CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
TRAUMATISMES CERVICAUX LIES AU PORT D’ECHARPES, VOILES, OU TURBANS SUR ENGINS A 2 ROUES.
CERVICAL INJURIES RELATED TO STRANGULATION BY SCARFS, SAARI OR TURBANS, TOOK IN MOTORCYCLE WHEELS.
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RESUME : Introduction L’enroulement de tissus (foulards, turbans, voiles ou écharpes) portés sur le cou ou la tête, dans la roue d’engins à deux roues, est un mécanisme rare de traumatismes impliquant le rachis cervical au Mali. En plus de la strangulation, des lésions vertébro-médullaires graves, et crâniennes peuvent mettre en jeu le pronostic vital et fonctionnel. Matériel et méthodes Nous rapportons ici une série de 6 patients victimes de lésions cervicales, dont la cause était l’enroulement de foulards, turbans, voiles ou écharpes dans la roue d’engins à deux roues sur la période de Janvier 2016 à Janvier 2019. Les autres causes de traumatismes cervicaux (chutes simples, autres types d’accidents de la voie publique) n’ont pas été retenues. Résultats Les patients avaient un âge compris entre 18 et 75 ans et tous portaient des turbans, écharpes ou voiles, qui ont été entrainés dans les roues de l’engin à deux roues. Les signes neurologiques allaient de simples paresthésies jusqu’à la tétraparésie, et nous avons noté un traumatisme crânien associé dans la moitié des cas (non port de casque). Les lésions vertébro-médullaires cervicales ont été explorées en scanner et IRM. Deux patients ont été opérés avec des suites favorables. Quatre patients ont gardé des séquelles neurologiques. Conclusion Les traumatismes cervicaux par enroulement de tissus dans les roues des engins à 2 roues sont graves et peuvent être mortels. En plus du port du casque, la prévention routière doit mettre l’accent sur le danger de porter des tissus amples, ainsi que des écharpes, voiles de femmes et turbans divers sur les engins à 2 roues. Mots clés : Traumatisme cervical, Neurochirurgie, écharpe, turban. ABSTRACT Introduction The entrapment of cloths (scarves, turbans, veils or wraps) worn on the neck or head, in the wheel of two-wheeled vehicles, is a rare mechanism of trauma involving the cervical spine in Mali. In addition to strangulation, severe spinal and cranial injuries can be life-threatening and functionally challenging. Methods We report here a series of 6 patients with cervical injuries, whose cause was of scarves, turbans, veils or scarves in the wheel of two-wheeled machines over the period from January 2016 to January 2019. Other causes of cervical injuries (simple falls, other types of traffic accidents) were not included. Results Patients ranged in age from 18 to 75 years and all wore turbans, scarves or veils, which were dragged into the wheels of the two-wheeled machine. The neurological signs ranged from simple paresthesias to tetraparesis, and we noted an associated head trauma in half of the cases (not wearing a helmet). Cervical vertebral-medullary lesions were explored by CT and MRI. Two patients underwent surgery with favorable outcomes. Four patients had neurological sequelae. Conclusion Cervical trauma due to tissue entrapment in the wheels of two-wheeled vehicles are serious and can be fatal. In addition to helmet use, road safety should emphasize the hazard of wearing loose cloths, as well as scarves, women’s veils and various turbans on 2-wheeled vehicles. Key words: Cervical trauma, Neurosurgery, Scarf, Turban. INTRODUCTION Les traumatismes du rachis cervical, en rapport avec l’enroulement de tissus (foulards, turbans, voiles ou écharpes) portés sur le cou ou la tête et entraînés dans la roue d’engins à deux roues (dont le porteur est conducteur ou passager) sont rares. Ils entrainent des lésions vertébro-médullaires cervicales et / ou encéphaliques graves avec strangulation, mettant en jeu le pronostic fonctionnel et vital. Aucune étude n’ayant été à ce jour faite sur cette cause traumatique au Mali, nous avons pour objectif de décrire les présentations cliniques et thérapeutiques de ces traumatismes particuliers, afin de sensibiliser les professionnels de santé et les usagers. MATERIEL ET METHODES Nous rapportons ici les aspects cliniques et thérapeutiques d’une série rétro-prospective descriptive de 6 patients ayant été victimes de traumatismes cervicaux par voiles, foulards ou turbans enroulés dans la roue d’engins à deux roues sur la période de Janvier 2016 à Janvier 2019. Notre étude a porté uniquement sur les victimes de ce mécanisme et les autres causes de traumatismes cervicaux ou crâniens comme les chutes ou autres types d’accidents de la voie publique responsables, n’ont pas été retenus. Nous avons analysé les caractéristiques épidémiologiques, les différentes lésions observées, leur mécanisme, les modalités de prise en charge de chacune d’elles et les résultats. Les données ont été analysées avec SPSS v. 21. RESULTATS Notre série se composait de 5 hommes et d’une femme. Les patients avaient un âge compris entre 18 et 75 ans avec une moyenne de 43 ans. Tous les patients portaient des turbans, écharpes ou voiles, qui ont été entrainés dans les roues de l’engin à deux roues et provoqué au moins un traumatisme cervical. Les signes neurologiques allaient de simples paresthésies jusqu’à la tétraparésie, et nous avons noté un traumatisme crânien associé dans la moitié des cas (non port de casque). Les aspects cliniques, radiologiques, thérapeutiques et évolutifs sont résumés dans le tableau I. Il est à noter qu’aucun des patients de la série ne portait de casque au moment de l’accident et qu’ils ont reçu une corticothérapie lors de leur prise en charge primaire. DISCUSSION Les motocyclettes et autres engins à deux roues sont des moyens de déplacement économiques et rapides, très répandus dans les pays en voie de développement. Les AVP liés à ces engins au Mali sont en constante progression et sont souvent mortels (1). La particularité de notre étude est que le port d’habits amples, voiles, écharpes, turbans est un mécanisme inhabituel de traumatismes cervical et crânien. Les tissus ainsi portés peuvent devenir un danger pour l’usager, lorsqu’ils s’enroulent dans des systèmes rotatifs (roues d’engins roulants à deux, quatre roues ou même de machines agricoles), provoquant souvent le décès de la victime à la fois par traumatisme cervical, mais aussi par strangulation, traumatisme crânien ou autre. Ces accidents font l’objet de publications dans la rubrique faits-divers nécrologiques de journaux ou sur internet dont le plus célèbre est la danseuse américaine Isadora Duncan, en 1927, étranglée par son écharpe à bord d’une voiture (8). D’autres exemples ont été rapportés : une jeune fille de 14 ans est tombée dans le coma dans un club de karting à Machelen (7) ; un motard est mort étranglé par son écharpe qui s’était prise dans les rayons de sa roue arrière, à Cavalaire, dans le Var (4). Selon France soir, en 2010, une fillette de 8 ans a été étranglée par son écharpe sur un manège du Jardin d’acclimatation, à Paris (13). Des cas ont été aussi rapportés au Mali à Gouadji Sougouna (Koutiala), où un livreur de pain a été victime de son turban enroulé dans la roue de sa moto, le tuant sur le coup (16). Ces faits divers dénotent du caractère mortel de ce mécanisme traumatique et peu d’études ont été réalisées sur le sujet. Cependant nous avons retrouvé des aspects similaires en inde, où Vineet a décrit 12 cas de strangulation impliquant le “Dupatta” (écharpe traditionnelle portée en inde par les femmes) avec des lésions vertébro-médullaires cervicales graves, provoqués par des machines agricoles ou des engins à 2 roues (17). Les professions les plus exposées ont été les professions libérales et les victimes habitaient souvent en milieu rural, où l’emploi de motocyclettes constitue un moyen de locomotion rapide et économique, et le port de turbans ou voiles, une protection contre les intempéries. En milieu essentiellement rural, Singh a décrit 76 victimes de blessures par écharpes enroulées dans des roues d’engins (46,1%) ou de machines (28,9 %), avec 18.4% de traumatismes du rachis (14). L’âge moyen de nos patients a été de 43 ans, soit 10 années de moins que Singh (14) avec (32,4 ans). Cette moyenne d’âge correspond à une période de vie active. Il s’agit donc de traumatismes graves qui sont la conséquence d’un mécanisme violent et non spécifique : les lésions sont d’abord la conséquence d’une traction extrêmement brutale sur le rachis cervical, mais aussi de la strangulation qui en résulte et parfois un traumatisme crânien est associé. Les lésions rachidiennes diffèrent des lésions cervicales habituelles rencontrées chez les motocyclistes plutôt en rapport avec l’impact sur la tête (15,4 %) (10). Les signes cliniques observés dans notre étude ont été divers : simple contusion médullaire, tétraparésie, jusqu’au coma avec état de mort apparente (traumatisme crânien dans la moitié des cas). Gupta a décrit un polytraumatisme lié à l’enroulement du « saari » d’une femme dans la roue d’une motocyclette, occasionnant une amputation et un traumatisme médullaire cervical (6). Dans l’étude de Vineet (17), 12 cas de lésions du rachis cervical en rapport avec l’enroulement de voiles dans des machines ont été décrits. Neuf patientes ont présenté un coma à l’admission et 11 ont présenté une quadriplégie avec troubles sphinctériens ; 3 sont décédées et aucune récupération neurologique n’a été décrite. Les lésions mises en évidence dans notre étude ont concerné différentes parties du rachis cervical et ont été de différents types. Elles étaient souvent associées en raison du mécanisme à haute énergie, violent et non spécifique. Elles sont donc aussi différentes des étranglements habituels ou des pendaisons « classiques » de faible énergie qui provoquent plutôt des lésions en distraction avec rupture disco-ligamentaires (9), et parfois associés à un polytraumatisme (traumatisme crânien). Bien que non spécifiques, elles peuvent être comparées aux lésions des fractures de type Hangman survenant à haute vélocité. Ainsi, les atteintes neurologiques majeures dans ce type de mécanisme sont mortelles (5) et sont rarement observées en hospitalier. Le pronostic dépend de la prise en charge primaire, car les lésions neurologiques surviennent dans 14 à 30% des cas et vu la gravité de certaines lésions, la majorité des patients décèdent avant d’être pris en charge à l’hôpital (2,12), d’où la rareté relative de cette cause parmi les mécanismes habituels de traumatismes cervicaux. Le pronostic dépend du type des lésions ostéo-médullaires qui sont polymorphes, souvent graves et peuvent aller de la simple entorse jusqu’à la fracture luxation avec des signes neurologiques associés, voire même le décès de la victime. Elles sont généralement secondaires aux forces de traction et de compression par les débris osseux ou disco-ligamentaires, mais aussi à des mécanismes vasculaires ischémiques liés à une perte de l’autorégulation lors du choc spinal (15). Dans ce mécanisme par enroulement de tissus dans les roues d’engins, il a aussi été rapporté des lésions médullaires extensives au tronc cérébral à l’IRM, sans lésions rachidiennes cervicales, expliquées par des phénomènes vasculaires ischémiques (6), dus à la traction, à l’atteinte vasculaire de la spinale antérieure ou au « subacute progressive ascending myelopathy » (SPAM) (11). Ce syndrome pouvant être lié à l’installation d’un syrinx où une instabilité, peut expliquer les manifestations décalées dans le temps (3,6). Le traitement va dépendre donc du type lésionnel, de l’état neurologique, de la stabilité ou non de la lésion, des résultats de l’IRM, du résultat de la discussion pluridisciplinaire, du pronostic et du résultat escompté. L’indication opératoire doit être adaptée au patient. Ainsi, pour nos patients opérés (patient 2 et 3), nous avons retenu une indication et la possibilité d’amélioration sur le plan fonctionnel, même en étant à distance du traumatisme. Les fractures de l’arc postérieur (patient 2 et 3) ont aussi pour conséquence d’ouvrir le canal et peuvent contribuer à épargner le contenu médullaire, améliorant ainsi le pronostic. Ces lésions nécessitaient dans tous les cas une stabilisation. Les patients de notre série ont tous eu une évolution favorable, mais il semblerait que les décès sur le lieu de l’accident, non vus en hospitalier, soient fréquents (5). CONCLUSION Les traumatismes cervicaux par enroulement de tissus dans les roues des engins à 2 roues sont graves, associés à d’autres traumatismes et souvent mortels en pré hospitalier. Le traitement est médico-chirurgical. En plus du port du casque, la prévention routière doit mettre l’accent sur le danger de porter des tissus amples, ainsi que des écharpes, voiles de femmes et turbans divers sur les engins à 2 roues.
Tableau 1 : Données épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives des patients.
REFERENCES :
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