CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PREVENTION ET DIAGNOSTIC ANTENATAL DES MALFORMATIONS DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL EN NEUROCHIRURGIE
PREVENTION AND ANTENATAL DIAGNOSIS OF THE CENTRAL NERVOUS SYSTEM MALFORMATIONS IN NEUROSURGERY
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RESUME Introduction La prise en charge des malformations du système nerveux central (SNC) nécessite un suivi médical pluridisciplinaire et pendant toute la vie de l’enfant atteint. Les mesures préventives et les moyens diagnostiques précoces sont connus, mais ces pathologies restent fréquentes dans notre milieu de travail. Objectif Montrer la place des consultations prénatales (CPN), dans la prévention et le diagnostic des malformations du SNC. Matériel et méthode Nous avons réalisé une étude rétrospective transversale d’une durée de 4 ans, portant sur 114 enfants au CHU « Hôpital du Mali ». Les informations étaient recueillies à travers les dossiers médicaux des enfants qui étaient remplis sur la base des carnets de CPN des mamans. L’analyse des données a été faite par le logiciel SPSS version 23.0. Résultats L’âge moyen des enfants à la première consultation était de 7,6 mois. L’hydrocéphalie constituait 71,1% des malformations. Dans 31,6% des cas, les femmes en état de grossesse n’avaient réalisé aucune CPN. L’échographie obstétricale n’était pas réalisée chez 70,2% des femmes et le diagnostic anténatal n’avait pu être posé que dans 8,8% des cas. La supplémentation en acide folique a été faite chez 52,6% des femmes mais elle était tardive dans tous les cas. La notion de consanguinité entre les parents était présente dans 25,4%. Conclusion L’accent doit être mis sur la sensibilisation de nos populations sur l’importance d’un suivi correct de la grossesse. La réalisation des échographies obstétricales doit être mieux encadrée. Mots clés : Malformations, système nerveux, acide folique, échographie SUMMARY Background The treatment of the central nervous system (CNS) malformations requires medical multidisciplinary management throughout the life of the affected child. Preventive measures and early diagnostic means are known, but these pathologies remain frequent in our environment. Objective To show the place of prenatal consultations (PNC) in the prevention and diagnosis of CNS malformations. Method We carried out a 4-years retrospective cross-sectional study, involving 114 children at the « Hôpital du Mali » teaching hospital. The informations was collected through the children’s medical files which were informed by the mothers PNC notebooks. Data analysis was performed using SPSS version 23.0. Results The average age of the children at the first consultation was 7.6 months. Hydrocephalus constituted 71.1% of malformations. In 31.6% of cases, pregnant women had not performed any PNC. Obstetric ultrasound was not performed in 70.2% of women and antenatal diagnosis was only made in 8.8% of cases. Folic acid supplementation was done in 52.6% of women but it was late in all cases. The notion of consanguinity between the parents was present in 25.4%. Conclusion Emphasis should be placed on population education on the importance of proper pregnancy follow-up. The realization of obstetric ultrasounds must be better supervised. Keywords: Malformations, nervous system, folic acid, ultrasound INTRODUCTION Les malformations du système nerveux central (SNC) sont diverses et variées. Elles peuvent être regroupées en plusieurs entités. On peut citer les anomalies du tube neural (myéloméningocèle, méningocèle, encéphalocèle), les troubles de spécifications structurelles du cerveau, les anomalies de la fosse cérébrale postérieure (du tronc cérébral et du cervelet), les troubles de la croissance et de la taille du cerveau, les troubles de la croissance et de la forme du crâne (5). L’incidence à l’échelle mondiale des anomalies congénitales varie d’une région géographique à l’autre, affectant environ 3 à 7 % de tous les nouveau-nés. Dans la plupart des séries rapportées, les anomalies du SNC semblent être les plus courantes (1,4,15,16). Dans une étude réalisée au Congo sur les malformations congénitales en général, celles du système nerveux avaient occupé la 2è place après les anomalies du tube digestif (12). Ce sont des pathologies qui nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire, et pendant toute la vie du sujet atteint. Elles constituent de ce fait, un fardeau tant sur le plan humain que financier (17). En 2007, Ouyang et al aux Etats unis avaient montré que la prise en charge médicale d’un enfant atteint de spina bifida engageait 13 fois plus de dépenses qu’un enfant qui ne présente pas cette malformation (15). Certaines de ces anomalies congénitales, notamment celles du tube neural, peuvent bénéficier de mesures préventives comme la prise péri conceptionnelle d’acide folique. Par ailleurs, un diagnostic précoce de la malformation peut être posé à travers une échographie obstétricale, permettant ainsi aux parents d’avoir l’information sur la malformation avant l’accouchement. L’objectif de ce travail était de montrer l’importance des consultations prénatales (CPN), dans la prévention et le diagnostic des malformations du SNC chez les enfants pris en charge dans le service de neurochirurgie de l’hôpital du Mali. MATERIEL ET METHODE Nous avons réalisé une étude rétrospective transversale sur 4 ans (de janvier 2017 à décembre 2020) ; ont été inclus tous les enfants pris en charge pour une malformation congénitale du SNC dans le Service de Neurochirurgie de l’Hôpital du Mali. Les anomalies du SNC comme une hydrocéphalie de cause acquise (non congénitale) n’ont pas été inclues. Cent quatorze dossiers ont été retenus. Les informations étaient recueillies à travers les dossiers médicaux des enfants qui étaient remplis sur la base des carnets de CPN des mamans (pour celles qui avaient réalisés des CPN). Les paramètres analysés étaient : l’âge et le sexe des enfants, le type et le nombre de malformations par enfant, le nombre de CPN et d’échographie obstétricale réalisées, l’information des parents sur le diagnostic anténatal, la notion de prise d’acide folique par la mère, la notion de consanguinité entre les parents. L’analyse des données a été faite par le logiciel SPSS version 23.0 RESULTATS Les paramètres démographiques Sur les 114 enfants retenus, 64 (56,1%) étaient de sexe masculin et 50 (43,9%) de sexe féminin soit un sex ratio de 1,28. L’âge moyen des enfants à la première consultation de neurochirurgie était de 7,6 mois avec des extrêmes allant de 1 jour à 48 mois. Les nourrissons (de 29 jours à 24 mois) ont été les plus représentés avec 87,7% (Tableau 1). Les anomalies du SNC Ces anomalies étaient diverses (Figure 1). Dans 71,1%, l’hydrocéphalie constituait la seule malformation. Chez 16 enfants (14%), elle était associée à d’autres malformations du SNC chez le même enfant (Tableau 2). Le nombre de CPN Dans 36 cas soit 31,6%, aucune CPN n’a été réalisée. Cinquante deux mamans (45,6%) avaient réalisé entre 1 et 3 CPN et dans le reste des cas (26 mamans soit 22,8%), on notait au moins 4 CPN réalisées. Le nombre d’échographie obstétricale Chez 80 femmes en état de grossesse (70,2%), cet examen n’avait pas été pratiqué. Au plus 2 échographies obstétricales ont été réalisées chez 28 mamans représentant 24,6%, et dans 6 cas (5,3%), les mamans avaient pu atteindre au moins 3 échographies. Ces examens réalisés avaient permis de poser le diagnostic anténatal de la malformation que dans 10 cas (8,8% des malformations). La supplémentation en acide folique Elle a été faite chez 60 mamans soit 52,6%. Cette supplémentation a été tardive chez toutes les femmes (après la période péri conceptionnelle). La notion de consanguinité La notion de consanguinité entre les 2 parents de l’enfant malade était présente dans 29 cas soit 25,4%. DISCUSSION Sur 4 ans, nous avons colligé 114 enfants porteurs de malformation du SNC soit une moyenne de 28,5 cas par an. La prévalence des anomalies du SNC varie en fonction des études. Aux Etats Unis d’Amérique, les défauts de fermeture du tube neural ont une fréquence de 1/2000 naissances en moyenne, en Inde ce taux varie de 0,6 à 13 pour 1000 naissances (2,17). En Afrique subsaharienne, l’incidence réelle des malformations du SNC à l’échelle des pays n’est pas connue (14). Les données proviennent en général de séries hospitalières isolées. Adeleye avait trouvé 61 cas en une année dans un Centre Hospitalier du Nigéria (1). Au Cameroun, un taux de 1,99/1000 naissances a été rapporté dans une série incluant les 3 centres hospitaliers universitaires de Yaoundé (14). Au Mali, les études faites sur les malformations du SNC ne sont pas nombreuses. Elles sont mono centriques et ne s’intéressent en général qu’à une pathologie malformative précise. Une série de 28 cas de spina bifida colligés sur 9 ans, a été rapportée par Diarra en 2021 à Bamako [8]. Diall avait travaillé dans une étude récente, sur 39 cas d’hydrocéphalie congénitale sur une période de 19 mois dans le service de néonatologie du CHU Gabriel Touré de Bamako (7). Notre étude donne une vision plus large sur les malformations du SNC, en incluant plusieurs types d’anomalies prises en charge en milieu neurochirurgical. L’hydrocéphalie congénitale a été l’anomalie la plus fréquente dans notre série (71,1%). Ce résultat ne concorde pas avec ceux présentés dans les études que nous avons parcourues. Ainsi, dans les travaux de Adeleye (1) et de Eke (9), toutes faites au Nigéria, les anomalies de fermeture du tube neural étaient les plus fréquentes, suivies de l’hydrocéphalie congénitale. Selon une autre étude réalisée aux Etats Unis, le spina bifida aurait une incidence plus élevée que les autres anomalies du SNC (11). La faible fréquence des anomalies du tube neural par rapport à l’hydrocéphalie dans notre étude pourrait s’expliquer par le fait qu’au Mali, une partie de ces anomalies du tube neural échappe à la neurochirurgie et est prise en charge par les chirurgiens pédiatres. Ce qui pourrait conduire à une sous-estimation de leur fréquence dans une étude menée uniquement dans un milieu neurochirurgical comme le notre. Le nombre de femmes n’ayant pas effectué un suivi correct de la grossesse était élevé dans notre série. Environ 32% des femmes n’avaient réalisé aucune consultation prénatale (CPN), et parmi celles qui en avait faites, seulement 22,8% avaient atteint au moins 4 CPN. Ce constat est partagé par plusieurs séries africaines. Dans l’étude d’Adeleye, 30% des grossesses n’avaient pas été suivies par un agent certifié (1). Dans celle de Djientcheu au Cameroun, environ 65% des dames avaient commencé leurs CPN après le 1er trimestre de la grossesse (4). Un manque de sensibilisation de la population sur l’importance des CPN et le bas niveau économique pourraient expliquer cet état de fait. L’échographie obstétricale est essentielle dans le diagnostic prénatal de ces malformations. C’est un examen de réalisation facile, accessible et qui peut détecter la pathologie assez précocement, dès la 16è semaine de grossesse selon certains auteurs (1,13). Les recommandations du comité sur la génétique au Canada stipulent que les femmes enceintes devraient être avisées lors des CPN que la tenue d’une échographie prénatale entre la 18e et la 20e semaine de gestation permet de détecter la présence d’anomalies structurelles majeures dans près de 60% des cas (10). Les même recommandations précisent que dans les cas de grossesse en cours présentant des anomalies structurelles fœtales, l’examen échographique devrait être répété (à une fréquence établie en fonction de la ou des anomalies en question) afin d’évaluer l’évolution de la ou des anomalies et de tenter de détecter la présence d’autres anomalies n’ayant pas encore été identifiées (10). En depit de l’importance capitale de l’échographie dans le diagnostic anténatal, peu de femmes la réalisent en Afrique, seulement 30% dans notre série. Djientcheu avait trouvé 32,8% au cameroun (4). La réalisation de cet examen nécessite une formation adéquate des praticiens sur l’échographie fœtale pour pouvoir poser le bon diagnostic (1). Dans notre étude, le diagnostic anténal n’a pu être posé que dans 8,8% des cas malgré la réalisation de l’échographie chez 30% des dames. Cela montre le nombre élevé de faux négatifs parmi le peu de femmes qui avaient pu réaliser l’échographie obstétricale. Par conséquent, les parents de ces enfants malades ont subi une surprise désagréable liée à la découverte de la malformation à la naissance. Ce manque d’information sur les malformations du SNC persiste parfois pendant plusieurs mois, voire des années après la naissance de l’enfant. Ce qui pourrait expliquer en partie le delai retardé de prise en charge des malformations. L’âge moyen des enfants à la première consultation était de 7,6 mois avec un extrême supérieur de 48 mois dans notre série. Coulibaly au Mali (3) avaient rapporté un cas de prise en charge tardive de méningo-encéphalocèle chez un adulte de 29 ans, le père du patient avait considéré la maladie de son fils comme un mauvais sort. L´origine de ces malformations est multifactorielle, avec l’interaction des facteurs environnementaux et génétiques (17). Le facteur de risque de consanguinité a été retrouvé dans 25,4% des cas dans notre étude. Radouani avait trouvé 20% au Maroc en 2015 (17). Un cas de myéloméningocèle récurrent a été rapporté en 2003 en Inde chez 4 enfants de la même fratrie issus d’un mariage consanguin (19). Les maformations du SNC sont connues pour se prêter à des mesures préventives qui peuvent être primaires ou secondaires (1). Dans un contexte où la prise en charge de ces pathologies constitue un fardeau à vie aussi bien sur le plan humain que financier, ces mesures préventives revêtent d’une importance capitale. La prévention primaire des anomalies de fermeture du tube neural comme le spina-bifida et l’anencéphalie (constituant les deux formes les plus fréquentes), passe par la prise d’acide folique durant la période péri conceptionnelle. L’efficacité de l’acide folique a été prouvée non seulement pour prévenir une éventuelle récurrence après la naissance d’un premier enfant ou fœtus atteint (5), mais aussi dans la population générale pour diminuer le risque de survenue de ces malformations. Environ 53% des femmes avaient réalisé cette supplemention dans notre étude, mais aucune d’entre elles ne l’avait faite dans la période périconceptionnelle, alors que l’action préventive du produit est nulle après le premier mois (6). Le début tardif des CPN dans notre étude pourrait expliquer le retard de la supplémentation en acide folique. Adeleye (1) rapporte dans son étude un âge gestationnel moyen de 4,6 mois au début de la supplémentation. Pour pallier à ce problème de retard ou de non prise de l’acide folique, l’enrichissement des aliments de base comme la farine de blé pour les femmes en âge de procréer a été mise en route dans certains pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Norvège, les Pays-Bas, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, la Chine, la Nouvelle-Zélande (6). Cette mesure à elle seule est connue pour entraîner une réduction de la prévalence à la naissance des anomalies de fermeture du tube neural de 50 à 70 % (1,16, 18). La prévention secondaire, quant à elle, se situe au niveau du diagnostic intra-utérin précoce des anomalies du SNC en vue d’interrompre ces grossesses dans des situations extrêmes, ou au moins d’offrir des soins obstétricaux ciblés et dédiés à ces grossesses lorsqu’il n’existe pas de loi sur les avortements médicamenteux. L’échographie, pouvant être en mesure de poser un diagnostic précoce (dès la 16è semaine), les parents auront le bénéfice d’avoir suffisamment de temps pour prendre une décision quant au devenir d’une telle grossesse. CONCLUSION La prise en charge des malformations du SNC a occupé une part non négligeable des activités dans notre service de neurochirurgie générale pendant la période d’étude. Leur prévention était peu réalisée faute de retard ou d’absence de CPN bien conduites. A l’instar de beaucoup de séries africaines, ces pathologies étaient sous diagnostiquées en anténatal. L’accent doit être mis sur la sensibilisation de nos populations afin qu’elles adhèrent à l’idée d’un suivi précoce des grossesses par des professionnels de santé. La réalisation des échographies obstétricales doit être encadrée par des mesures rigoureuses.
Tableau 1 : Répartition des enfants en fonction de l’âge
Tableau 2 : Répartition des malformations du SNC
REFERENCES
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