CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PREVENTION DU SPINA BIFIDA : CONNAISSANCES, ATTITUDES ET PRATIQUES DES SAGES-FEMMES ET ACCOUCHEUSES AUXILIAIRES D’ETAT DANS LE DISTRICT SANITAIRE DE LA KOZAH (TOGO).
PREVENTION OF SPINA BIFIDA: KNOWLEDGE, ATTITUDES AND PRACTICES OF MIDWIVES AND STATE AUXILIARY MIDWIVES IN THE HEALTH DISTRICT OF KOZAH (TOGO).
EGU Komi
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RESUME Introduction Le Spina bifida est une anomalie de fermeture du tube neural (AFTN). C’est une malformation congénitale sévère qui peut être prévenue par la supplémentation en acide folique. Objectif Evaluer les connaissances, attitudes et pratiques des sages-femmes et accoucheuses auxiliaires d’Etat sur la prévention du spina bifida. Méthode Il s’est agi d’une étude transversale à visée descriptive menée du 21 juin au 22 juillet 2020 dans le district sanitaire de Kozah. Etaient incluses les sages-femmes d’Etat (SFE) et accoucheuses auxiliaires d’Etat (AAE) qui réalisaient les consultations prénatales et préconceptionnelles. Le logiciel Epi Data a permis de traiter les données. Résultats Au total, elles étaient 76 enquêtées dont 55,3% SFE et 44,7% AAE. La plupart des enquêtées (96%) connaissaient le spina bifida et 44 (57,9%) d’entre elles savent que l’acide folique est un moyen de prévention du spina bifida. Seulement, 22 enquêtées (28,9%) connaissaient la durée de la supplémentation (avant et pendant la grossesse). Toutes les enquêtées prescrivaient systématiquement l’acide folique associé aux sels ferreux à toutes les femmes enceintes pour la prévention de l’anémie au cours de la grossesse. Conclusion Les SFE et AAE du district sanitaire de la Kozah ne connaissaient pas les recommandations pour prévenir le spina bifida. De ce fait, il serait souhaitable d’organiser, à leur endroit, des formations continues sur la prévention du spina bifida et des AFTN. Mots clés : Spina bifida, Folic acid, Pregnancy, Preconception. ABSTRACT Introduction Spina bifida is caused by a neural tube defect (NTD). It is a severe congenital malformation that can be prevented by folic acid supplementation. Aim To evaluate the knowledge, attitudes and practices of midwives and auxiliary midwives on the prevention of spina bifida. Method This was a descriptive cross-sectional study conducted from June 21 to July 22, 2020 in the Kozah health district. State midwives (SFE) and auxiliary state midwives (AAE) who perform prenatal and preconception consultations were included. The software Epi data was used to process the data. Results A total of 76 women were interviewed, of whom 55.3% were SFE and 44.7% AAE. Most of the respondents (96%) knew about spina bifida. 44 (57,9%) of them were aware of folic acid as a means of preventing spina bifida. Also, 22 respondents knew the duration (before and during pregnancy). They systematically prescribed folic acid combined with iron salts to all pregnant women for the prevention of anemia during pregnancy Conclusion The SFE and AAE in the Kozah health district did not know the recommendations for preventing spina bifida. Therefore, it would be desirable to organize continuous training for them in the prevention of spina bifida and NTD. Key words: Spina bifida, Folic acid, Pregnancy, Preconception INTRODUCTION Le spina bifida est une anomalie de fermeture du tube neural. Les anomalies de fermeture du tube neural (AFTN) sont responsables de « handicaps à la naissance souvent irréversibles » voire de décès. Ce sont des malformations congénitales sévères de développement du système nerveux. Le tube neural est à l’origine de l’encéphale et de la moelle épinière. Il se ferme lors de la 4e semaine de développement embryonnaire. Un défaut lors de cette étape aura de graves conséquences morphologiques et fonctionnelles, à la naissance (16,19,20). Le degré de l’atteinte diffère selon la localisation de la lésion et son étendue. Le spina bifida est l’une des formes les plus fréquentes et se caractérise par une anomalie du pôle rachidien. La prévalence de spina bifida à la naissance en Afrique est de 0,13%. Il y a une variation significative de la prévalence du spina bifida entre les pays étudiés : en Algérie (0,43%), en Ethiopie (0,32%), en Tanzanie (0,26%), au Cameroun (0,12%), en Egypte (0,10%), en Afrique du Sud (0,10%), en Libye (0,006%) et en Tunisie (0,009%) [13]. Au Togo, selon l’étude de Gnassingbé, en 2013, le spina bifida avait représenté 77,59% des 58 cas d’AFTN suivis au CHU de Lomé (7). L’anomalie survient chez les enfants des femmes ayant des antécédents ou un facteur de risque. Le risque de récurrence est d’environ 2 à 5 % (14). Plusieurs facteurs ont été mis en cause dans sa survenue. La prédisposition génétique, le mariage consanguin, le jeune âge maternel, la multiparité et surtout la carence en acide folique (7,8,14,17). Le mauvais état nutritionnel d’une femme avant la conception et jusqu’à 12 semaines de gestation peut accroitre le risque d’issue défavorable de la grossesse. C’est pourquoi l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande la supplémentation en acide folique (400mg d’acide folique par jour) chez toutes les femmes dès qu’elles commencent à essayer de concevoir un enfant et jusqu’à 12 semaines de gestation. Par contre, les femmes avec un antécédent d’enfant atteint d’AFTN doivent être informées du risque de récurrence et bénéficier d’une supplémentation fortement dosée (5mg acide folique par jour) (11). Malgré cette recommandation de l’OMS, la supplémentation en folates reste faible dans la plupart des pays (6,7,13,14,17). Dans la région septentrionale du Togo, nous avons pris en charge en un an d’activité de neurochirurgie 30 cas d’AFTN. Devant cette fréquence hospitalière d’AFTN, nous avons jugé utile de faire l’état des lieux de sa prévention dans la pratique des prestataires de la santé de la reproduction que sont les sages-femmes d’Etat (SFE) et les accoucheuses auxiliaires d’Etat (AAE) qui conseillent et suivent les femmes. L’objectif de cette étude était d’évaluer les connaissances, attitudes et pratiques des SFE et AAE sur la prévention du spina bifida. METHODE Il s’est agi d’une étude transversale à visée descriptive allant du 22 juin au 20 juillet 2020 dans le district sanitaire de la Kozah dans la région de la Kara, au nord du Togo. Etaient incluses les Sages-Femmes d’Etat (SFE) et accoucheuses auxiliaires d’Etat (AAE) qui réalisaient les consultations prénatales et préconceptionnelles (au service de planification familiale) et présentes durant la période d’enquête. La collecte des données, par auto administration de questionnaires, a été réalisée à partir d’une fiche d’enquête pré établie. Les variables étudiées étaient : la qualification des enquêtées, les connaissances sur le spina bifida et AFTN, sur la prévention du spina bifida et les recommandations sur la prévention, les pratiques en matière de prévention. Le logiciel Epi Data, Microsoft Word et Excel 2013 ont permis de traiter les données. Définitions Sage-femme d’Etat : Avoir obtenu le diplôme de SFE après trois années d’études en soins obstétricaux et néonataux. Accoucheuse auxiliaire d’Etat : Avoir obtenu le diplôme d’AAE après trois années d’étude en pratique sage-femme et en soins infirmiers. Bonnes connaissances, bonnes attitudes ou bonnes pratiques : lorsque toutes les réponses cochées étaient correctes Mauvaises connaissances, mauvaises attitudes ou mauvaises pratiques : lorsque les réponses cochées étaient fausses et/ou incomplètes. RESULTATS Soixante-seize professionnelles avaient accepté de participer à l’enquête dont 42 SFE (55,3%) et 34 AAE (44,7%). Parmi elles, 23 SFE (75%) et 30 AAE (88,2%) avaient une expérience professionnelle supérieure à 5 ans. Trois (03) SFE ont affirmé avoir connaissance des AFTN. 41 SFE et 32 AAE soit 96% des enquêtées avaient entendu parler au moins une fois du spina bifida et 63 enquêtées (83,25%) avaient déclaré avoir reçu au moins une fois un cas de spina bifida dans leur pratique professionnelle. Concernant les facteurs de risque du spina bifida, 74 enquêtées (SFE et AAE) soit 97,4% ne les connaissaient pas (Tableau I). Vingt-neuf SFE (69%) et 15 AAE (44,1%) savaient qu’on pouvait prévenir le spina bifida. Mais, 40 SFE (95,2%) et aucune AAE ne connaissaient le rôle de l’acide folique dans la fermeture du tube neural dans la prévention du spina bifida. 74 enquêtées (41 SFE et 33 AAE) soit 97,4% ne connaissaient pas les aliments riches en folates (Tableau I). La supplémentation en acide folique en période périconceptionnelle et pendant la grossesse est une recommandation de l’OMS pour la prévention des malformations du tube neural dont le spina bifida. La supplémentation systématique en acide folique chez les femmes en âge de procréer était une recommandation pour 56 enquêtées (73,7%). Vingt-deux (22) enquêtées (28,9%) connaissaient la période de la supplémentation (avant et pendant la grossesse). Vingt et une (21) enquêtées (17 SFE et 04 AAE) soit 27,6% avaient coché la dose de 5mg par jour d’acide folique comme la posologie recommandée par l’OMS (Tableau II) sur la feuille d’enquête. Toutes les enquêtées ont affirmé prescrire systématiquement de l’acide folique associé aux sels ferreux aux femmes enceintes au cours des consultations prénatales dans le cadre de la prévention de l’anémie au cours de la grossesse selon les recommandations de l’OMS pour la prévention de l’anémie. Cependant, en matière de prévention du spina, 02 SFE (2,63%) avaient affirmé conseiller correctement les gestantes selon les recommandations sur la supplémentation en acide folique (Tableau III). DISCUSSION L’embryogenèse constitue une étape fondamentale de l’enfant à naître. Le spina bifida résulte d’une fermeture incomplète du tube neural (16,17). Cette malformation n’empêche pas la poursuite de la grossesse (16). Au cours de cette étude, 76 (96%) de ces professionnelles de santé réalisant les consultations prénatales et les activités de planification familiale, enquêtées avaient une fois entendu parlé du spina bifida. Par contre elles ne connaissaient pas les AFTN et les facteurs de risque. La connaissance des facteurs de risque est un gage de la mise en place des stratégies préventives pour toute pathologie. La consanguinité, les carences nutritionnelles, le bas niveau socio-économique, le faible revenu familial annuel, une grossesse non suivie étaient les facteurs les plus retrouvés dans la littérature (6,7,14,17). Une grossesse planifiée, le sexe masculin, un indice de masse corporelle normal ou insuffisant et la prise d’acide folique ou de multivitamines au cours du premier trimestre protégeaient des AFTN selon l’étude de Gedefaw et al. en Ethiopie. D’autres facteurs comme la prise d’anticonvulsivant, l’alcoolisme chronique, le tabac, le diabète mal équilibré, la prise d’une contraception orale ont été incriminés (5,6). Il est donc important de faire une mise à niveau des SFE et des AAE sur les facteurs de risque. Toutes les enquêtées prescrivaient l’acide folique associé au fer pour la prévention de l’anémie mais par forcement dans le cadre de la prévention du spina bifida, même si 57,9% des enquêtées (29 SFE et 15 AAE) avaient coché savoir que l’acide folique était un moyen de prévention. Encore qu’elles affirment ne connaitre le rôle de l’acide folique dans la fermeture du tube neural. Elles ne connaissaient pas non plus les aliments riches en folates. Il en ressort une mauvaise connaissance du personnel qualifié en matière de prévention du spina bifida. Une carence en acide folique lors de l’embryogénèse peut être à l’origine des AFTN dont le spina bifida. Il faut noter que l’acide folique ne prévient pas toutes les AFTN surtout celles liées à une prédisposition génétique (4). L’OMS recommande une prise d’acide folique quotidienne de 0,4 mg chez les femmes sans antécédent et de 5 mg chez les femmes avec un antécédent d’un enfant atteint de spina bifida depuis la période périconceptionnelle jusqu’à 12 semaines de gestation pour prévenir le spina bifida (11). Près des trois quart (73,7%) des enquêtées avaient affirmé connaitre cette recommandation et plus du quart (28,9%) connaissait la période de la supplémentation (avant et pendant la grossesse). Mais c’est seulement environ un quart (27,6%) des enquêtées qui connaissait la posologie adaptée aux femmes ayant un antécédent. La non-planification des grossesses, au Togo, rend les consultations des femmes avant la conception d’un bébé comme un évènement inhabituel. Pour des raisons culturelles voire cultuelles, certaines femmes souhaitent garder la grossesse secrète jusqu’au deuxième trimestre de grossesse. Cette situation tend à réduire les consultations des SFE et des AAE aux consultations prénatales. Les programmes du planning familial pourraient être une alternative pour informer et sensibiliser les femmes à la prévention du spina bifida par une alimentation à base de produits riches en acide folique et la prise d’acide folique en cas de désir de maternité. Comme le rôle de l’acide folique n’est plus à démontrer dans la prévention du spina bifida, certains pays ont adopté l’enrichissement obligatoire en acide folique de certains aliments de base entraînant ainsi une prévalence plus faible du spina bifida, quel que soit le type de cohorte de naissance. Cette situation a fait adopter des législations. Les données africaines étaient rares, mais de nombreux pays africains ont adopté une législation sur l’acide folique En comparant les données des différents pays, on constate que le spina bifida est significativement plus fréquent dans les régions du monde où il n’existe pas de législation gouvernementale (2). Le Togo ne disposant pas de législation gouvernementale sur la prévention du spina bifida, les SFE et les AAE du district de Kozah ne maitrisaient pas la recommandation de l’OMS. Les SFE et AAE prescrivaient systématiquement l’acide folique associé aux sels ferreux pendant les consultations prénatales dans un but de prophylaxie antianémique. Cette prescription ne répond pas à la recommandation sur la prévention du spina bifida. De plus, une étude réalisée dans le district de Kozah avait retrouvé un recours tardif à la première consultation prénatale soit 64,6% des gestantes consultaient après 15 semaines d’aménorrhée (1). Pour plusieurs auteurs, les mères des enfants atteints de Spina bifida n’avaient pas reçu de supplémentation en acide folique avant la grossesse ni au premier trimestre de la grossesse (7,12). Bannick et al. en Ouganda ont conclu que l’apport limité en acide folique était dû à un manque d’informations et de formations des femmes et surtout des agents de santé sur l’importance d’un apport précoce en acide folique (3). Etant donné que l’aspect préventif du spina bifida est assez mal connu par les SFE et AAE, l’acide folique est prescrit seulement au cours de la grossesse lors des consultations prénatales dans le cadre de la prévention de l’anémie. Pour des raisons énoncées précédemment, les femmes débutent le plus souvent la consultation prénatale au 2e trimestre de la grossesse bien après l’embryogenèse. Les futures mères ne planifient pas toutes leurs grossesses ou ne reçoivent pas des conseils sur la prévention lors de la visite préconceptionnelle qui sont rares. La supplémentation en acide folique réduit avec succès la prévalence des AFTN chez les nourrissons de sexe masculin et féminin (5,10,11,15). Les effets de la prévention sur les AFTN étaient significatifs lorsque ces mesures préventives étaient associées à l’enrichissement des aliments en acide folique pendant la période périconceptionnelle (2,8,9,11). Au Brésil, l’introduction de l’obligation d’enrichissement en fer et en acide folique des farines de blé et de maïs a été suivie d’une baisse significative de la prévalence des AFTN (18). CONCLUSION Cette étude révèle que les SFE et les AAE du district sanitaire de Kozah avaient de mauvaises connaissances, attitudes et pratiques dans la prévention du spina bifida. Cependant, l’acide folique combiné aux sels ferreux était prescrit systématiquement aux femmes enceintes pour la prévention de l’anémie au cours de la grossesse. Dans le cadre de la prévention du spina bifida, la supplémentation en acide folique devrait commencer en période périconceptionnelle selon la recommandation de l’OMS. Un accent particulier doit être mis sur cette recommandation dans les formations des SFE et AAE, maillon important dans la prévention du spina bifida. Aussi, le pays doit il se doter d’une législation pour établir de stratégies préventives efficientes.
Tableau I : Répartition des enquêtées selon les connaissances sur la prévention spina bifida
Tableau II : Répartition des enquêtées selon les attitudes sur la prévention du spina bifida
Tableau III : Répartition des enquêtées selon les pratiques sur la prévention du spina bifida
REFERENCES
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