CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
THROMBOLYSE INTRAVEINEUSE (TIV) DES INFARCTUS CEREBRAUX : L’EXPERIENCE DU CENTRE HOSPITALIER ET UNIVERSIATIRE DE CAEN (FRANCE)
INTRAVENOUS THROMBOLYSIS (IVT) OF CEREBRAL INFARCTION: THE EXPERIENCE OF THE UNIVERSITY HOSPITAL OF CAEN (FRANCE)
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RESUME Objectif Méthodologie Résultats Conclusion Mots clés : Thrombolyse, infarctus cérébral, Caen, France. Aim Methods Results Conclusion Keywords: Thrombolysis, cerebral infarction, Caen, France. INTRODUCTION Les accidents vasculaires cérébraux constituent un problème majeur de santé publique, et on estime leur incidence mondiale à 17 millions par an. Ils représentent la première cause de handicap acquis chez l’adulte, la deuxième cause de mortalité et de démence (12). Ils sont dominés par les infarctus cérébraux (80%) dont le traitement, à la phase aigüe, repose essentiellement sur la thrombolyse intraveineuse par l’activateur tissulaire du plasminogène (rt-PA), complétée dans certains cas par la thrombectomie mécanique. Le principe du traitement thrombolytique est de lyser le thrombus afin d’obtenir la recanalisation de l’artère occluse qui est un facteur de pronostic favorable (21). Le bénéfice de la thrombolyse intraveineuse est maximal lorsque la thrombolyse est pratiquée précocement et décroit ensuite proportionnellement au délai écoulé (21). Ce bénéfice a été démontré initialement pour un délai maximal de 3 heures après le début des symptômes (17). Le délai a été porté secondairement à 4h30 sur la base de deux autres études (6, 1). Par ailleurs, la thrombolyse intraveineuse dans le traitement de l’ischémie cérébrale aigüe a été initialement validée chez des sujets de 18 à 80 ans, mais il est aujourd’hui admis que le bénéfice de ce traitement peut s’étendre à des sujets plus âgés (3, 8). Toutefois, la thrombolyse intraveineuse, peut entraîner des effets indésirables graves parfois mortels en particulier l’hémorragie intracérébrale. La thrombolyse intraveineuse par le rtPA comme traitement de l’infarctus cérébral a été autorisée aux Etats-Unis en 1995 et en France en 2002. Le recueil systématique des données des patients thrombolysés a débuté au CHU de Caen en novembre 2007 avec l’ouverture de l’unité neuro-vasculaire. L’objectif de cette étude est de rapporter l’expérience de cette pratique au CHU de Caen et d’analyser les résultats à la lumière des données de la littérature. METHODOLOGIE Type, cadre et période de l’étude : une étude rétrospective, monocentrique, s’est déroulée dans l’unité neuro-vasculaire au CHU de Caen, du premier Janvier 2008 au 30 septembre 2011. Matériel de l’étude et critères d’inclusion : les dossiers de tous les patients traités par rtPA intraveineux pour un infarctus cérébral ont été inclus. Les variables évaluées concernaient les caractéristiques démographiques des patients, l’évolution à 24 heures, les complications de la thrombolyse (l’hémorragie cérébrale symptomatique) et le pronostic à 3 mois. Critères de jugement : l’évolution précoce était considérée comme favorable lorsque le score NIHSS à 24 h était ≤ 2.Pour le pronostic à 3 mois, nous avons fixé deux seuils de pronostic favorable, l’un plus strict pour un mRS ≤ 1 et l’autre plus large pour un mRS ≤ 2, ces deux seuils ayant été utilisés tour à tour dans la littérature (22). L’hémorragie cérébrale symptomatique était définie, comme dans l’étude du NINDS, par toute hémorragie cérébrale associée à une aggravation neurologique et apparue sur un scanner de contrôle après la thrombolyse. Analyses statistiques : l’analyse des données a été effectuée avec le logiciel Excel et l’utilitaire d’analyse qui est un programme complémentaire d’Excel. Pour les variables quantitatives, les moyennes ont été comparées d’une part avec le test ANOVA (analyse de variance : un facteur) lorsqu’il y avait plus de 2 échantillons et d’autre part avec le test t de Student pour 2 échantillons. La distribution des pourcentages des variables qualitatives était comparée avec le test du Khi2 de Pearson et avec le test exact de Fisher lorsque les variables étaient en plus petit nombre. Le seuil de significativité de ces différents tests a été fixé à p = 0,05. RESULTATS Sur 2887 patients hospitalisés pour un infarctus cérébral pendant la période de l’étude, 165 (5,71%), dont 90 (54,5%) hommes (sex-ratio = 1,2), ont été thrombolysés. L’âge moyen était de 72 ± 13,2 ans. Quarante-sept patients (28,5%) avaient plus de 80 ans. Tous les patients ont été traités entre 0 et 4h30 après le premier symptôme dont 67,3% avant 3h et 32,7% entre 3h et 4h30. Les caractéristiques de la population des patients sont indiquées dans le tableau 1. Les critères de jugement (NIHSS à 24 heures, HCS, pronostic à 3 mois et mortalité) sont résumés dans le tableau 2. Les patients ayant un score NIHSS ≤2 à 24h avaient initialement un score NIHSS moyen significativement plus bas (9,5 vs 15,5, p < 0,002), et une glycémie plus faible (5,9 vs 6,9, p= 0,004) que ceux qui avaient un NIHSS à 24h > 2 (tableau 3). A trois mois de l’accident, 31,3% des sujets avaient un mRs ≤ 1 et 47,3% un mRs ≤ 2. Les caractéristiques de ces patients comparées à celles des patients qui ont eu un pronostic plus défavorable figurent dans les tableaux 4 et 5. Le tableau 6 compare les résultats des thrombolyses effectuées avant 3 heures et entre 3 et 4h30. Le tableau 7 montre une comparaison des résultats de la thrombolyse entre les patients âgés de plus de 80 ans et ceux âgés de moins de 80 ans. COMMENTAIRES Tous les patients de notre étude ont été thrombolysés dans un délai maximal de 4h30 conformément aux recommandations actuelles (21), dont les 2/3 (67,3%) dans un délai de 3 heures. Vingt quatre heures après la thrombolyse, 22,7% de nos sujets avaient une évolution favorable à 24 h selon le critère préalablement fixé d’un NIHSS <=2. Aucune comparaison ne peut être faite avec l'étude NINDS dont le critère d'évolution favorable à 24h était une baisse de NIHSS de 4 points(17). Les facteurs associés à une évolution favorable à 24h chez nos patients étaient un score NIHSS initial bas et une glycémie basse, également relevés par Ntaios et al. (13). Le taux d'HCS observée dans notre étude est plus élevé (9,7%) que celui rapporté par le NINDS (6,4%). Cependant, si l'on ne considère que les sujets thrombolysés dans un délai de 3 heures, le taux descend à 7,4%, proche des 7% celui rapportés par Mehrpour et al.(9). En revanche, ceux de nos patients qui ont été traités entre 3 et 4h30 ont eu un taux d'HCS plus élevé (13%). Ceci suggère qu'une thrombolyse plus précoce diminue le risque d'hémorragie cérébrale, tout au moins dans notre étude, puisque ce résultat n'a pas été trouvé par Emberson et al dans la méta-analyse réalisée chez les patients ayant participé aux 9 essais randomisés de rt-PA intraveineux réalisés (4). Les comparaisons en matière d'hémorragie cérébrale symptomatique post-fibrinolyse sont cependant rendues difficiles par la différence des définitions d'une étude à l'autre, plus larges dans l'étude NINDS et ECASS II avec des taux respectifs de 7,9 et 5,3%, et plus stricts dans ECASS III et SITS-MOST, avec des taux respectifs de 2,4% et 1,9% (6, 10). A trois mois, 47,3% des patients avaient un mRS≤ 2 et 31,1% un mRS≤ 1. Ce dernier taux est identique à celui de la méta-analyse de Emberson (4). De ce point de vue, l'étude actuelle est strictement conforme aux données cumulées disponibles à ce jour sur la TIV des infarctus cérébraux, et est donc représentative de la pratique actuelle de cette procédure. Pour ceux de nos patients qui ont été traités avant la 3e heure, ces taux sont respectivement de 53,8% et 36,8%, contre 38,9% et 22,2%pour ceux traités entre 3h et 4h30.L'analyse comparative de ces résultats avec d'autres études, ne montre pas de différence significative (2, 5, 15, 16, 19, 20, 23, 24). Cependant, Hacke et al dans ECASS III ont rapporté des taux plus élevés, de l'ordre de 50%, peut-être du fait de l'exclusion des sujets âgés de plus de 80 ans, et d'un NIHSS initial moyen de 10 contre 14 pour nos patients (6).Outre le délai de traitement, les autres facteurs ayant influencé le pronostic chez nos patients sont l'âge, le score NIHSS initial et à 24h, et la glycémie. Les sujets évoluant favorablement à 3 mois ont eu une durée de séjour plus brève à l'hôpital. L'influence néfaste de l'hyperglycémie initiale dans l'infarctus cérébral, y compris en cas de traitement par rt-PA, serait corrélée à un plus faible taux de recanalisation (14). Cependant, il n'a pas été démontré que la correction systématique de la glycémie dans les heures qui suivent immédiatement la thrombolyse améliore le pronostic (7). Le taux de mortalité (19,6%) observé dans notre étude est plus élevé que dans certaines études ceux, par exemple12,5% dans l'étude de Faivre (5)ou 13% dans l'étude de Tosta (19), plus proche de celui de 17,8% chez Sobolewski (16) et des 17,9% trouvés par Emberson dans sa méta-analyse (4). Comme dans ces études, il est significativement plus élevé après 80 ans, et il est indépendant du délai de traitement. Aucun de nos patients n'a eu de réaction allergique au rtPA. Dans notre série, 36,8% des patients thrombolysés dans les 3 heures ont un mRS<=1 au 3e mois contre seulement 22,2% de ceux thrombolysés entre 3 et 4h30, une différence qui n'atteint pas la significativité (p=0,6)en raison probablement d'un manque de puissance statistique du fait de la petite taille de notre échantillon par rapport à des études reposant sur de plus grands effectifs qui confirment l'importance du délai de la thrombolyse pour le pronostic. Il a en effet été montré que le taux moyen relatif d'amélioration décroît de façon linéaire de H+1 où il est de 1,8 à H+6 où il est égal à 1, correspondant à un bénéfice nul (10). Notre travail montre que les sujets de plus de 80 ans ont un risque plus élevé de handicap et de mortalité. Pourtant, il n'existait aucune différence significative au niveau des scores NIHSS initiaux, des délais de la thrombolyse et des résultats à 24 heures entre ces patients et ceux âgés de moins de 80 ans. Toni et al (18), ont également observé un taux de mortalité plus élevé chez les sujets âgés(>80 ans) comparativement aux sujets plus jeunes (≤ 80 ans) thrombolysés dans le délai des 3 heures. Cependant, l’efficacité de la thrombolyse chez le sujet âgé est établie, y compris dans le délai de 3 à 4h30 (4,11) contrairement à ce qui avait été supposé antérieurement (21). CONCLUSION Le travail présenté est une étude purement observationnelle, sans groupe contrôle et a pour seule ambition de refléter la pratique quotidienne de la TIV des infarctus cérébraux dans un Centre Hospitalier Régional Universitaire. Elle a été réalisée dans une période juste antérieure à la mise en uvre de la thrombectomie mécanique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui dans les centres dotés des moyens techniques et humains suffisants pour la réaliser, dans les cas où elle est recommandée. Nos résultats ne sont donc pas transposables à ceux qui peuvent être obtenus aujourd’hui dans les unités neurovasculaires aux normes actuelles ayant accès en urgence à la neuroradiologie interventionnelle, mais ils témoignent de la faisabilité de la TIV dans un environnement neurovasculaire classique et de la robustesse des résultats 20 ans après l’étude princeps du NINDS. Tableau I: Caractéristiques des patients
SD: écart-type ; NIHSS: National Institute of Health Stroke Scale ; TIV: thrombolyse intra-veineuse ; HTA: hypertension artérielle ; AVC: accident vasculaire cérébral ; AIT: accident ischémique transitoire ; AVK: anti-vitamines K. Tableau II : Critères de jugement
NIHSS: National Institute of Health Stroke Scale ; HCS: hémorragies cérébrales symptomatiques ; mRS: modified Rankin scale. Tableau III : Comparaison des patients en fonction du NIHSS à 24h
NIHSS: National Institute of Health Stroke Scale ; SD: écart-type ; J: jours ; PAS: pression artérielle systolique ; PAD: pression artérielle diastolique ; TOAST: Trial of Org 10172 in Acute Stroke Treatment. Tableau IV : Comparaison des patients selon le mRS à 3 mois : mRS≤1 vs. > 1
mRS: modified Rankin scale ; SD: écart-type ; NIHSS: National Institute of Health Stroke Scale ; PAS: pression artérielle systolique ; PAD: pression artérielle diastolique ; TOAST: Trial of Org 10172 in Acute Stroke Treatment. Tableau V : Comparaison des patients selon le mRS à 3 mois : mRS≤2 vs. > 2
mRS: modified Rankin scale ; SD: écart-type ; NIHSS: National Institute of Health Stroke Scale ; PAS: pression artérielle systolique ; PAD: pression artérielle diastolique ; TOAST: Trial of Org 10172 in Acute Stroke Treatment. Tableau : VI : Evolution en fonction du délai de la thrombolyse
NIHSS: National Institute of Health Stroke Scale ; SD: écart-type ; HCS: hémorragies cérébrales symptomatiques ; mRS: modified Rankin scale. Tableau VII : Evolution en fonction de l’âge
NIHSS: National Institute of Health Stroke Scale ; SD: écart-type ; HCS: hémorragies cérébrales symptomatiques ; mRS: modified Rankin scale. REFERENCES
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