CASE REPORT / CAS CLINIQUE
TRAUMATISME CRANIEN PENETRANT PAR CLOU ENFONCE DANS LE VERTEX : A PROPOS D’UNE OBSERVATION
PENETRATING HEAD TRAUMA BY A NAIL STUCK INTO THE VERTEX: CASE REPORT
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RESUME Introduction Les traumatismes crânio-cérébraux pénétrants sont rares, représentant environ 0,4% des traumatismes crâniens. Les causes sont multiples. Ceux engendrés par un clou sont plus rares et surviennent essentiellement lors d’accident de travail ou de tentative de suicide et l’automutilation par pistolet à clou. Nous rapportons l’observation d’un patient victime d’un traumatisme crânien par clou dans des circonstances non élucidées. Patient et méthode Il s’agit d’un homme de 34 ans, ayant été retrouvé, de nuit, avec un clou profondément enfoncé au niveau du vertex sur la ligne médiane. Il ne présentait pas de trouble neurologique et l’imagerie ne montrait aucune lésion cérébrale en dehors de la localisation du clou qui semblait traversé le sinus sagittal supérieur. Résultats Le patient a été opéré. Il a bénéficié d’une craniotomie, sans ouverture de la dure-mère, qui a permis l’extraction du clou. Les suites post-opératoires étaient simples. Le patient n’a présenté aucune complication, notamment vasculaire ou infectieuse. Conclusion Les traumatismes crânio-cérébraux pénétrants par clou sont rares. Ils sont parfois graves du fait des lésions cérébrales initiales, mais aussi et surtout des complications essentiellement vasculaires et infectieuses, nécessitant une prise en charge adaptée et individualisée tant au niveau diagnostique que thérapeutique. Mots clés : Traumatisme crânien pénétrant, Plaie cranio-cérébrale, Clou ABSTRACT Introduction Penetrating head injuries are uncommon, accounting for about 0.4% of brain injuries. There are many causes. Those caused by nails are very unusual and mainly occur during a work accident or suicide attempt by a nail gun. We report a case of a patient with a head nail trauma in unclear circumstances. Patient and method A 34-year-old man who was found overnight with a nail stuck deeply into his vertex on the midline of the cranium. He had no neurological consequences. The imaging showed no brain damage, but the location of the nail that appeared to cross the superior sagittal sinus. Result The patient was operated. He underwent a craniotomy, without opening the dura, which allowed the nail to be extracted. The post-operative outcome was simple. The patient presented no complications, especially vascular or infectious. Conclusion Penetrating head injuries by nail are rare. They are sometimes serious due to the initial brain lesions, and also vascular and infectious complications, requiring appropriate and personalized management. Key words: Penetrating head trauma, Brain injury, Nail INTRODUCTION Les traumatismes crânio-cérébraux pénétrants sont relativement rares représentant environ 0,4% de tous les traumatismes crâniens (5). Leur pronostic ainsi que leur devenir dépendent de la nature de l’objet pénétrant (8). Les traumatismes par clou ont été rapportés plus rarement et surviennent essentiellement lors d’accident de travail ou de tentative de suicide et l’automutilation (contexte psychiatrique) par l’utilisation de pistolet à clou (6). Ils sont en général de bon pronostic, mais la stratégie de prise en charge doit être rapide et décisive permettant de prévenir les complications essentiellement vasculaires et infectieuses qui peuvent, lorsqu’elles surviennent, aggraver le pronostic. Nous rapportons un cas de traumatisme crânien pénétrant par clou survenu dans de circonstances non élucidées. CAS CLINIQUE Il s’agissait d’un patient de 34 ans, sans emploi, sans antécédent notable, référé d’un hôpital de district, pour traumatisme crânien par arme blanche remontant à 3 jours. Les circonstances du traumatisme étaient non élucidées. Selon le patient, il se rappelait avoir été réveillé, la nuit, par une sorte « d’étincelle ayant traversé ses yeux », puis s’était retrouvé baigné dans du sang provenant de sa gorge, avec une sensation de lourdeur de la tête. Il a bénéficié d’abord des soins d’urgence, d’une prévention antitétanique, puis d’une radiographie standard du crâne (Figure 1) avant d’être référé dans notre hôpital. A son admission aux urgences, l’examen clinique retrouvait un patient conscient GCS=15/15, avec des pupilles isocores et réactives, apyrétique, et de bonnes constantes hémodynamiques. Il était un peu apathique, avec une parole ralentie ; il rapportait une sensation de faiblesse généralisée. L’examen neurologique était normal. Le reste de l’examen notait au niveau crânien et sur le vertex, la tête du clou enfoncé en intracrânien qui affleurait la peau devenue noirâtre et nécrotique avec du pus sourdre au pourtour de la tête du clou (Figure 2). On notait également une plaie linéaire, horizontale, propre, déjà suturée, d’environ 4 cm de longueur, située dans la région cervicale antérieure juste au-dessus du cartilage thyroïde. En urgence un scanner cérébral sans injection de produit de contraste était réalisé permettant d’apprécier de façon plus exacte les lésions cérébrales éventuelles ainsi que la localisation, et la profondeur du clou déjà visualisé sur la radiographie standard. Le scanner cérébral montrait un clou enfoncé de façon perpendiculaire au crâne jusqu’à proximité du corps calleux. Le clou était incurvé vers la gauche et se situait sur la ligne médiane nous donnant l’impression d’avoir traversé le sinus sagittal supérieur à la partie antérieure de son 1/3 moyen. On ne notait pas de lésion cérébrale sur les coupes parenchymateuses (Figure 3). La fenêtre osseuse ne montrait pas de fragments osseux en intracrânien. Le patient était admis aussitôt au bloc opératoire pour l’extraction du clou. Dans la crainte que le clou ait traversé le sinus sagittal supérieur (Figure 4), et n’ayant pas fait d’angioscanner, nous avions décidé de réaliser un volet dans la perspective d’ouvrir la dure-mère pour le contrôle d’un saignement et la réparation d’une blessure éventuelle du sinus sagittal supérieur. Le volet était rectangulaire de part et d’autre de la ligne médiane et centré par le clou. Pour ne pas mobiliser le clou, nous réalisions un trou de trépan latéral droit à environ 2 cm de la ligne médiane en regard du clou, puis à l’aide d’une pince Kerrison, nous avions délicatement rongé l’os jusqu’à isoler le clou du volet. Après avoir réalisé l’hémostase, l’exploration nous suggérait que le clou n’aurait pas traversé le sinus sagittal supérieur qui se trouvait plus déjeter à droite par rapport à la ligne médiane. Nous avions alors procédé, sans ouverture de la dure-mère, au retrait du clou par séquences faites de petits mouvements dans la direction opposée, sans exercer de mouvement de rotation, afin d’éviter au maximum la survenue de lésions cérébrales et vasculaires notamment du sinus sagittal supérieur. A sa sortie du parenchyme le clou, d’une longueur de 7,5 cm, était incurvé, non rouillé (Figure 5). Nous notions un saignement en jet vite maitrisé par la mise en place de spongel et du surgicel puis par tamponnement et irrigation abondante au sérum salé physiologique. Devant ce saignement nous avions craint une blessure du sinus sagittal supérieur avec risque d’hémorragie intracérébrale. Néanmoins nous décidions d’attendre en surveillant les paramètres vitaux. Après plus de 5 minutes d’attente, les constantes vitales étant restées stables, nous avions procédé à la fermeture sans ouvrir la dure-mère. Le réveil du patient s’était fait dans l’heure post-opératoire sans aucun incident. Un scanner cérébral de contrôle était réalisé à environ H12 post-opératoire, il ne montrait aucune lésion intracrânienne (Figure 6). Le patient avait reçu une antibiothérapie pré et peropératoire à base de Ceftriaxone 2g/jour, qui est ensuite poursuivie pendant 10 jours. L’évolution clinique était favorable sans aucune complication, avec un recul de plus de 8 mois. DISCUSSION Les traumatismes crâniens pénétrants sont relativement rares. Ils représentent 0,4% de tous les traumatismes crâniens (5). Ces lésions, d’origines et de circonstances diverses, surviennent cependant dans la plupart des cas à la suite de projectiles, par coups de feu, ou d’autres objets métalliques ou en bois, lors d’accidents de travail ou de la circulation, de tentatives de suicide ou d’automutilation. Cependant les traumatismes crâniens pénétrants par clou sont très rarement rapportés dans la littérature et surviennent fréquemment de façon accidentelle au lieu de travail ou lors de tentatives de suicide (6,7). Les premiers cas de clous intracrâniens rapportés dans la littérature provenaient du Nigéria où on enfonçait de longs clous dans la tête des criminels en guise de punition (9). Une étude malienne de 2019 a répertorié, de 2006 à nos jours, 23 cas de traumatismes crâniens pénétrants par des clous dont 05 étaient secondaires à une agression physique (3). Dans notre observation, les circonstances du traumatisme crânien sont restées non élucidées. Le patient a été retrouvé avec le clou enfoncé dans le crâne, et une plaie cervicale horizontale nette qui nous a fait évoquer une tentative d’égorgement. Nous avons noté juste que le patient résidait dans une région frontalière avec le Nigeria, où les rumeurs décrivaient des scènes de punition identiques à celles rapportées du Nigeria. A notre connaissance notre patient est le premier et le seul actuellement dans ces circonstances à avoir été pris en charge au Niger. Sur le plan physiopathologique, les clous se déplacent généralement avec une vélocité inférieure à 100 m/s, et entrainent fréquemment une perturbation directe et une lacération des tissus. Ces types de forces provoquent principalement des blessures primaires localisées et conduisent souvent à un meilleur pronostic (5). Ceci se traduit sur le plan clinique par des troubles neurologiques minimes, avec conservation souvent de la conscience. La mortalité est faible ; elle serait associée à des lésions d’autres organes, ou à la pénétration d’un objet plus large ou de plus grande vélocité, ou enfin à la survenue de complications (5,6). Ces complications peuvent être classées en 3 grandes catégories : les infections, les complications vasculaires et l’épilepsie post-traumatique. L’infection peut aggraver l’état clinique du patient et engendre un taux de morbidité et de mortalité élevé. Elle est due à la présence de fragments métalliques ou osseux intracrâniens, de fuite de liquide céphalospinal, de pneumocéphalie ou de lésions transventriculaires. Le germe le plus fréquemment retrouvé est le Staphylococcus aureus. On peut citer parmi ces infections : l’infection cutanée, l’ostéomyélite, la méningite, l’empyème cérébral, l’abcès cérébral, ou la ventriculite. Elles peuvent être prévenues par une antibioprophylaxie (4,5). L’épilepsie post-traumatique est le fait des lésions corticales dans la majorité des plaies pénétrantes. Elle survient dans 30 à 50% des traumatismes crâniens (4). L’instauration d’un traitement anticonvulsivant prophylactique a permis de réduire cette incidence (5). Quant aux complications vasculaires elles représentent un large éventail. Les complications immédiates (hémorragies sous arachnoïdiennes, hémorragies ventriculaires, infarcissements veineux) sont à l’origine d’ischémie ou d’hydrocéphalie aigue compliquant le pronostic vital (4-6,8). Les pseudoanévrismes post-traumatiques peuvent apparaître immédiatement ou plusieurs années après le traumatisme, avec une moyenne de survenue de 2-3 semaines post-traumatiques (4,8). Leur évolution défavorable dans 41% des cas incite à les rechercher par la réalisation d’une artériographie cérébrale (4). La prise en charge des patients nécessite une imagerie en urgence. La TDM cérébrale est l’examen idéal pour déterminer la localisation et le nombre de clous mais aussi les lésions cérébrales. Couplée à l’angioscanner voire à l’angiographie cérébrale, elle permet d’évaluer avec plus de précisions les lésions vasculaires ou le risque vasculaire en fonction de la localisation plus exacte du clou par rapport aux structures vasculaires, et ainsi de mieux affiner la stratégie chirurgicale (5-7). Certains auteurs pensent que l’angioscanner, du fait des artéfacts fréquemment créés par le clou, n’est pas suffisant pour le diagnostic d’une plaie vasculaire ; en revanche il est hautement recommandé si la blessure vasculaire est patente d’autant plus qu’elle est associée à des signes cliniques (4). L’IRM a un rôle controversé car elle ne donne pas de meilleures images sur l’os et qu’elle pourrait être dangereuse en cas d’objets ferromagnétiques (5). L’imagerie permet aussi de suivre l’évolution post-opératoire des traumatismes crâniens pénétrants. La TDM reste l’examen de choix pour évaluer un saignement post-opératoire éventuel, ou le retrait complet du corps étranger. Certains auteurs recommandent de réaliser une angiographie cérébrale 1 à 2 semaines après le traumatisme à la recherche de pseudoanévrismes (4). D’autres suggèrent l’utilisation de la radiographie standard peropératoire en cas de points de pénétration multiples des corps étrangers pour s’assurer de leur extraction complète (6). En ce qui concerne notre patient seule une TDM cérébrale a été réalisée pour le diagnostic comme pour le suivi post-opératoire. Le traitement des traumatismes crâniens pénétrants comporte un volet médical et un volet chirurgical. Sur le plan médical, le traitement comporte ainsi une prophylaxie antitétanique indispensable, même si l’incidence du tétanos est en diminution (5). Il comporte aussi une antibioprophylaxie, qui reste cependant controversée dans les traumatismes crâniens pénétrants par clou car il n’existe pas de recommandations précises dans la littérature. Pour certains auteurs l’antibioprophylaxie n’est pas du tout recommandée (2), alors que d’autres estiment qu’elle est nécessaire, car le clou n’étant pas stérile, les germes peuvent migrer le long de la cavité temporaire créée par le clou (1). La réduction de l’incidence de l’épilepsie post-traumatique passe par la mise en place d’antiépileptiques (5). Le traitement chirurgical des traumatismes crâniens pénétrants reste le gold standard. Il présente plusieurs objectifs : extraire le corps étranger, évacuer les tissus nécrotiques et les débris contaminants, évacuer un hématome dû à la lésion, assurer l’hémostase, réparer la dure-mère pour prévenir la fuite de LCS (liquide céphalospinal) et finalement prévenir les complications (5,7). Il n’existe pas de recommandations claires standardisées pour la prise en charge, de telle sorte que la stratégie chirurgicale est déterminée de façon individuelle (5). Ce traitement se décline soit en une craniotomie lorsqu’il y’a un risque de blessure vasculaire notamment d’un sinus veineux, ou pour convertir l’intervention dans le but de gérer un éventuel hématome ; soit en un retrait directe simple sans craniotomie lorsque le risque vasculaire est absent ou que l’objet n’a pas entièrement traversé l’os (4,6,7). Selon la plupart des auteurs ce traitement ne doit jamais se concevoir en dehors du bloc opératoire au risque d’entrainer de lésions secondaires vasculaires incontrôlables et potentiellement fatales (5). Quelle que soit la modalité d’extraction, le corps étranger doit être retiré avec précaution, directement dans le sens inverse à sa direction, sans réaliser de mouvements de pivotement pour prévenir des lésions secondaires (5). Dans notre observation le patient a reçu une prophylaxie antitétanique systématique et une antibioprophylaxie. La prévention antiépileptique n’a pas été instaurée devant l’absence de lésions cérébrales au scanner. Sur le plan chirurgical nous avions opté pour une craniotomie en raison de la localisation du clou et de l’absence de l’angioscanner ou de l’angiographie cérébrale, qui auraient pu nous préciser les rapports exacts du clou avec le sinus sagittal supérieur. Puis après exploration et la visualisation du clou qui nous semblait en dehors du sinus sagittal supérieur, qui se trouvait plus déjeter à droite, nous avions procédé au retrait du clou sans ouverture de la dure-mère, sous la surveillance des paramètres vitaux du patient pendant plusieurs minutes. L’utilisation de l’angiographie cérébrale peropératoire est une avancée importante permettant de contrôler les lésions vasculaires ou de se rassurer quant aux lésions vasculaires possibles (8). L’utilisation récente de l’IOCT (Intraoperative computed tomography) a aussi amélioré le pronostic des traumatismes crâniens pénétrants en permettant d’identifier très précocement les complications notamment hémorragiques mais aussi en permettant une exposition ainsi qu’une manipulation à minima du parenchyme. Ceci permet une réduction de la durée d’hospitalisation, un meilleur devenir et moins d’examens complémentaires postopératoires (2). Nous pensons qu’à défaut de tous ces examens, une surveillance stricte au niveau du bloc opératoire puis une TDM cérébrale post-opératoire précoce pourraient permettre de déceler les complications hémorragiques éventuelles. Notre patient en avait bénéficié, montrant l’absence de lésions intracrâniennes. Notre stratégie était certes risquée du fait de nos difficultés matérielles, mais elle peut constituer une alternative dans les pays disposant des moyens similaires. Le séjour hospitalier était court avec des suites simples, et le suivi ultérieur, essentiellement clinique, sur plus de 8 mois, n’a pas retrouvé de complications. CONCLUSION Les traumatismes crâniens pénétrants par clou sont très rares. Ils sont souvent associés à des troubles neurologiques minimes. Cependant Leur prise en charge peut être complexe, et doit intégrer une stratégie adaptée, rapide et individualisée en tenant compte des conditions locales dans le but de prévenir les complications principales, vasculaires et infectieuses, sources d’aggravation neurologique. CONTRIBUTION DES AUTEURS Mahamadou Aminou SANDA a rédigé le manuscrit Les auteurs ont participé à la prise en charge du patient Tous les auteurs ont lu et approuvé la mention de leur nom dans le manuscrit Figure 1 : Radiographie standard de face montrant le clou sur la ligne médiane Figure 2 : image préopératoire : clou implanté sur le vertex Figure 3 : TDM cérébrale montrant la localisation du clou sans lésions cérébrales mais avec des artéfacts. A : coupe sagittale, B : coupe axiale, C : coupe coronale Figure 4 : image peropératoire : clou sur la suture sagittale Figure 5 : clou extrait Figure 6: TDM cérébrale de contrôle en coupe sagittale REFERENCES
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