOUS SYSTEM


  1. Service de Neurologie, Hôpital Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie
  2. Service de Médecine interne, Hôpital Hedi Chaker, Sfax, Tunisie

E-Mail Contact - DAOUD Sawsan : sawsandaoud86@yahoo.com


RÉSUMÉ

Introduction : Les crises épileptiques (CE) font partie des manifestations neurologiques des maladies inflammatoires (MI).  Elles constituent un tournant évolutif grave de la maladie.

Objectifs : Nous avons évalué les particularités sémiologiques, électriques, radiologiques, thérapeutiques et évolutives de l’épilepsie au cours des MI du système nerveux central (SNC). Nous avons également discuté les mécanismes physiopathologiques de l’épilepsie ainsi que les facteurs prédictifs de survenue de CE chez ces patients.

Méthodes : C’est une étude rétrospective incluant les patients suivis pour épilepsie dans le cadre d’une MI du SNC. Tous nos patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale.

Résultat : Nous avons colligé 32 patients (11 avec sclérose en plaque, 6 avec maladie de Behcet et 15 avec lupus érythémateux disséminé). Le délai des CE au cours des MI était de 3,2 ans. Elles étaient généralisées dans 62,5 % des cas. L’IRM a montré des lésions sous corticales et des lésions du tronc cérébral respectivement dans 71,8 % et 25% des cas. Une thrombose veineuse cérébrale était diagnostiquée chez 3 malades. L’EEG a objectivé des ondes lentes dans 34% des cas, et des anomalies paroxystiques chez 3 patients. Le phénobarbital était le traitement le plus prescrit. Le contrôle des CE était obtenu dans la majorité des cas.

Conclusion : La survenue des CE au cours des MI pose un problème de prise en charge. Un diagnostic précoce et un traitement de l’épilepsie permettent de contrôler ces crises afin d’éviter les états de mal épileptiques qui mettent en jeu le pronostic vital des patients.

Mots clé : Epilepsie, Facteurs de risque, Maladies inflammatoires


ABSTRACT

Introduction: The frequency of the central nervous system involvement in autoimmune disorders is very variable. Seizures are among the most common neurological manifestations, and can be occasionally the presenting symptom.

Methods: All files of 32 patients with autoimmune disorder diagnosed with epilepsy were evaluated retrospectively (11 with multiple sclerosis, 6 with Behcet disease, and 15 systemic lupus erythematosus). The demographic data, clinical findings including seizures, EEG and neuroimaging findings were reviewed.

Results: The sex ratio was 0.45 (10H / 22F). Seizures started 3.2 years after the onset of the inflammatory diseases. They were during either the first or following neurological attacks in 68.7% of cases. 20 patients (62,5%) had only generalized tonic-clonic seizures. Brain magnetic resonance imaging (MRI) was performed to all patients. Sub-cortical and brainstem lesions were identified respectively in 71,8 % and 25%. MRI revealed cerebral sinus thrombosis in three patients. The EEG revealed focal epileptiform discharges in three patients. In 12 patients (34%) slow waves were seen. Antiepileptic drugs were prescribed in all cases (phenobarbital :53%, valproic acid: 31%, Carbamazepine: 15%). A sufficient control of seizures was obtained in most cases.

Conclusion: Seizures often complicate systemic autoimmune disorders through a variety of mechanisms. A better understanding of the mechanisms of epileptogenesis in those patients could lead to targeted treatments and better outcomes.

Key words: Epilepsy, inflammatory disease, risk factors

INTRODUCTION

Les maladies inflammatoires (MI) impliquent parfois le système nerveux central (SNC) et périphérique. Les crises épileptiques (CE) font partie des manifestations neurologiques rencontrées au cours de ces maladies. Elles sont peu fréquentes par rapport aux autres signes neurologiques et généraux, mais constituent souvent un tournant évolutif grave de la maladie. Tous les types des crises peuvent se rencontrer au cours de ces maladies. La survenue des CE pose un problème de prise en charge à court et à long terme, aussi bien de l’épilepsie que de la pathologie générale en question.

Cet article met l’accent sur les particularités de l’épilepsie symptomatique des MI du SNC, tels que la sclérose en plaque (SEP), le lupus érythémateux disséminé (LED) et la maladie de Behcet (MB).

OBJECTIFS

Nous allons essayer d’évaluer les particularités sémiologiques, électriques, radiologiques, thérapeutiques et évolutives de l’épilepsie au cours des MI du système nerveux central. Nous allons également déterminer les mécanismes physiopathologiques de l’épilepsie ainsi que les facteurs prédictifs de survenue de CE chez ces patients.

METHODES

Nous avons mené une étude transversale au service de Neurologie du CHU Habib Bourguiba Sfax, Tunisie sur une période de 3 ans (2014-2016). Notre étude s’intéresse aux patients qui ont consulté, ou qui ont été hospitalisés pour épilepsie symptomatique d’une MI du SNC.  Nous avons inclus les patients âgés de plus que 18 ans, ayant présentés des CE au moment du diagnostic de la MI et/ou au cours de l’évolution de la maladie. Les CE étaient classées selon la dernière classification proposée par la ligue internationale contre l’épilepsie (ILAE) en 2017 (10). Le diagnostic de l’épilepsie était porté selon les derniers critères proposés par l’ILAE(11). Le diagnostic de la MB a été établi dans notre étude selon  les critères internationaux de 1990 (22). Le LED était diagnostiqué selon les critères de l’ACR (15) et la SEP selon les critères de Mc Donald 2010 (23). Nous avons exclu de notre étude les patients qui ont présenté uniquement des crises symptomatiques aigues et les patients dont les explorations étaient incomplètes.

Nos patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale et d’un enregistrement électro-encéphalographique (EEG). Nous avons évalué les particularités sémiologiques des CE. Les données de l’imagerie cérébrale ont été rapportées avec recherche de corrélation entre la localisation des lésions cérébrales, la physiopathologie de l’épilepsie et la sémiologie des CE. Nous avons également interprété les enregistrements EEG. Tous nos patients ont été mis sous traitement anti épileptique. Les molécules prescrites ainsi que l’évolution de l’épilepsie sous traitement ont été déterminées.

RESULTATS

Notre série comporte 32 patients : 11 SEP, 6 MB et 15 LED. L’EEG a été pratiqué pour 28 malades.  Tous nos patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale.

  • La sclérose en plaque :

Onze patients étaient suivis dans notre service pour épilepsie dans le cadre d’une SEP dans sa forme rémittente. Le sexe ratio était de 0.37 (3H/8F). L’âge moyen de début de la SEP chez ces patients était de 31± 5 ans (18-43 ans). L’âge moyen de survenue de la première CE était de 34,5 ± 9 ans (18-54 ans). Le délai de survenue de l’épilepsie par rapport au début de la maladie était de 3,6 ± 2 ans (1-13 ans). La majorité des patients (8 patients) ont présenté la première  CE au cours d’une poussée de leur maladie. Près de la moitié de nos malades (45,45%) ont eu leurs première CE avant l’administration du traitement de fond de la SEP, et le reste des patients ont présenté la première CE après un traitement de fond à base d’interféron dans 36,36% des cas et d’immunosuppresseur dans 18,18% des cas, avec un délai moyen de 3 ans par rapport au début du traitement.  Les CE étaient généralisées dans 27,27% des cas, et focales motrices dans le reste des cas (avec manifestations toniques dans 45,45% des cas et cloniques dans 27,27% des cas). Un EEG a été pratiqué pour 8 patients, montrant des ondes lentes focales dans la moitié des cas et un foyer de pointes pariéto-occipitales chez un patient. Le tracé était sans anomalies dans le reste des cas. Afin d’étudier les particularités radiologiques, tous nos patients ont bénéficié d’une imagerie par résonnance magnétique (IRM) cérébrale. Elle a montré des lésions péri ventriculaires dans tous les cas. Des lésions juxta corticales étaient notées chez 9 patients, et des lésions corticales ont été identifiées chez 2 autres malades (frontale et pariétale) (Figure 1). Une atteinte du tronc cérébral était notée chez 5 patients. Une prise de gadolinium était présente dans environ la moitié des cas. Tous nos patients ont été mis sous traitement antiépileptique (TAE). L’épilepsie était équilibrée par une monothérapie chez 81,8 % des patients. Le valproate de sodium (VPA) était le traitement le plus prescrit (4 cas). Le recours à l’adjonction d’un deuxième TAE était nécessaire pour deux patientes (respectivement (phénobarbital (PB) avec carbamazépine (CBZ) et lévétiracétam avec PB). L’évolution sous TAE était marquée par l’absence de récidive des crises dans 36,3% des cas. Trois patients ont présenté un état de mal épileptique (EME) généralisé suite à un arrêt du TAE, dont l’issu était fatal pour une patiente. Les données cliniques électriques et radiologiques des malades sont résumées dans le tableau 1.

  • La maladie de Behcet :

Six patients étaient suivis pour épilepsie symptomatique de la MB. Le sex ratio était 5 (5H/ 1 F). L’âge moyen de début de la MB était 32 ± 8 ans (13-61 ans). L’âge moyen au moment de la survenue des CE était 38 ± 3.6 ans (23 – 62 ans). Les CE ont inauguré le tableau de la MB chez un patient. Dans le reste des cas, le délai moyen de leurs survenues était de 4,5 ± 1,46 ans (1 à 8 ans). Sur le plan sémiologique, les CE étaient de type généralisé tonico-clonique dans la majorité des cas et focale à sémiologie sensorielle visuelle chez deux patients. Leur survenue était concomitante à une poussée d’aphtose bipolaire avec des manifestations neurologiques dans la moitié des cas. L’EEG, pratiqué chez 5 patients, était sans anomalies dans 4 cas, alors qu’il a montré des bouffées généralisées d’ondes aigues prédominant en temporal gauche chez un seul patient. Sur le plan radiologique, l’IRM cérébrale était pathologique dans tous les cas. Elle a montré des anomalies de signal péri ventriculaires et/ou des lésions du tronc cérébral dans la moitié des cas. Des lésions sous corticales étaient présentes chez 5 patients (temporales et frontales). Une thrombose veineuse cérébrale (TVC) avec un ramollissement hémorragique était constatée chez un patient (Figure 2).  Concernant la prise en charge thérapeutique, tous nos malades ont été mis sous TAE au long cours et étaient équilibrés par une monothérapie à base de VPA dans la moitié des cas. Le reste des malades étaient mis sous PB ou CBZ. Pour les trois patients ayant présenté des CE concomitantes à une poussée de la MB, une corticothérapie forte dose (bolus puis relai par voie orale) était indiquée en association avec le TAE. Deux patients ont reçu en plus un traitement étiopathogénique de la maladie sous forme de bolus de méthylprédnisolone. Des bolus mensuels de cyclophosphamide, en association avec le TAE, ont été prescrits pour deux autres patients. Pour le patient chez qui l’épilepsie était inaugurale de la MB, un TAE isolé a été administré initialement. Au cours de l’évolution de sa maladie et après l’apparition d’une poussée d’aphtose bipolaire avec apparition d’autres signes neurologiques, la conduite était de lui prescrire une corticothérapie avec un bolus mensuel de cyclophosphamide. L’évolution était favorable avec absence de récidive des CE chez 3 malades. Un patient était décédé suite à un EME, et deux patients étaient perdus de vue. Les données cliniques électriques, radiologiques et thérapeutiques des malades sont résumées dans le tableau 1.

  • Lupus érythémateux disséminé :

Quinze patients étaient suivis pour épilepsie symptomatique de LED. Le sexe ratio était de 0,15 (2H/13F). L’âge moyen au moment de la première CE était de 26 ± 3 ans (15-44 ans). Cette première crise était concomitante au diagnostic de la maladie lupique Chez 9 patients. Pour le reste des malades, le délai de survenue de l’épilepsie par rapport au début de la MI était de 4,9 ± 1,4 ans (0,5-9 ans). La majorité des patients (86,6%) ont présenté leurs première CE au cours de la première année d’évolution de la maladie lupique, dans le cadre d’une poussée clinique. Sur le plan sémiologique, les CE étaient de type généralisé tonico-clonique dans 13 cas et de type focal dans le reste des cas (CE motrice clonique chez un patient et non motrice sensorielle chez un autre malade). Un EEG inter critique était enregistré dans tous les cas. Un ralentissement généralisé était observé dans 60% des cas. Des éléments paroxystiques, à type de décharges de pointes centro-temporales droites, étaient observés chez un malade. Dans le reste des cas, l’EEG était sans anomalies. Sur le plan radiologique, l’IRM cérébrale était pathologique dans tous les cas, montrant des lésions sous corticales dans environ la moitié des cas et des lésions péri ventriculaires dans le 1/3 des cas. Une atrophie cortico-sous corticales était notée chez 3 patients et une TVC avec un infarctus veineux chez 2 patients. Les anticorps anti phospholipides (APL) étaient positifs chez 60% de nos malades. Tous les patients ont été mis sous TAE et étaient bien équilibrés sous monothérapie. Le PB était le traitement le plus prescrit (73,3% des cas). Dans le reste des cas, les patients étaient mis soit sous VPA soit sous CBZ. A côté du TAE, un bolus de corticoïde suivi ou non d’une corticothérapie orale à forte dose était prescrite dans 80% des cas. Le recours à un traitement par cyclophosphamide associé à la corticothérapie a été préconisé dans le reste des cas. Un traitement à base d’antiagrégant plaquettaire a été prescrit chez les patients avec des anticorps APL positifs. L’évolution sous TAE était marquée par la récidive des CE lors de nouvelles poussées de la maladie lupique chez 2 patients, et en dehors des poussées pour 2 autres patients. Pour le reste des malades, ils n’ont pas présenté de récidive des CE. Un EME a compliqué le cours évolutif de l’épilepsie dans trois cas.

Les données cliniques électriques, radiologiques et thérapeutiques des malades sont résumées dans le tableau 1.

DISCUSSION

  • La sclérose en plaque :

Selon les résultats de notre étude, l’âge de début et le traitement de fond de la SEP n’étaient pas des facteurs pourvoyeurs de CE. La forme rémittente était la seule forme retrouvée dans notre série. Les crises focales motrices étaient le type le plus fréquent pour nos patients.  Sur le plan électrique, les ondes lentes focales étaient l’anomalie la plus retrouvée. Le traitement de l’épilepsie était surtout basé sur le VPA, avec un bon contrôle des CE dans la majorité des cas. Toutefois, un EME a compliqué l’épilepsie dans 27,2% des cas, avec un issu fatal pour une patiente. Nos résultats étaient concordants avec ceux de la littérature, sauf quelques exceptions.

L’âge moyen de début de la SEP chez nos patients avec épilepsie était comparable à celui d’une population générale de SEP (31± 5 ans). Par contre, plusieurs études précédentes ont constaté que l’épilepsie était associée à un âge de début plus précoce de la SEP (9, 13). En effet,  le processus inflammatoire était plus agressif avec une atteinte préférentielle du cortex cérébral dans cette condition (25). Cette différence constatée par rapport à la littérature pourrait être expliquée par le fait que nous n’avons inclus que les patients âgés de plus que 18 ans.

D’autres facteurs de risque de survenue des CE ont été rapportés dans la littérature comme la forme de la SEP. Certains auteurs ont noté que la forme secondairement progressive était la plus pourvoyeuse d’épilepsie (9). Mais cette constatation n’a pas été validée ni par une méta analyse récente qui a conclu qu’aucune différence significative concernant le risque d’épilepsie n’existe entre les différentes formes de  la SEP (13),ni par notre étude où la SEP compliquée d’épilepsie était dans sa forme rémittente dans tous les cas. Dans cette dernière forme, les CE peuvent survenir au cours des poussées en tant que symptôme unique, ou associées à d’autres manifestations clinques tel était le cas de 72,7% de nos patients. Ces CE étaient causées par l’œdème, l’inflammation et la réaction gliale en rapport avec la constitution d’une plaque récente (21).

L’incrimination du traitement de fond de la SEP dans la genèse des CE était un sujet de débat. Dans notre étude, l’administration de ce traitement ne semble pas augmenter le risque d’épilepsie puisque 45,45% des patients ont présenté la première CE avant son instauration. Dans la littérature, les auteurs ont trouvé des résultats divergents. Certains ont rapportés que l’interféron peut engendrer des CE (7) alors que d’autres ont rejeté cette hypothèse (5, 29).

Sur le plan sémiologique, la majorité de nos patients (72,7 %) ont présenté des crises focales motrices,  ce qui rejoint les données de la littérature (18).

L’EEG était pratiqué pour 8 patients. Les ondes lentes focales étaient l’anomalie la plus retrouvée dans notre étude. Certains auteurs ont trouvé des résultats similaires en détectant des ralentissements focaux ou généralisées non spécifiques. D’autres anomalies paroxystiques à type de pointes (un patient dans notre série) ou de PLEDs (Perodic lateralized epileptiform disharges) ont été également décrites même en l’absence de CE (16).

Sur le plan radiologique, les lésions corticales et sous corticales, constatées respectivement chez 2 et 9 patients dans notre série, étaient significativement plus fréquentes en cas d’épilepsie chez les patients suivis pour SEP (6). La prédominance du caractère focal des CE pourrait être secondaire à ces lésions. Pour les CE généralisées, certains auteurs ont proposé l’incrimination des lésions du tronc cérébral (3,4).

Il n’existe actuellement pas de consensus pour la prise en charge de l’épilepsie symptomatique de la SEP, et les recommandations publiées ne présentent aucune particularité comparées aux autres épilepsies symptomatiques(18). Vu le caractère généralement focal des CE et l’association fréquente à des troubles sensitifs douloureux, la CBZ constitue un traitement de choix (27). Dans notre étude, malgré que le type focal des CE était le plus fréquent, le TAE le plus prescrit était le VPA, et pas la CBZ, vu l’occurrence significativement plus importante du rash cutané en cas de SEP, expliquée par une forte prédisposition aux réactions immuno-allergiques chez les femmes en âge de procréation(27)

Dans notre série, 36,3% des patients n’ont pas présenté une récidive des CE suite à l’administration du TAE. En effet, l’épilepsie a un bon pronostic indépendamment de la sévérité de la SEP, vu le rôle important de l’inflammation réactionnelle à de nouvelles plaques au cours des poussées (29). Toutefois, la fréquence des EME était non négligeable dans notre série ainsi que dans la littérature (27% dans une série française)(5), ce qui fait la gravité de l’épilepsie au cours de cette maladie.

  • La maladie de Behcet

Selon les résultats de notre étude, les CE étaient le premier motif de consultation chez un parmi 6 patients. Ces CE étaient concomitantes à une poussée d’atteinte neurologique centrale dans la moitié de nos cas.  Le type de crise généralisée était le plus représenté (4 patients). L’épilepsie était de bon pronostic, contrôlée par une monothérapie à base de VPA dans la majorité des cas.

Sur le plan sémiologique, les CE étaient généralisées dans la majorité des séries(2), ainsi que dans notre étude. Ces dernières pourraient être dues à la présence des lésions du tronc cérébral(3). Pour les CE focales retrouvées chez 2 patients dans notre série, la TVC cérébrale, fréquemment associée à  la MB, peut en être la cause (2).D’autres auteurs ont expliqué leur survenue par la présence de lésions temporales au cours de la MB, tel était le cas de un patient de notre série(17). La constitution de ces lésions était expliquée par l’extension de l’inflammation via les vaisseaux de suppléance destinés à la région temporo-mésiale à partir de la circulation postérieure. L’hypoxie secondaire au processus inflammatoire local avec libération  de glutamate serait responsable de l’épileptogenèse (8).

Au cours de la MB, dans notre série, ainsi que dans la littérature, une corrélation entre les données de l’EEG et la sémiologie des CE était constatée (19).Des  PLEDs peuvent se voir à l’EEG sans être spécifique de la MB (19, 24).

Tous les antiépileptiques peuvent être utilisés au cours de la MB. Il n’existe ni de contre-indication spécifique ni de particularité dans le choix du traitement. Les molécules les plus utilisées dans la littérature étaient le VPA, la CBZ et la phénytoïne (2). Dans notre série, le VPA et le PB étaient les plus prescrits. En effet, puisque nos patients ont présenté des CE généralisées dans la majorité des cas, la CBZ n’était pas la molécule de choix. En contrepartie, les lésions du tronc cérébral, retrouvées dans la moitié des cas, étaient à l’origine d’un syndrome vestibulaire et cérébelleux cliniques qui ont limité notre prescription de la phénytoïne. La conduite thérapeutique en cas de CE au cours de la MB dépend de leurs délais d’apparition par rapport aux signes cliniques de la maladie et des complications neurologiques associées. Si les CE survenaient au cours d’une  poussée de la maladie, comme c’était le cas de la moitié de nos malades, le TAE devrait être instauré en association avec une corticothérapie à forte dose(28).Un traitement immunosuppresseur serait indiqué en association aux corticostéroïdes en cas d’atteinte neurologique sévère et/ou réfractaire associée aux CE(30). Cette attitude était adoptée pour une patiente dans notre série. L’épilepsie représente un tournant évolutif de la MB. En effet la récurrence des CE est associée à un mauvais pronostic et à un taux élevé de mortalité (40%) (2, 19). Dans notre série, un patient était décédé suite à un EME.

  • Le lupus érythémateux disséminé

Dans notre série, les CE étaient inaugurales de la maladie lupique dans 60% des cas. Elles survenaient au-cours d’une poussée de la maladie dans 86.6% des cas. La positivité des anticorps APL, constatée chez 60% de nos malades, était un facteur prédictif d’épilepsie. Ces CE étaient de type généralisé dans la plupart des cas. L’anomalie électrique caractéristique dans notre étude était le ralentissement généralisé. Sur le plan radiologique, les lésions sous corticales en hyper signal T2 et flair et les lésions causées par la TVC étaient les plus pourvoyeuses de CE. Le PB était la molécule la plus prescrite associée à un traitement de fond du LED. Un EME a compliqué l’épilepsie dans 3 cas parmi 15.

Vu la fréquence des CE au cours du LED, l’étude des particularités de cette épilepsie s’avère nécessaire. Dans notre étude ainsi que dans la littérature, les principaux facteurs de risque de cette entité étaient la positivité des anticorps APL et la survenue d’une TVC. En effet, les APL vont causer des lésions neurotoxiques et des accidents vasculaires cérébraux à l’origine de CE (26).

Ces CE peuvent survenir à n’importe quel moment de l’évolution de la maladie lupique, essentiellement au cours des premières années de la maladie, surtout dans le cadre d’une poussée clinique (14,20)(86,6% de nos malades).

Sur le plan sémiologique, conformément aux donnée de la littérature, les CE étaient essentiellement généralisées (12,14). Toutefois, la fréquence des CE focales pourrait être sous-estimée à cause de la possibilité de survenue de crises focales avec bilatéralisation rapide.

L’enregistrement électro-encéphalographique en cas d’épilepsie dans le cadre d’un LED montre essentiellement une activité de fond ralentie ou des ondes lentes thêta. Des grapho-éléments paroxystiques à type de pointe ou de pointe onde peuvent également être enregistrés. Nos résultats étaient conformes aux données de la littérature, puisqu’un ralentissement généralisé était observé dans 60% de nos cas.

Au cours du LED, l’IRM cérébrale permet de visualiser des lésions en hyper signal T2 et flair, localisées surtout en péri ventriculaire et en sous-cortical. Ces hyper signaux retrouvés dans 80% de nos cas, sont prédictifs de récidive des CE(1) . Une angio-IRM permet en plus de mettre en évidence une éventuelle TVC qui a engendré des CE chez deux malades dans notre série.

L’épilepsie est généralement pharmaco-sensibles. Tous les TAE peuvent être administrés, sauf la phénytoïne, vu le risque d’activation de la maladie lupique par ce médicament.  En cas de pharmaco résistance, un traitement à base de corticoïde et/ou immunosuppresseur pourront être indiqués (31).

CONCLUSION :

Les CE font partie des manifestations neurologiques des MI du SNC. Elles peuvent être inaugurales de la maladie, survenir au cours des poussées, ou plus tard dans le cours évolutif de la MI. Ces crises étaient essentiellement focales au cours de la SEP, et généralisées au cours de la MB et du LED. Sur le plan électrique, les ondes lentes étaient l’anomalie la plus enregistrée dans notre série. Les lésions cortico-sous-corticales représentaient le principal facteur de risque d’épilepsie dans le cadre de ces maladies. L’épilepsie au cours des maladies inflammatoires était généralement pharmaco-sensible. Toutefois, la fréquence des EME était non négligeable dans notre série, ce qui fait toute la gravité des CE au cours de ces maladies. D’où, un diagnostic précoce de l’épilepsie permet un traitement rapide et approprié afin d’éviter cette complication qui met en jeu le pronostic vital. Le renforcement du traitement de fond de la MI était recommandé du fait que l’épilepsie constitue souvent un tournant évolutif grave.

Déclaration d’intérêts :

Conflit d’intérêts : aucun.


Tableau 1: Les caractéristiques cliniques, électriques et radiologiques des crises épileptiques associées à une MI du SNC

  SEP MB LED
Nombres de patients 11 6 15
Sexe ratio 0.37 5 0,15

Age de début des CE (ans)

Agemoyen

Les extrêmes

 

34,5±9

18-54

 

38±3,6

23-62

 

26±3

15-44

Type des CE

Généralisée tonico-clonique

Focale

Tonique

Clonique

Sensorielle

 

 

3

8

5

3

0

 

 

4

2

0

0

2

 

 

13

2

0

1

1

 

EME 3 1 3

EEG

Normal

Ralentissement

Anomalies paroxystiques

 

3

4

1

 

4

0

1

 

5

9

1

Lésions à l’IRM cérébrale

Normale

Péri ventriculaires

Tronc cérébral

Noyaux gris centraux

Atrophie CSC

TVC

Sous/juxta corticales

Corticales

 

 

0

11

5

0

1

0

9

2

 

0

3

3

2

0

1

5

0

0

5

0

3

3

2

7

0

Traitement anti épileptique

Monothérapie

Phénobarbital

Valproate de sodium

Lévétiracétam

Phénytoïne

Carbamazépine

Bithérapie

Phénobarbital

Valproate de sodium

Lévétiracétam

Phénytoïne

Carbamazépine

 

9

2

4

0

1

2

2

2

1

0

0

1

 

6

2

3

0

0

1

0

0

0

0

0

0

 

15

11

3

0

0

1

0

0

0

0

0

0

MI: maladie inflammatoire; SNC : système nerveux central ; SEP : sclérose en plaque ; MB : maladie de Behcet ; LED : Lupus érythémateux disséminé ; CE: crise épileptique; EME: état de mal épileptique ; CSC : cortico sous corticale ; TVC : thrombose veineuse cérébrale

MI: maladie inflammatoire; SNC : système nerveux central ; SEP : sclérose en plaque ; MB : maladie de Behcet ; LED : Lupus érythémateux disséminé ; CE: crise épileptique; EME: état de mal épileptique ; CSC : cortico sous corticale ; TVC : thrombose veineuse cérébrale


 

Figure 1: IRM cérébrale coupes axiales T2 Flair d’un patient suivi pour sclérose en plaques montrant une lésion pariétale droite sous corticale et une lésion corticale insulaire gauche

 


 

Figure 2: IRM cérébrale, coupes axiale en T2 Flair et T2* avec angio IRM veineux qui montre un hématome fronto-pariétal droit et une TVC du sinus latéral droit et d’une veine corticale chez un patient suivi pour épilepsie dans le cadre de maladie de Behcet

 

 


RÉFÉRENCES:

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