AJNS
ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES ET EVOLUTIFS DES ACCIDENTS VASCULAIRES AU CENTRE HOSPITALIER DE LIBREVILLE (GABON)

RESUME

Introduction

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent le premier motif d’admission dans les services de Neurologie. Actuellement, ils sont l’une des causes les plus importantes de handicap de l’adulte.

Objectifs

Le but de ce travail était de décrire les aspects épidémiologiques et évolutifs des AVC dans le Service de Neurologie du Centre hospitalier de Libreville.

Méthodes

Une étude prospective descriptive de Janvier à Décembre 2005 avait été menée parmi les patients admis dans le Service de Neurologie. Les patients présentaient un déficit neurologique d’installation brutale sans autre cause apparente qu’une origine vasculaire et ayant persisté au moins 24 heures

Résultats

Parmi les 105 patients admis pendant la période de l’étude, l’âge moyen était de 57,6 ±11,7 ans avec des extrêmes de 35 et 84 ans. Les femmes représentaient 56,2%, soit un sex-ratio de 0,7. La tranche d’âge de moins de 55 ans constituait 39% de l’échantillon. Les principaux facteurs de risque étaient l’hypertension artérielle, l’alcoolisme et le tabagisme dans respectivement 81,9%, 44,7% et 16,2%. Les AVC ischémiques avaient été retrouvés chez 80% des patients âgés de moins de 65 ans tandis que les AVC hémorragiques concernaient 63% des patients de 55 à 74 ans. La mortalité en cours d’hospitalisation était de 9,5% et 46,3% des patients sortis de l’hôpital présentaient des séquelles qui ont persisté après 6 mois de suivi.

Conclusion

Un accent particulier doit être mis sur la lutte contre les facteurs de risque vasculaire et notamment l’hypertension artérielle et l’alcoolisme afin de réduire la prévalence des AVC qui constituent un fardeau social et économique pour ces sujets jeunes.

Mots-clés: Accidents vasculaires cérébraux, Afrique, alcoolisme , Gabon, hypertension artérielle, tomodensitométrie cérébrale.


ABSTRACT

Background and purpose

Stroke is emerging as a leading cause of preventable death and disability in adults in many developing nations. We carried out this prospective study to assess epidemiological features, risk factors, and outcome of stroke at the Libreville Hospital Centre.

Methods

We prospectively studied consecutive patients presenting to the Neurology Unit of the Libreville Hospital Centre, over a one year period (1rst January to 31rst December 2005). The socio-demographic, clinical data and the risk factors as well as the CT scan findings were collected.

Results

Stroke was the leading cause of admissions in this Unit during the study period. A total of 105 patients with mean age of 57.6±11.7years ranging from 35 to 84 years and the sex-ratio was 0.7. Ischemic stroke was the most common cause of stroke accounting for 61.9% of all patients and was found in 80% of patients aged < 65 years whereas hemorrhagic stroke was seen in those from 55 to 74 years. Hypertension was the most frequent risk factor identified followed by alcohol consumption, 81.9%, 44.7% respectively. Alcohol consumption was associated with smoking in 9.5% of patients. The overall mortality was 9.5%. Autonomy was compromised in 46.3% of survivors after 6 months of follow up. Conclusion

Treatment of hypertension and educating health-care professionals and the public on strategies of primary and secondary prevention remains the one of most important tool to prevent stroke in Gabon. Intensive care and inpatient facilities at referral hospitals have to be improved to curb the high mortality.

Key-words: Africa, alcoholism, computed tomography, hypertension, stroke .

INTRODUCTION

L’Afrique subsaharienne est dans une zone de transition en termes de pathologie. Ainsi, si la pathologie infectieuse y a été longtemps dominante, depuis quelques décennies, le diabète et l’hypertension artérielle commencent à s’imposer comme des pathologies émergentes. En outre, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) qui sont une des causes les plus fréquentes d’hospitalisation dans les services de Neurologie, contribuent à l’importante mortalité (9, 13, 19, 20, 21, 22, 23, 24) tant en ville qu’en zone rurale. Les AVC constituent l’une des premières causes de handicaps moteurs chez l’adulte (8, 17), réduisant la productivité des survivants. L’hypertension artérielle (HTA) demeure la cause la plus fréquente des AVC. Les séquelles des AVC rendent souvent la réinsertion sociale et professionnelle difficile puisque les infrastructures familiales et environnementales n’y sont pas toujours adaptées.

Au Gabon, la mise à disposition de l’imagerie médicale depuis quelques années a permis une meilleure exploration des AVC. Toutefois, le coût d’un examen scanographique reste encore prohibitif pour une bonne partie de la population malgré l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel garanti depuis 2006. Une étude antérieure avait mis en évidence la prévalence de l’HTA dans les causes des AVC au Gabon (1).

L’objectif de cette étude était de décrire les aspects épidémiologiques et évolutifs des AVC dans le Service de Neurologie du Centre hospitalier de Libreville.

METHODOLOGIE

L’étude s’est déroulée dans le Service de Neurologie du Centre hospitalier de Libreville qui possède 23 lits, une unité d’explorations fonctionnelles avec électroencéphalographie, électromyographie et potentiels évoqués. Le scanner cérébral est disponible à Libreville depuis 1999.

Il s’agit d’une étude prospective descriptive de Janvier à Décembre 2005 parmi les patients admis dans le Service de Neurologie. Les patients qui présentaient un déficit neurologique d’origine vasculaire présumée, ayant persisté au moins 24 heures, sans autre cause apparente qu’une origine vasculaire, avaient été recrutés pour cette étude. Les paramètres sociodémographiques, les facteurs de risque vasculaire, la topographie du déficit neurologique, l’existence ou non de troubles du langage, les habitudes de vie (tabagisme, alcoolisme) ont été recherchés chez tous les patients. Tous les patients retenus pour l’hospitalisation ont bénéficié d’un scanner cérébral sans injection de produit de contraste, d’une numération formule sanguine, de la glycémie et du dosage du cholestérol plasmatique. Pour des raisons économiques, l’électrocardiogramme (ECG), l’Echo-Döppler des troncs supra-aortiques, l’échographie cardiaque transthoracique et l’échographie transoesophagienne, la sérologie syphilitique et la sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) n’ont pas été pratiqués chez tous les patients. L’évolution a été évaluée à la sortie de tous les patients puis tous les mois pendant 6 mois à partir de la sortie des patients.

Avait été exclu de cette étude, tout patient présentant un déficit neurologique focalisé et dont le scanner cérébral n’était pas obtenu ou dont les images tomodensitométriques n’étaient pas compatibles avec celles d’un AVC.
Les données recueillies ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel EpiInfo version 6.04d.fr.

RESULTATS

Au cours de la période de l’étude, sur les 245 patients ont été hospitalisés dans le Service de Neurologie, 105 avaient été admis pour accident vasculaire cérébral soit 42,9% des admissions pendant la même période. Les patients étaient âgés de 35 à 85 ans avec un âge moyen de 57,6 ± 11,7 ans. Les femmes représentaient 56,2%, soit un sex-ratio de 0,7. L’accident vasculaire cérébral est survenu dans 39% des cas chez des sujets âgés de moins de 55 ans (Figure 1) et la tranche d’âge de 65 à 74 ans compte 28,5% de l’effectif. Les patients sans emploi représentaient 45,7% de l’échantillon de l’étude. La répartition des patients selon l’occupation professionnelle est représentée dans le tableau 1. Les différents facteurs de risque vasculaire retrouvés sont répertoriés dans le tableau 2. L’HTA, le tabagisme et l’obésité étaient plus fréquents chez les femmes. L’HTA était associée à l’alcoolisme et au diabète dans respectivement 18,1% et 7,6% des cas alors que l’alcoolo-tabagisme était présent chez 9,5% des patients.

A l’admission, l’hémiplégie, les troubles du langage et les troubles de la conscience constituaient les signes les plus fréquents avec respectivement 96,1%, 32,3% et, 27,6%. L’hémiplégie était droite dans 56,2%. L’aphasie de Broca était retrouvée dans 22 cas, l’aphasie de Wernicke chez 7 patients. L’aphasie était totale chez 5 patients.
Les AVC ischémiques représentaient 61,9% de l’ensemble de l’effectif. Les AVC hémorragiques constituaient 38,1%. 70,7% (46/65) des AVC ischémiques étaient survenus chez des patients > 55 ans alors que 40% (18/40) des AVC hémorragiques ont concerné la tranche d’âge > 55 ans.
L’hémogramme était normal chez 83,8% des patients et révélait 7 cas de thrombopénie. Parmi l’ensemble des 105 AVC, 15,5% des 45 patients testés étaient positifs pour le VIH tandis que 7 patients sur 24 avaient une sérologie syphilitique positive dans le sang.

Sur les 79 ECG pratiqués, une hypertrophie ventriculaire gauche avait été retrouvée dans 31,6% des cas, des troubles du rythme cardiaque chez 36% des patients et les tracés étaient normaux dans 25,3% des cas. Parmi les AVC ischémiques, seulement 11 patients ont bénéficié d’un Echo-Doppler carotidien qui avait mis en évidence 2 cas de dysfonctionnement endothélial, un cas de sténose de la carotide interne à 60% et une thrombose artérielle franche par embolie.

La durée de séjour hospitalier variait de 1 à 40 jours avec une moyenne de 11,6 jours. En cours d’hospitalisation, 10 décès sont survenus avant le 10ème jour d’hospitalisation. 70% des décès étaient en rapport avec les AVC hémorragiques. Parmi les 95 survivants, 24,2% avaient récupéré totalement de leur déficit moteur après 3 mois dont 17 AVC ischémiques et 6 AVC hémorragiques, 44 patients (46,3%) avaient gardé des séquelles fonctionnelles importantes après 6 mois de suivi. Ces séquelles étaient à type d’hémaparésie (42 cas), d’hémiplégie (9 cas). Les AVC ischémiques étaient pourvoyeurs de 36,8% des séquelles chez les survivants. Les 3 aphasies qui ont complètement régressé étaient survenues sur des AVC ischémiques.

DISCUSSION

Les accidents vasculaires cérébraux tendent à devenir un véritable problème de santé publique, même dans les pays en développement en raison de leur fréquence et de leur importante mortalité. Les AVC sont un motif fréquent d’admission en hospitalisation en Neurologie (18, 19) et les données hospitalières ne sont probablement que la partie visible de l’iceberg, en comparaison avec le nombre qu’on pourrait retrouver dans la communauté.
Parfois, l’AVC se produit chez des sujets jeunes de moins de 20 ans (2, 16, 21). Dans notre série, tout type confondu, l’AVC est survenu chez des patients âgés de plus de 35 ans contrairement à d’autres études africaines (12, 24).

La prédominance des AVC est parfois masculine (3, 12, 23, 24) et elle pourrait s’expliquer par la fréquence de certains facteurs de risque chez les hommes (tabagisme, alcoolisme). Dans notre étude comme dans celle de Sene-Diouf (16), elle est plutôt féminine.

Dans nombre d’études africaines, l’HTA demeure le premier des facteurs de risque vasculaire (5, 9, 11, 15, 16, 22, 24) et prédispose le plus souvent à tous les types d’AVC. Cette HTA est souvent mal contrôlée, méconnue ou ancienne comme en témoigne la présence de l’hypertrophie ventriculaire gauche chez 31,6% des 89 patients dans notre série. Contrairement à bien des études africaines, l’alcoolisme, retrouvé chez 44,7% de nos patients, constitue dans notre série le deuxième facteur de risque. Même si pour certains auteurs, la consommation modérée d’alcool pourrait réduire le risque d’AVC ischémiques (4), le changement rapide du mode de vie et des habitudes alimentaires notamment dans les zones urbaines pourrait contribuer à modifier la hiérarchie des facteurs de risque dans les pays en développement (8). La réglementation de la consommation abusive d’alcool notamment chez les jeunes pourrait être d’un secours pour réduire la fréquence des AVC dans cette frange de la population.
La contribution du diabète en tant que facteur de risque d’AVC varie selon les séries. Ainsi, cette affection métabolique est associée aux AVC dans des proportions variables (3, 11, 12, 14, 23).

Le tabagisme devient de plus en plus important en zone urbaine et au sein de la population des jeunes, favorisé par les publicités des différentes marques de cigarettes. Ainsi, il représente le deuxième facteur de risque d’AVC en Gambie (5) alors qu’il n’est présent que chez 12,4% des AVC au Burkina Faso (23). Dans notre étude, le tabagisme s’impose comme le troisième facteur de risque avec 16,2% de fumeurs dans la population étudiée.

Selon les études et les pays, la prédominance du type d’AVC est très variable (3, 11, 13, 15, 16, 18, 22). La prévalence de l’infection par le VIH est estimée actuellement à 5,1% au Gabon (14) et dans notre étude, 15,5% des patients testés étaient infectés par le VIH. En Afrique du Sud, parmi la population de jeunes non toxicomanes, 16% des AVC du sujet jeune sont survenus chez des patients infectés par le VIH (7). Une différence significative était observée sur l’âge moyen, les facteurs de risque, la topographie de l’AVC et la sévérité du déficit neurologique entre Blancs et Noirs Sud-Africains (6).

Si la mortalité dans notre étude peut être considérée comme faible, comparée à d’autres données africaines (5, 13, 15, 16, 21, 23, 24), elle semble dépendre du type anatomique de l’AVC (10, 16, 18, 22). Une étude au Burkina Faso révélait un plus grand risque de décès chez la femme (23) alors qu’au Sénégal, aucune relation significative n’avait été établie entre le sexe et la mortalité (16). Au Ghana, la mortalité liée à l’AVC était significativement plus importante chez les hommes avant 70 ans (22). En Tanzanie, la mortalité était plus importante chez les hommes (10, 20).

La réinsertion sociale reste la hantise du neurologue lors de la sortie du patient, d’autant plus qu’il s’agit souvent d’AVC survenant chez des sujets jeunes, entravant la qualité de leur vie dans les suites de l’AVC. Heureusement, l’amélioration de l’autonomie est possible dans le temps (5, 17) surtout en ce qui concerne la motricité. Toutefois, la récupération complète du langage reste toujours un défi pour le neurologue et le rééducateur.

CONCLUSION

L’apport de la tomodensitométrie cérébrale a permis une meilleure connaissance des accidents vasculaires cérébraux. Cependant, la gravité des AVC réside dans leur forte mortalité et dans les séquelles réduisant l’autonomie fonctionnelle des survivants. D’où l’importance de la mise en œuvre des mesures de prévention basées sur la lutte contre l’hypertension artérielle et ses complications, l’alcoolisme et le tabagisme. Des études ultérieures devront préciser la place des facteurs de risque vasculaire et notamment celle de l’infection par le VIH dans les AVC du sujet jeune au Gabon.

Figure 1: Répartition des patients selon les tranches d'âge

Figure 1: Répartition des patients selon les tranches d’âge

Tableau 1: Répartition des patients selon la profession

Profession Hommes Femmes Total (%)
Retraités 5 5 10 (9,5)
Fonctionnaires 4 17 21 (20)
Particuliers 1 7 8 (7,6)
Sans emploi 10 38 48 (45,7)
Autres 26 0 18 (17,2)

Tableau 2: Répartition des patients selon les facteurs de risque

Facteurs de risque Hommes Femmes Total (%)
HTA 22 43 65 (61,9)
Alcool 28 19 47 (44,7)
Tabac 7 10 17 (16,2)
Obésité 4 10 14 (13,3)
Hypercholestérolémie 4 7 11 (10,4)
Diabète 4 6 10 (9,5)
Contraceptifs oraux 0 2 2 (1,9)
INTERÊT DE L’ELECTROENCEPHALOGRAMME(EEG) DANS LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE DE CREUTZFELDT- JAKOB (MCJ) EN AFRIQUE. DESCRIPTION DE TROIS CAS EN CÔTE D’IVOIRE

RESUME

Nous rapportons trois observations de malades africains ivoiriens âgés de plus de 65 ans ayant présenté une démence avec ou sans myoclonies. Le diagnostic de MCJ était probable chez deux patients. Le diagnostic de MCJ certaine a pu être fait chez un patient grâce à l’examen anatomopathologique de la biopsie cérébrale.

Nous décrivons les aspects électroencéphalographiques(EEG) qui ont permis d’évoquer le diagnostic. Nous insistons sur la place déterminante de l’EEG dans le diagnostic de la MCJ en Afrique où cet examen non traumatique, se présente actuellement comme le seul moyen diagnostique fiable malgré ses limites et les difficultés d’interprétation. Nous suggérons de répéter l’EEG en cas de suspicion de MCJ

Mots clés : Activités paroxystiques périodiques, Afrique, Côte d’Ivoire, EEG, Encéphalopathie spongiforme, Maladie de Creuztfeldt- Jakob


ABSTRACT

We report 3 cases of CJD in African Ivorian patients more than 65 years old. They had dementia with or without myoclonias. The diagnosis was certain in one patient based on brain biopsy. In the two others patients no brain biopsy was done and the diagnosis of CJD was probable.

We describe the patterns EEG that allowed evoking the diagnosis and we insist on the primordial contribution of the EEG in the diagnosis of CJD in Africa where EEG appears actually to be the only one mean of diagnosis in spite of its limits. We suggest repeating EEG in case of suspicion of CJD

Key words: Africa, Ivory Coast, Creutzfeldt -Jakob disease, EEG, Periodic complexes, Subacute spongiforme encephalopathy

INTRODUCTION

La maladie de Creutzleldt-Jakob (MCJ) est une encéphalopathie infectieuse subaiguë qui s’accompagne classiquement d’une altération particulièrement évocatrice de l’EEG caractérisée par la présence d’activités paroxystiques périodiques courtes généralisées associées à une dégradation progressive du rythme de fond.
La nécropsie ou la biopsie cérébrale permet de confirmer le diagnostic. Malgré l’avènement de la neuroimagerie et des examens biologiques sophistiqués (9)qui permettent une forte suspicion de la maladie, l’EEG reste irremplaçable (1)

En Côte d’Ivoire, des préjugés culturels défavorables aux autopsies rendent difficiles les nécropsies cérébrales et les conditions de réalisation des biopsies cérébrales ne sont pas toujours réunies. Les investigations sanguines et radiologiques standard étant peu contributives au diagnostic de la maladie, seul l’EEG permet dans ce contexte de suspecter une MCJ devant un tableau de démence myoclonique ou non.

L’objectif de ce travail, réalisé à partir de trois observations documentées d’enregistrements EEG, est de situer la place de cet examen dans le diagnostic de la MCJ dans notre contexte de travail où l’insuffisance d’appareils d’EEG apparaît comme une difficulté supplémentaire au diagnostic de la MCJ

OBSERVATIONS

Observation 1

Madame K.Y.M, ivoirienne, sans antécédents notables,âgée de 67 ans a été admise dans le service de neurologie le 01-06-1988 pour des troubles mnésiques ,des troubles de l’humeur et du comportement à type d’indifférence, de prostration et de fugues qui sont apparus progressivement depuis deux mois, en l’absence de tout contexte infectieux ou traumatique. L’état de la patiente s’est aggravé rapidement d’une seul tenant et l’apparition d’une dysarthrie a motivé l’hospitalisation.

L’examen montrait une patiente avec un bon état général, bradypsychique avec une désorientation temporo-spatiale. Ses réponses étaient inadaptées, brèves, gênées par une dysarthrie explosive. Il y avait une akinésie et une hypertonie extra pyramidale. Il n’y avait pas de mouvements anormaux. Les réflexes ostéo-tendineux étaient vifs et les réflexes archaïques étaient présents.

Les examens sanguins(glycémie, urée, créatininémie, transaminases, hémogramme, ionogramme, calcémie et magnésémie) et le liquide céphalorachidien étaient normaux.
6 EEG réalisés en 4 semaines ont montré une désorganisation et un ralentissement diffus du rythme de fond avec des pointes lentes bi ou triphasiques généralisées, périodiques courtes à un cycle par seconde. L’hyperpnée ( l’HPN) et la stimulation lumineuse intermittente (SLI) ne modifiaient pas l’allure générale des tracés (figure 1)

L’examen anatomopathologique réalisé après une biopsie cérébrale frontale a objectivé une raréfaction très significative des neurones au niveau de la substance grise avec une importante spongiose de toutes les couches du cortex associée à une réaction astrocytaire. Il y avait également une discrète spongiose de la substance blanche sous-jacente. Il n’y avait aucune réaction inflammatoire.
Sur demande de la famille, la patiente est sortie dans état clinique stationnaire au bout de quatre semaines d’hospitalisation. Elle est décédée dans un tableau de cachexie 2 mois après sa sortie.

Observation 2

Madame A.E, 73 ans, ivoirienne, hypertendue, a été admise dans le service de neurologie le 03 novembre 1998, pour des troubles du comportement. Un mois auparavant elle a présenté une baisse progressive de l’acuité visuelle accompagnée d’une inversion du cycle nycthéméral, d’une réduction du langage spontané et de troubles mnésiques. L’apparition de troubles de l’humeur à type d’indifférence et de crises de larmes, a motivé l’hospitalisation.
L’examen montrait une patiente en bon état général, un ralentissement idéomoteur, une désorientation temporo spatiale, un syndrome pyramidal des quatre membres, un réflexe nasopalpébral inépuisable et une ataxie cérébelleuse. Après deux semaines d’hospitalisation sont apparues des myoclonies au niveau des membres supérieurs et de la face avec des réflexes archaïques bilatéraux.
Le fond d’œil, les examens sanguins standard (glycémie, urée, créatininémie, transaminases hémogramme, ionogramme, calcémie et magnésémie) et l ‘examen rachidien cytochimique et cytobactériologique du liquide céphalo- rachidien étaient normaux.La tomodensitométrie (TDM )crânio- cérébrale a montré une discrète atrophie cortico sous corticale diffuse.

Un premier EEG réalisé environ deux mois après le début de la symptomatologie a objectivé une activité de base ralentie, constituée par un rythme thêta à quatre cycles/secondes, bilatéral et des décharges généralisées de pointes ondes lentes périodiques courtes à un cycle seconde. l’HPN et la SLI étaient sans effet (figure 2).Le deuxième EEG réalisé environ un mois après le premier et trois semaines avant le décès de la patiente a montré une dégradation accentuée de l’activité de fond constituée par un rythme très lent delta bilatéral et symétrique et des complexes paroxystiques lents biphasiques voir triphasiques à périodicité plus longue d’environ deux cycles/secondes (figure 3).
Le décès est survenu dans un tableau de coma après un mois d’hospitalisation.

Observation 3

Monsieur D.A.J. 65 ans, ivoirien a été hospitalisé dans le service de neurologie en août 1998 pour la prise en charge d’une triplégie. La maladie s’est installée progressivement sur environ 4 mois avec une aggravation régulière des troubles moteurs. Parallèlement sont apparues une obnubilation et une crise convulsive tonico-clonique généralisée d’emblée. Dans ses antécédents on notait une hypertrophie bénigne prostatique.

L’examen clinique a mis en évidence un patient amaigri, un ralentissement idéomoteur, un syndrome pyramidal de trois membres associant une hémiparésie gauche et une monoparésie crurale droite.Les réflexes ostéotendineux étaient vifs et les réflexes archaïques étaient présents.
Le bilan biologique sanguin (glycémie, urée, créatininémie, transaminases, hémogramme, ionogramme, calcémie et magnésémie) était normal. Le LCR était normal. La TDM crânio-cérébrale a mis en évidence une discrète atrophie corticale bifrontale.

Un EEG réalisé quatre mois après le début de la symptomatologie, a objectivé une asymétrie du rythme de fond qui avait disparu à droite et était discrètement ralenti à gauche. Cette activité de base anormale était surchargée par des décharges permanentes paroxystiques de pointes triphasiques périodiques courtes à environ une seconde, bihémiphériques généralisées mais prédominant à droite. L’HPN et la SLI étaient sans effet.(figure 4 ).
Après quinze jours d’hospitalisation, le décès est survenu dans un tableau de coma.

COMMENTAIRES

La première observation est un cas typique de MCJ certaine chez un sujet de race noire. Elle réunit les critères classiques d’une MCJ qui sont la démence myoclonique, les activités paroxystiques périodiques généralisées courtes à l’EEG (3.10)et la spongiose du tissu cérébral sans aucun stigmate inflammatoire.

Les deux dernières observations présentaient des atypies cliniques. Dans un cas il s’agissait d’une forme à début visuel et dans l’autre cas la symptomatologie motrice sous forme d’un syndrome pyramidal était au premier plan. Dans ces 2 cas, en l’absence d’examens anatomopathologiques, c’est l’EEG qui a fait évoquer le diagnostic de MCJ probable

Dans nos deux premières observations l’EEG avait un aspect typiquement évocateur de MCJ puisqu’il montrait des activités paroxystiques périodiques bilatérales courtes et une dégradation progressive du rythme de fond. Les épreuves d’activation ne modifiaient pas le tracé (3.7 )
La variabilité de la morphologie des anomalies en fonction du stade clinique de la maladie est un élément important dans l’appréciation du diagnostic car le tracé EEG est un stade électrique qui ne sera jamais semblable à lui-même, au cours de la progression de la maladie, et lors des variations de vigilance du patient.(2) Ainsi l’aspect triphasique typique de la période d’état peut être remplacé à la phase initiale par des bouffées lentes delta diffuses avec parfois une prédominance régionale, et à la phase terminale par une dégradation considérable du rythme de fond pouvant aboutir à un silence électrique(1) Il est donc important de répéter les EEG en cas de suspicion du diagnostic et d’étudier la réactivité du tracé à des stimuli externes (2).En Afrique l’aspect évolutif des tracés est souvent mal apprécié car les EEG sont souvent uniques difficiles à répéter, pour des raisons financières et du fait de l’insuffisance du nombre de laboratoires d’EEG.

La fréquence des activités paroxystiques périodiques dans la MCJ est évaluée à 67 % par Steinhoff (7), à 82 %par Gaches (3) l’EEG peut aussi monter des aspects atypiques et déroutants qui rendent difficile la démarche diagnostique. En effet comme dans l’observation N°3,les complexes paroxystiques peuvent être strictement asymétriques tels que décrits par Neufeld (5) et Heye (4) Des activités pseudo rythmiques non triphasiques sous forme d’îlots d’activités lentes, delta, monomorphes pseudo périodiques généralisées ou focales, ont même été décrites par Schenska (6) chez trois patients à un stade précis de la maladie. Gaches (3) les considère comme une modalité évolutive de l’EEG.

L’EEG peut être normal dans les formes familiales et dans la nouvelle variante de la MCJ et même dans d’authentiques cas de MCJ sporadiques (6) L’absence d’anomalies électriques ne doit donc pas faire rejeter le diagnostic de MCJ.(10)

Par ailleurs les activités périodiques courtes triphasiques généralisées ne sont pas spécifiques de la MCJ car elles peuvent se rencontrer dans d’autres démences, vasculaires ou type Alzheimer (3), et dans d’autres affections telles que les encéphalopathies porto cave de la cirrhose, les encéphalopathies post anoxiques et les insuffisances circulatoires,(5) ce qui réduit la spécificité de l’EEG à 86 % (2) Cependant si l’on s’en tient aux critères stricts de définition de la périodicité et de la stéréotypie, une analyse électroclinique fine devrait permettre d’éliminer ces différentes affections.

CONCLUSION

Dans notre contexte de travail la réalisation de l’EEG doit être systématique devant un tableau de démence myoclonique ou non du sujet âgé. Même s’il a des limites cet examen a l’avantage d’être peu coûteux non traumatique et facile à réaliser. Sa répétition chez un même patient pourrait augmenter sa sensibilité. Mais son interprétation doit tenir compte du tableau clinique car il peut être normal ou atypique et déroutant.

Figure 1: tracé EEG de l'observation 1

Figure 1: tracé EEG de l’observation 1

Figure 2: tracé EEG de l'observation 2 en montage longitudinal

Figure 2: tracé EEG de l’observation 2 en montage longitudinal

Figure 3: tracé EEG de l'observation 2 (réalisé deux mois après la figure 2)

Figure 3: tracé EEG de l’observation 2 (réalisé deux mois après la figure 2)

Figure 4: tracé EEG de l'observation 3

Figure 4: tracé EEG de l’observation 3

Figure 5: tracé EEG du patient 3

Figure 5: tracé EEG du patient 3

LA TUBERCULOSE DE L’ARC VERTEBRAL POSTERIEUR : A PROPOS D’UN CAS

RESUME

Les auteurs rapportent un cas rare de tuberculose isolée de l’arc postérieur, de la 7ème vertèbre cervicale (C7) à la 2èmevertèbre thoracique (TH2), chez une jeune patiente de 21 ans, révélée par des signes de compression médullaire au niveau de la charnière cervico-thoracique. Le diagnostic a été suspecté sur les données de l’IRM et confirmé par l’étude anatomopathologique après intervention chirurgicale. L’évolution après le traitement chirurgical et médical a été favorable.

Mot clés : Arc postérieur, IRM , Rachis, Tuberculose.


ABSTRACT

The authors report a rare case of an isolated tuberculosis of the posterior arch, of the cervical vertebra (C7) to the 2nd thoracic vertebra (TH2) diagnosed in a young woman of 21 years old , suffering of a medullar compression at the cervico-thoracic hinge . The diagnosis was suspected at the MRI and confirmed by anatomopathology after a surgical intervention. The evolution after surgery and medical treatment was a complete recovery.

Key words: MRI, Posterior arch, Spine, Tuberculosis.

INTRODUCTION

L’atteinte isolée de l’arc postérieur des vertèbres est rare lors de la tuberculose ostéo-articulaire. Son pronostic, conditionné par l’atteinte médullaire, souligne l’intérêt d’un diagnostic rapide basé essentiellement sur les données de l’IRM (5).

OBSERVATION

Une patiente âgée de 21 ans, sans antécédent pathologique, notamment pas de notion de contage tuberculeux, accusait depuis 3 mois des douleurs thoraciques hautes avec limitation de flexion du cou. Depuis 20 jours, le tableau s’est aggravé progressivement par l’apparition d’une lourdeur des deux membres inférieurs avec paresthésies sans troubles sphinctériens. L’examen clinique révélait une paraparésie spastique à prédominance droite avec hypoesthésie tactile et douleur à niveau claviculaire. Le tout évoluant dans un contexte apyrétique.

Biologiquement, on notait un syndrome inflammatoire avec une CRP à 130 mg /l, une vitesse de sédimentation à 33 mm à la première heure et une intradermoréaction (IDR) positive à 9 mm. La radiographie thoracique de face(fig1), du rachis cervico-dorsal face et profil étaient normales.
L’IRM montrait l’existence d’un processus lésionnel hétérogène en hypersignal T2, se rehaussant après injection de gadolinium, centré sur l’arc postérieur de TH1, mesurant 7/5 cm. Ce processus à une extension épidurale refoulant la moelle en avant, sans hypersignal T2 (sans souffrance médullaire). (Fig2a, b, 3, 4).
Devant cet aspect radiologique, les données biolologiques(IDR+) et le contexte d’endémie, le premier diagnostic à évoquer est une tuberculose vertébro-médullaire.
Cependant, on ne peut éliminer une :
– hydatidose vertébrale.
– tumeur primitive.
– tumeur secondaire. Notre malade n’avait pas un cancer primitif.

La patiente a bénéficié d’une laminectomie C7, TH1, TH2 avec curetage lésionnel. L’examen anatomo-pathologique a montré la présence d’un tissu inflammatoire granulomateux fait de follicules confluents épithéloïdes et giganto-cellulaires dont certains centrés par une nécrose caséeuse, confirmant la nature tuberculeuse. Après 6 mois de traitement anti-bacillaire et le port d’une minerve, l’évolution a été favorable avec disparition des signes cliniques et biologiques.

DISCUSSION

La tuberculose ostéo-articulaire représente actuellement environ 30 % des localisations extra-pulmonaires de la maladie (5,9). Dans 50 à 60 % des cas (8,10), elle est localisée à la charnière dorso-lombaire (5). L’atteinte du corps et du disque intervertébral étant la plus commune, l’atteinte isolée d’un ou de plusieurs arcs postérieurs est beaucoup plus rare (3).Elle peut se localiser indifféremment à une épineuse, un pédicule, une apophyse transverse voire à l’arc postérieur dans son ensemble (4,5) Comme c’est le cas de notre patiente. La dissémination du bacille de koch se fait par voie hématogène (1).
Le diagnostic d’atteinte tuberculeuse vertébrale postérieure est difficile. En effet, les données cliniques n’ont aucune spécificité (5). Elles sont faites en général de rachialgies localisées, exacerbées par la pression locale, de type volontiers inflammatoire mais parfois mécanique ou mixte (5).

Le bilan inflammatoire est perturbé, L’IDR à la tuberculine reste un bon moyen de présomption. Cependant, elle ne revêt une réelle valeur que si le sujet n’a jamais été vacciné.
L’apport de l’imagerie reste nécessaire pour orienter le diagnostic et le bilan lésionnel.
Le scanner est plus sensible que les radiographies standards (2). Au début, le scanner du rachis cervical en mode spiralé précise l’extension de la lésion, ses rapports avec le fourreau dural (6). L’atteinte tuberculeuse est le plus souvent multi-étagée, elle se manifeste fréquemment par un processus lytique vertébral associé a une tuméfaction des parties molles, les séquestres osseux sont évocateurs du diagnostic (2,6).
Actuellement, l’IRM est l’examen de choix pour l’étude des lésions vertébro-médullaires

Depuis la première description IRM de l’atteinte tuberculeuse de l’arc vertébral postérieur par Caude-Pierre en 1990 (5), une vingtaine d’observations ont été rapportées (1,7). Les lésions se traduisent généralement par un hyposignal en T1 rehaussé après injection de gadolinium, surtout en périphérie, et un hypersignal intense en T2. L’extension intrarachidienne épidurale et paravertébrale est bien visualisée. L’IRM permet en plus de détecter les lésions débutantes au stade de granulome sans lyse évidente aux radiographies standards et au scanner (8). Dans notre observation, L’IRM a permis d’individualiser, à côté des lésions osseuses, l’extension en hauteur de l’atteinte épidurale et le retentissement sur le cordon médullaire (1,5).

Le diagnostic différentiel peut se poser avec les autres atteintes vertébrales lytiques associées aux anomalies des parties molles adjacentes (1,10) tel que l’hydatidose vertébrale avec des multiples kystes à paroi fine, juxtaposés ; certaines tumeurs osseuses, notamment le kyste anévrismal, l’ostéoblastome, les métastases ; mais l’envahissement des parties molles est habituellement peu important et localisé au contact de la vertèbre pathologique et le plasmocytome qui peut revêtir parfois un aspect identique en IRM.

CONCLUSION

L’atteinte isolée de l’arc postérieur est rare au cours de la tuberculose rachidienne et peut être source de sévères complications neurologiques et orthopédiques. L’IRM est actuellement un examen de choix dans le bilan lésionnel et son retentissement sur les structures avoisinantes, notamment nerveuses.

Figure 1

Figure 2a, b

Figure 2b

Figure 2b

Figure 3

Figure  4

img1.jpg #gallery-3 { margin: auto; } #gallery-3 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-3 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-3 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

EPIDEMIOLOGIE ET DEVENIR DES PARAPLEGIQUES REEDUQUES AU CNHU DE COTONOU

RESUME

Description

Si dans les pays industrialisés, le pronostic vital, les capacités fonctionnelles et l’espérance de vie des paraplégiques se sont améliorés, en Afrique, leur devenir est encore incertain.

Objectif

Analyser le devenir des paraplégiques suivis en rééducation hospitalière à Cotonou de 1999 à 2003, et après retour à domicile.

Méthode

c’est une étude rétrospective, descriptive portant sur 40 paraplégiques adultes traités de 1999 à 2003 et réexaminés en février 2004 pour évaluer leur devenir.

Résultats

65% des patients étaient hommes et 35% de femmes de sex-ratio 1,8 et d’âge moyen 42, 8 ans,. Les étiologies sont dominées par le traumatisme (37,5%), les tumeurs (22,5%), la hernie discale opérée (22,5%). 57,5% des patients ont présenté des troubles vésicosphinctériens. Spasticité et escarres ont été fréquentes chez les patients. Les niveaux lésionnels médullaires (thoraciques et lombaires hauts) ont été de 50% et queue de cheval 50%. Neuf mois à trois ans après leur retour à domicile, 32,5% des patients sont décédés dont 69% de causes tumorales. Parmi les survivants, 18,5% ont marché ; 28,5 % avec appareillage, 52% condamnés au fauteuil roulant. Le retour à domicile avec la participation de la famille a été possible pour 92% ; mais 66,7% des survivants n’ont joui ni de reconversion ni de réinsertion professionnelle.

Conclusion

Le devenir des paraplégiques rééduqués au CNHU de Cotonou a été fortement marqué par l’issue fatale. Aux survivants se sont posés des problèmes de réinsertion professionnelle dont la résolution dépasse le cadre restreint de la solidarité africaine.

Mots clés Bénin, épidémiologie, évoltion, paraplégie, réhabilitation


ABSTRACT

Background

If in industrialized countries, vital prognosis, functional capacities and life expectancy of paraplegics improved, their becoming is still unsettled in Africa.

Objective

to analyse the becoming of patients with paraplegia rehabilitated at CNHU in Cotonou, from 1999 to 2003 and after their returning back home.

Method

It is a retrospective study aimed to be descriptive, done with 40 adults with paraplegia, followed from 1999 to 2003 and seen again in February 2004 to appreciate their becoming.

Results

65% of patients were men and 35% women; sex-ratio about 1.8 and 42.8 years as average age; most of them still being in professional activity. Aetiologies were prevailed by traumatism (37. 5%), tumor (22. 5%) and operated discal hernia (22. 5%). On 57. 5% cases, urinary disorders were present with paraplegia. Spasticity and eschars were frequently developed by patients. Levels were spinal cord injuries (thoracic and lumbar high) 50% and ponytail 50%. Nine months to three years after their returning back home, 32. 5% of patients died, 69 % of them with neoplasia. 18. 5% of survivors were able to walk, 29. 5% with artificial limb supply, 52% condemned to use wheel chair. Returning back home with the participation of the family was possible for 92% of patients. Neither professional reinsertion nor reconversion was possible for 66. 7% of survivors.

Conclusion

Becoming of patients with paraplegia rehabilitated at CNHU in Cotonou has been marked strongly by the fatal exit. Problems of professional reinsertion whose resolution passes the restrict setting of African solidarity arose to the survivors.

Key words: Benin, epidemiology, evolution, paraplegia, rehabilitation

INTRODUCTION

Les progrès réalisés au plan thérapeutique et surtout en rééducation dans les pays industrialisés ont permis d’améliorer le pronostic vital, les capacités fonctionnelles, l’espérance de vie et la qualité de vie des paraplégiques [13, 37]. Malgré ces avancées, il existe des différences considérables entre et à l’intérieur de ces pays qui tiennent aux environnements socioculturels [20].
En Afrique en général, la survenue d’une paraplégie constitue une tragédie pour le patient, la famille et la société. En effet les structures et le personnel compétent chargés de la réhabilitation et de la réinsertion des paraplégiques sont rares dans un contexte économique peu encourageant ; ce qui rend incertain leur devenir.
Cette étude analyse le devenir des paraplégiques rééduqués dans le Service de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelle (SRRF) du Centre National Hospitalier et universitaire (CNHU) de Cotonou, 9 mois à 3 ans plus tard après leur retour à domicile.

1. PATIENTS ET METHODE

1.1. Patients

La présente étude s’est déroulée dans le Service de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle (S.R.R.F.) du C.N.H.U de Cotonou et a porté sur 40 paraplégiques suivis sur une période de cinq ans (1999 à 2003). Ces patients ont bénéficié chacun de 20 à 110 séances de rééducation et d’appareillage visant à leur assurer une autonomie dans les activités de la vie journalière (AVJ) professionnelle et récréative. L’appareillage utilisé a été fait d’orthèse cruropédieuse et suropédieuse avec ou sans cannes anglaises et de fauteuil roulant.

La réhabilitation a consisté à utiliser des techniques classiques de rééducation motrice comportant :
– Les soins préventifs des raideurs articulaires, escarres, compressions nerveuses et des troubles du transit.
– La rééducation musculaire et sphinctérienne
– Le travail de l’équilibre en position assise
– L’apprentissage des transferts
– La verticalisation sur barres parallèles ou sur table de verticalisation
– L’ergothérapie

1.2. Méthode d’étude

Il s’agit d’une étude rétrospective à visée descriptive portant sur une cohorte de patients paraplégiques âgés de plus 15 ans admis et suivis en rééducation. Le recueil des données a été fait à partir des dossiers et fichiers informatisés de patients hospitalisés entre 1999 et 2003 pour paraplégie.

1.2.1. Echantillonnage.

La population est composée de quarante (40) paraplégiques. Ces patients ayant bénéficié d’une réhabilitation, ont été revus en mars 2004 pour une enquête prospective en vue d ‘évaluer leur évolution vitale, fonctionnelle, et socioprofessionnelle.

Sont exclus les paraplégies infantiles, les poliomyélitiques, les para parésies, les tétraplégies et les patients n’ayant pu bénéficier de rééducation ni d’appareillage, les patients encore vivants mais non retrouvés à l’enquête prospective. Ce qui a permis de retenir 40 patients sur les 64 suivis.

1.2.2. Variables

– Variables épidémiologiques : Age, sexe, profession.
– Variables étiologiques : traumatisme, tumeur, hernie discale, Mal de Pott
– Variables cliniques : siège et niveau lésionnel, signes cliniques.
– Variables évolutives : Décès, survivants, espérance de vie, devenir fonctionnel et professionnel.

1.3 Traitement et analyse des données de l’étude.

Leur traitement a été réalisé avec le logiciel Epi info version 6,04 C. Le test statistique utilisé est le X2 avec un taux de signification de p de 5%.

2. RESULTATS

2.1. Aspects épidémiologiques

2.1.1. Les patients étaient âgés de 17 à 66 ans avec un âge moyen de 42,8ans.

2.1.2. 65% d’hommes pour 35% de femmes avec une sex- ratio = 1, 86

2.1.3. Situation professionnelle : Les différentes professions n’ont pas été envisagées ; mais nous avons considéré ceux qui exercent une activité professionnelle, les retraités, les étudiants et les apprentis. Ce qui donne la répartition observée dans le tableau n°1.

2.1.4. Etiologie des paraplégies : Dans la recherche des causes, nous avons réalisé une corrélation avec le sexe des patients. Ce qui a permis d’obtenir les résultats présentés dans le tableau n°2.

2.2. Aspects cliniques

2.2.1. Siège lésionnel: Les lésions lombaires basses et sacrées (50%) ont eu une expression clinique de type syndrome de queue de cheval complet tandis que les thoraciques et les lombaires hautes (5o%) se sont manifestées par une paraplégie avec choc spinal dans les secteurs lésionnel et sous lésionnel les premiers jours. Le tableau n°3 en donne une répartition détaillée.

2.2.2. Signes cliniques

– 23 patients (57,5%) ont eu des troubles vésicosphinctériens importants (incontinence urinaire et fécale permanente, ou constipation) constituant d’emblée une préoccupation pour les patients et leurs entourages. A la fin, ils n’étaient que 17% à présenter une incontinence urinaire et 8% des troubles anorectaux à type de constipation et d’incontinence fécale.
– 10 patients (25%) ont développé des escarres dès le début de leur admission, escarres cicatrisées à la fin de leur prise en charge hospitalière.
– 16 patients (40%) dont les thoraciques (27,5%) et une partie des lombaires hauts (12,5%) ont développé la spasticité au cours de leur prise en charge. A la fin, ils n’étaient que 12,5% à être spastiques.

2.3. Aspects évolutifs

2.3.1. Survie des patients : Plus on avance dans le temps, plus le nombre de décès augmente comme le montre la Figure n°1.

2.3.2 Evolution des patients en fonction des étiologies : Les étiologies de la paraplégie ont été un facteur déterminant du pronostic vital du patient. C’est qu’indique le tableau N°4.

2.3.3 Devenir familial, professionnel et fonctionnel des survivants : La réinsertion familiale synonyme de retour à domicile a été réalisée chez la plupart des survivants. Par contre, ils ont beaucoup de difficulté à bénéficier d’une réinsertion professionnelle comme le montre le tableau n°5

3. DISCUSSION

L’âge moyen des patients a été de 42,8 ans, les extrêmes 17 et 66ans. C’est donc une pathologie de sujets jeunes constituant une tragédie pour les familles, la communauté et la société toute entière. En effet, l’état paraplégique suscite sous les tropiques, des problèmes de pronostic vital, de devenir fonctionnel, professionnel, socio- familial, génito-sexuel et de procréation. Dans la série de Nandjui en Côte d’Ivoire, les patients étaient plus jeunes avec un âge moyen de 39,98 ans, des extrêmes de 7 et 76 ans avec 62% âgés de moins de 45ans et 61, 9% exerçant une activité professionnelle [31].

Dans notre étude, les effectifs des sujets en activité professionnelle (47%) bien qu’étant moins nombreux que ceux de Nandjui, sont supérieurs aux autres catégories ; mais cette différence n’est pas statistiquement significative (p = 0,10). C’est seulement en considérant les sujets en activité professionnelle et le groupe apprentis/étudiants comparativement aux retraités, que nous avons une différence nette et marquée (p = 10-4). Dans tous les cas, la situation des apprentis/étudiants (33%) reste plus préoccupante. Car à ces derniers se posent des problèmes spécifiques de formation et de procréation.

La paraplégie a frappé plus d’hommes (65 %) que de femmes (35%). Cette prédominance masculine est due à la grande tendance de l’homme à exercer des activités de plus en plus violentes surtout dans la conduite. En effet, les traumatismes constituant la principale cause de paraplégie ont touché 37,5% des patients dont 30% d’hommes et 7,5% de femmes avec une différence statistiquement significative (p= 0,02). Pour les autres causes, la différence n’est pas statistiquement significative comme on le constate dans le tableau n°2. L’importance des causes traumatiques (essentiellement traumatisme de la voie publique) se justifie à Cotonou par l’intensité du trafic routier, la promiscuité des engins à deux roues et des automobiles sur des chaussées étroites. Ces paraplégies post traumatiques sont également au premier plan au Togo et au Pays-Bas dans des proportions très élevées respectives de 90% et 76,4% [4,35]. Selon Haenel, les paraplégies post traumatiques pourraient avoir un substratum psychiatrique [17].

Les tumeurs (22,5%) ont constitué le deuxième type de causes après les traumatismes. L’importance des causes tumorales reste préoccupante, car la nature de la tumeur et le moment de l’intervention vont lourdement influencer le pronostic vital de ces patients. Aux Etats-Unis le nombre de métastases entraînant une compression médullaire est estimé à 20.000 cas par an [24]. Il peut s’agir de tumeurs intra ou extra médullaires, de métastases, de cancers primitifs ou de dégénérescence maligne [7,14,2].

Quant aux hernies opérées (22,5%) aussi nombreuses que les causes tumorales, elles posent un problème d’ordre médico-légal quand la responsabilité de l’acte opératoire est établie. Mais très souvent, il n’est pas facile d’établir la part de la hernie et celle de l’acte chirurgical. Des facteurs indépendants du chirurgien comme une hématomyélie, une myélite post opératoire, un infarcissement de la moelle … peuvent être à l’origine de la paraplégie post opératoire. Tout de même, trois cas du genre ont été rapportés par Houten à New York aux Etats-Unis [19].

La présence de causes infectieuses représentées par la paraplégie pottique (7,5%), constitue une spécificité de cette atteinte sous les tropiques. Ce type de paraplégie souvent d’emblée spastique, associée à une importante cyphoscoliose, nécessite outre la chimiothérapie spécifique, une rééducation intensive, et une chirurgie de reconstruction lourde [34].

Pour 10% des patients de notre série, aucune cause n’a pu être retrouvée pour la paraplégie. Cela pourrait s’expliquer par le manque le moyen d’investissement pour le diagnostic de certaines étiologies rares telles que la méningomyélite syphilitique, les tumeurs rares, la sarcoïdose, sans oublier les causes iatrogènes [21,16,18,3].

Le siège lésionnel reste également partagé entre lésions thoraciques et lombaires hautes (50%) marquées par une atteinte médullaire dont la manifestation est une paraplégie avec choc spinal dans les secteurs lésionnel et sous lésionnel les premiers jours et les lésions lombaires basses et sacrées (50%) marquées par un syndrome de queue de cheval. Les niveaux lésionnels thoraciques et lombaires hauts avec atteintes médullaires complètes correspondant à ASIA A sont pourvoyeuses de handicaps lourds. Les patients (52% des survivants) qui n’ont connu aucune récupération dans notre étude et qui sont contraints à se déplacer en fauteuil roulant sont à ranger dans cette catégorie.
En effet beaucoup de blessés médullaires connaissent une amélioration au plan neurologique et moteur ; mais ceux dont l’atteinte médullaire est complète ont très peu de chance d’améliorer leur score d’ASIA [27].

Vingt trois patients (57,5%) ont eu des troubles vésico sphinctériens importants à type d’incontinence urinaire et fécale permanente, ou de constipation, constituant d’emblée une préoccupation pour les patients et leurs entourages. A la fin, ils n’étaient que 17% à présenter une incontinence urinaire et 8% des troubles anorectaux à type de constipation et d’incontinence fécale.

Le manque d’autonomie de la vessie dans les paraplégies est une variable commune prédictive autrefois d’une forte valeur pour la mortalité due aux complications infectieuses et surtout rénales [38]. La présence d’incontinence urinaire et fécale permanente reste difficile à gérer chez le paraplégique sous nos cieux compte tenu des difficultés fréquentes d’approvisionnement du petit matériel (sonde vésicale, péniflex, langes, gants) et du matériel lourd (lits pneumatiques, ou fluidisés, fauteuils motorisés).

L’incontinence des sphincters anal et urinaire constitue le substratum des infections urinaires à l’origine de l’aggravation de la spasticité et même du décès du patient [42]. Les troubles sphinctériens chez les paraplégiques peuvent revêtir d’autres types de combinaisons à savoir incontinence urinaire ou rétention urinaire et/ou constipation ou incontinence fécale comme l’a observé Damplouse [10]. Dans tous les cas, la fonction anorectale chez le traumatisé médullaire est anormale comme l’indiquent les mesures de la pression intra rectale effectuées par plusieurs auteurs avec des variabilités en fonction du niveau lésionnel et de l’ancienneté de l’atteinte [22, 28, 26,41].

Pour y remédier Stone et al ont réalisé une colostomie [39] tandis que Riedy et al ont eu des résultats encourageants en réalisant une électrostimulation péri anale susceptible d’augmenter la pression intra rectale [36]. Mentes pense que la stimulation du nerf tibial postérieur constitue la voie d’avenir pour traiter l’incontinence fécale chez le blessé médullaire incomplet [30].

Quant aux escarres développées au début de la prise en charge (25%), elles se sont cicatrisées secondairement avec parfois des récidives. Pour Thomasson, les escarres constituent une complication sérieuse pour les patients avec atteinte médullaire [40]. Le traitement le plus efficace est d’éviter le décubitus au paraplégique en le faisant participer aux activités valorisantes de tout genre comme l’art, l’artisanat, la peinture, le sport pour handicapé… [32]. Enfin Garber pense que l’éducation individualisée au sujet de la prévention et de la gestion de l’escarre est efficace dans l’amélioration de la connaissance de l’escarre pendant l’hospitalisation et pour sa réparation chirurgicale [15].

Seize patients (40%) dont les thoraciques (27,5%) et une partie des lombaires hauts (12,5%) ont développé la spasticité au cours de leur prise en charge. A la fin, ils n’étaient que 12,5% à être spastiques. La spasticité est une donnée fréquente dans les atteintes centrales, facteur limitant les programmes de rééducation. Les paraplégiques spastiques éprouveraient des difficultés dans sept domaines à savoir : physique, activité, émotif, économique, interpersonnel, gestion, et cognitif [29]. Trois ans après leur retour à domicile, 32,5% des patients ont perdu leur vie avec leur courbe de survie qui décroît progressivement. Ils étaient âgés de 37 à 55 ans avec un âge moyen de 47,2 ans. S’il est vrai que l’espérance de vie du paraplégique est en général moins élevée que celle du sujet normal, l’important taux de décès observé dans notre série n’est pas à isoler des conditions de vie et de l’environnement [5] . Pour preuve, Paggliaci en Italie dans sa série composée de 511 blessés médullaires, a eu 36 décès en deux ans d’évolution soit un taux de décès de 7% [33].

Ces résultats sont le reflet des difficultés de la prise en charge de la paraplégie sous nos cieux. En effet le milieu environnant, l’insuffisance de moyen technique et parfois le manque de matériel adapté malgré l’existence de compétences, finissent par emporter le malade dans un état de désespoir. Cela appelle la conscience de toutes les personnes physiques ou morales impliquées dans la réadaptation de la personne handicapée.

La prédominance des causes tumorales (9 cas sur 13) avec les métastases développées, explique en partie cette évolution fatale. Ailleurs la mise en œuvre de thérapies adaptées comme la radiothérapie, la chimiothérapie (encore embryonnaires au Bénin), permet d’améliorer le niveau de récupération et le pronostic vital. Mais le paraplégique peut mourir d’autres causes comme les infections respiratoires, les pyélonéphrites et surtout des infections nosocomiales [8,25]

La réinsertion familiale (synonyme de retour au domicile familial) de la plupart des paraplégiques survivants a été faite avec l’appui de la famille qui a soutenu les transformations de l’habitation adaptables au handicap du patient. Il s’agît là d’une preuve de la force du soutien moral et de la solidarité en milieu africain. Tout de même, dans 2 cas, des difficultés (refus de coopération de la famille) ont été retrouvées avec même divorce dans un cas.
Dix huit patients, soit 45%, n’ont pu recouvrer ni leur ancienne activité, ni bénéficier d’une reconversion. Cela dénote de l’inexistence au plan administratif et légal de conditions spécialement favorables à la personne handicapée mais aussi de la baisse de leur niveau d’activité physique comme l’ont démontré Buchholz et coll. au Canada [6].
Quant à la locomotion, 55% des patients se déplaçaient avec une orthèse cruro pédieuse ou un fauteuil roulant. Les difficultés rencontrées lors de leur déplacement témoignent de l’inexistence d’accès réservé à tous les niveaux de la vie, à la personne handicapée. Un dispositif de stimulation électrique fonctionnelle pourrait aider ces sujets à jouir d’un meilleur niveau d’autonomie [1, 11, 23,12].

De même les acquisitions récentes en matière de stimulation électrique fonctionnelle qui permettent d’améliorer outre la locomotion, la fonction respiratoire par stimulation du nerf phrénique devraient apporter à ces patients un mieux être global [9].

Mais quand le petit matériel nécessaire manque souvent dans un centre de référence, l’optimisme doit être raisonné et les résultats ne reflètent pas la qualité des efforts consentis par le personnel soignant.

CONCLUSION

Le devenir des paraplégiques pose d’énormes problèmes dans les pays en voie de développement. L’espérance de vie, les capacités fonctionnelles et la qualité de vie de ces patients peuvent être améliorées si l’essentiel des thérapies existant à ce jour a été mis à leur disposition. Aux survivants se sont posés des problèmes de réinsertion professionnelle auxquels se sont ajoutées des difficultés de réadaptation dans une société où il n’existe pas de lois en faveur de la personne en situation de handicap. La réinsertion des personnes en situation de handicap doit bénéficier d’adoption d’une législation volontaire et la mise en oeuvre d’actions plus adaptées pour compléter l’assistance familiale et communautaire; la légendaire solidarité africaine étant devenue insuffisante pour affronter les nouveaux défis de la vie.

MORTALITÉ DES PATIENTS VIH POSITIFS DANS LE SERVICE DE NEUROLOGIE DU CHU CAMPUS DE LOMÉ-TOGO

RESUMÉ

Description

On estime à 2,3 millions, le nombre de personnes décédées du SIDA en 2004 en Afrique subsaharienne. Ainsi le VIH/SIDA a réduit de plus de 20 ans, l’espérance de vie de la population en Afrique.

Objectifs

Le but de notre étude était d’identifier les causes de décès et d’étudier la létalité des affections neurologiques chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH/SIDA) au CHU-CAMPUS de Lomé.

Méthodes

Une étude rétrospective transversale avait été menée sur les dossiers des malades hospitalisés dans ledit service du 1er Janvier 1996 au 31 décembre 2005.

Résultats

Sur les 380 patients séropositifs au VIH enregistrés, 83,2 % ne connaissaient pas leur statut sérologique à l’admission. L’âge moyen de nos patients décédés était de 38,9 ± 13,4 ans, avec une durée de séjour moyen avant le décès de 13,9 jours. L’abcès cérébral toxoplasmique avait constitué la première cause de décès chez les PVVIH/SIDA (40,8 %), suivie des méningites (27,2 %) et des méningo-encéphalites (19,0 %). Le taux global de létalité était de 38,7 %. Les méningites et les méningo-encéphalites constituaient les affections les plus létales avec un taux de létalité respectivement de 90,9 % et 70,0 %.

Conclusions

Les principales affections neurologiques associées à l’infection VIH devraient bénéficier d’un diagnostic rapide et de la mise en place de protocole de prise en charge immédiate. Des efforts supplémentaires doivent être fournis dans le dépistage et la prise en charge des PV VIH /SIDA.

Mots cles : PVVIH/SIDA, affections neurologiques, Togo


SUMMARY

Description

HIV/AIDS is responsible of about 2,3 billions deaths in subsaharian Africa in 2004. The life expectancy had declined, in this part of continent, of 20 years.

Objectives

To identify neurological death causes and to study their lethality among HIV positive patients, in Campus Teaching Hospital at Lomé.

Methods

We did a transversal retrospective study on hospitalized patients from January 1, 1996 to December 31, 2005.
known their HIV status before their admission. The average age of dead patients was 38,9 ± 13,4 years. Average hospitalization life stay was 13,9 days before death. Cerebral toxoplasmosis abscess was the first cause of death of HIV positive patients (40,8 %), followed by meningitis (27,2 %) and by meningo-encephalitis (19 %). The lethality global rate was 38,7 %. Meningitis and meningo-encephalitis were most lethal diseases, with lethality rate of respectively 90,9 % and 70,0 %.

Conclusion

Mains neurological diseases associated with HIV infection must be diagnosed quickly and taken in charge without delay. This study has shown that efforts have to be performed in the framework of HIV detection.

Keywords: HIV/AIDS positive, neurological affections, Togo.

INTRODUCTION

On estime à 2,3 millions le nombre de personnes décédées du SIDA en 2004 en Afrique subsaharienne. Ainsi le VIH/SIDA a réduit de plus de 20 ans l’espérance de vie des hommes et des femmes en Afrique (18, 19, 20).

Le système nerveux constitue une cible majeure de plusieurs complications infectieuses ou tumorales au cours de l’infection par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) (13, 15, 25). Des autopsies ont pu mettre en évidence une atteinte du système nerveux dans 75 % des cas (4, 11, 22, 23).

L’objectif de cette étude était d`identifier les causes de décès et d’étudier la létalité des affections neurologiques chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH/SIDA) au CHU-CAMPUS de Lomé. L’intérêt thérapeutique d’un tel travail réside dans la mise en place des moyens nécessaires pour l’accueil et des protocoles de prise en charge de ces patients.

METHODOLOGIE

Le service de neurologie du CHU Campus dispose de 28 lits répartis dans 5 salles communes, 4 cabines individuelles et une salle d’urgence neurovasculaire. Ce service hospitalise en moyenne 500 à 600 patients par an.
Une étude transversale rétrospective sur la population de malades hospitalisés dans le service de neurologie du CHU Campus de Lomé au Togo avait été menée du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2005 soit sur une période de 10 ans. Les dossiers des patients admis dans le service pendant la période d’étude et chez qui la sérologie VIH était positive par la mise en évidence dans le sérum, d’anticorps spécifiques, par deux tests (1er ELISA et 2e ELISA) et un test de confirmation par Western Blot pour des résultats douteux, ont été retenus. La demande de la sérologie VIH chez les patients hospitalisés dans le service était fonction des signes neurologiques évocateurs d’une infection à VIH. Sur les 5347 patients hospitalisés, 4278 (80,0 %) avaient bénéficié d’une sérologie VIH. Parmi eux 3898 (91,1 %) étaient séronégatifs. La sérologie VIH a été positive chez 380 patients (8,9 %).

RESULTATS

Le sex ratio hommes /femmes (H/F) des 5347 patients hospitalisés dans le service pendant la période d’étude était de 1,3. L’âge moyen était de 40,8 ± 16,8 ans. Nous rapportons au tableau 1 les données démographiques de notre série. Le taux global de mortalité a été estimé à 9,7 %. L’âge moyen des patients décédés était de 45,8 ± 14,4 ans.
Sur les 380 patients séropositifs au VIH enregistrés, 83,2 % ne connaissaient pas leur statut sérologique à l’admission. La majorité de ces patients (98 %) était au stade III de la classification CDC d’Atlanta.
Au total, 147 cas de décès chez les patients VIH séropositifs ont été enregistrés pendant la période d’étude. La durée moyenne de séjour dans le service de ces patients décédés était de 13,9 ± 3,7 jours. Ces décès représentaient 28, 2 % des décès observés dans le service. Le taux de létalité était de 38,7 %. L’âge moyen de ces patients décédés était de 38,9 ± 13,4 ans avec des extrêmes de 15 et 90 ans. Le sexe ratio H/F de ces patients VIH séropositifs décédés était de 1,2. Le tableau 2 montre la répartition des patients séropositifs au VIH décédés selon les affections neurologiques, les tranches d’âges et le sexe.

L’abcès cérébral toxoplasmique (43,9 %) était de loin l’affection neurologique la plus rencontrée chez les patients séropositifs au VIH. Les affections neurologiques associées aux plus forts taux de létalités chez ces patients étaient les méningites (90,9 %) et les méningoencéphalites (70,0 %) (tableau 3).

DISCUSSIONS

L’atteinte neurologique au cours du VIH est précoce mais reste longtemps infra clinique. Elle est inaugurale dans 10 à 20% des cas avec une encéphalite caractéristique (4, 22). Dans 40 à 75% des cas, elle survient au cours de la maladie. Les pathologies les plus couramment associées au VIH se développent au début de la phase d’immunodépression sévère et au cours du stade SIDA (13, 16, 23)
Peu de travaux, a notre connaissance, dans les pays en voie de développement se sont intéressés à la mortalité chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA ( PVVIH/SIDA) et présentant une affection neurologique.

La demande de la sérologie VIH chez nos patients en fonction des signes neurologiques évocateurs d’une infection à VIH pourrait constitué un biais de sélection. Il est probable que certains patients hospitalisés n’aient pas eu de sérologie VIH car les signes n’étaient pas évocateurs, ou la symptomatologie était à bas bruit. Cependant la réalisation de cette sérologie chez 4278 patients soit 80,0 % des patients hospitalisés est représentative.

La tranche d’âge de 20 à 49 ans a été la plus touchée avec 130 décès (88,4 %). Ces décès, dans les tranches d’âge les plus actives, constituent un problème de santé publique et socio-économique (2, 16, 19). La durée moyenne d’hospitalisation avant le décès de ces patients était de 13,9 jours. Cette durée moyenne de séjour est similaire à celle rapportée par ATANGANA et al (2) à Yaoundé (12 jours). Elle a été plus courte (7 jours) dans les méningites et méningo-encéphalites qui sont rapidement mortelles. Ainsi le diagnostic et la prise en charge adaptée de ces affections ne doivent souffrir d’aucun retard.

Durant la période de notre étude 380 patients séropositifs au VIH ont été admis, 147 sont décédés. Le taux de létalité était de 38,7 %. Ce fort taux a été également rapporté par YASSIBANDA et al. (26) à Bangui qui avaient noté un taux de létalité de 38,0 %. Ce taux élevé serait dû au fait que tous les malades étaient admis au stade III de l’infection à VIH. Le coût très élevé du traitement des affections neurologiques chez les PVVIH serait également un facteur de surmortalité (3).

En fonction des différentes affections neurologiques, nous avons enregistré 40 cas de décès sur les 44 cas de méningites diagnostiquées chez les patients VIH séropositifs. Nous avons retenu dans ce groupe les décès par méningites purulentes communautaires (pneumocoque 14 cas, staphylocoque 6 cas), par méningites tuberculeuses (4 cas), par cryptococcose neuro-méningée (2 cas), et par méningites à germe non déterminé (14 cas). Ces méningites étaient associées à 27,2 % de tous les décès chez les PVVIH et occupaient ainsi le 2e rang de décès associés aux affections neurologiques chez les PVVIH. Elles étaient l’affection associée au plus fort taux de létalité (90,9 %). Cette fréquence est semblable à celle rapportée par MBELLOSSO et al. (14).

Les méningo-encéphalites associées au VIH ont été à l’origine de 28 cas de décès (19,0 %). Elles sont au troisième rang des décès dus aux affections neurologiques chez les PVVIH. Le taux de létalité dans les méningo-encéphalites était de 70,0 %. Ce qui les place en deuxième rang des manifestations neurologiques les plus létales chez les PVVIH. Ce taux est superposable à celui de ATANGANA et al. (2) qui avaient rapporté un taux de létalité de 80,9 %. Pour ces auteurs les méningo-encéphalites représentaient l’affection la plus létale des manifestions neurologiques du VIH.

Nous avons colligé 3 cas de leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP) sur les 380 malades (0,8%); ce résultat est superposable à celui de CHESKY et al (5) qui ont colligé 2 cas sur 383 séropositifs (0,5%). Nous estimons que ce taux trouvé ne reflète pas la réalité car le plateau technique ne permet pas l’isolement du JC virus. De plus au cours des 25 dernières années, l’incidence de la LEMP a considérablement augmenté dans le contexte de l’épidémie VIH/SIDA (8). La LEMP ne disposant actuellement d’aucun traitement, elle conduit au décès en 2 à 6 mois.
Parmi les atteintes neurologiques, l’abcès cérébral toxoplasmique venait en première position avec 167 cas sur les 380 PVVIH colligés (43,9 %). Au Kwazulu natal en Afrique du sud, MIELKE (15) a rapporté que la toxoplasmose cérébrale vient en première position des processus expansifs intracrâniens chez les PVVIH. Nous avons enregistré 60 cas de décès par abcès cérébral toxoplasmique. Elle occupait le premier rang des décès par affection neurologique associée au VIH (40,8 %). Le taux de létalité était de 35,9 %. Elle occupait le 4ème rang des pathologies les plus létales. Ces résultats s’expliquent par une bonne connaissance des signes permettant son diagnostic rapide. En outre un traitement bien codifié mis en place dans le service et habituellement débuté dès la suspicion clinique expliquerait la diminution du taux de létalité de cette affection (1, 10). Un taux de létalité de cette affection très élevé était rapporté à Abidjan en Côte d’Ivoire par GIORDANO C. et al. (9), KOUASSI B. et al.(12), ainsi que par d’autres auteurs (1, 21) qui avaient enregistré des taux de létalité pouvant atteindre 48,3 %. De nos jours, dès la suspicion de cette affection, le traitement d’épreuve spécifique doit être mis en place sans délai.

Parmi les 380 malades séropositifs, nous avons colligé 40 cas d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) soit un taux de 10,5 %. Aucun de ces patients n’avait de facteurs risques cardiovasculaires connus. La moyenne d’âge a été de 39,6 ans. Cette moyenne d’âge est de 37 ans pour les AVC hémorragiques et de 40,4 ans pour les AVC ischémiques. Cette association a été déjà signalée par ENGSTROM et al (6). KOUASSI et al (12) en Côte d’Ivoire avaient colligés 75 cas d’AVC sur 405 séropositifs au VIH (18,5 %), SENE DIOUF et al (24) au Sénégal avaient rapporté 15 cas sur 93 séropositifs au VIH (16,1 %). EVERS S. et al (7) en Afrique du sud, ont rapporté 15 cas d’AVC dans une cohorte de 772 séropositifs au VIH (1,9 %). Nous avons noté la prédominance de l’AVC ischémique avec 31cas sur les 40 colligés. Cette prédominance a été également signalée par MOCHAN et al. (17) et SENE DIOUF et al (24). Il en ressort que tout malade présentant un AVC, surtout s’il est jeune et n’a aucun facteur de risque cardiovasculaire connu, devrait systématiquement bénéficier d’une sérologie VIH.

CONCLUSION

Le taux de létalité des affections neurologiques associées au VIH était de 38,7 % alors que la mortalité globale dans le service était de 9,7 %. Les méningites ont constitué la manifestation la plus létale (90,9 %). Elles sont suivies des méningo-encéphalites (70,0 %). A l’instar de l’abcès cérébral toxoplasmique dont le diagnostic et le traitement sont bien codifiés, la prise en charge de toutes les complications neurologiques associées à l’infection VIH devrait être connue.

Tableau I : Répartition des patients hospitalisés, dans le service de neurologie du CHU campus de Lomé du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2005, selon l’âge et le sexe.

Hommes Femmes Total
n % n % N %
2902 54,3 2445 45.7 5347 100
15-19 196 3,7 195 3,7 391 7,3
20-29 530 9,9 524 9,8 1054 19,7
30-39 660 12,3 601 11,2 1261 23,6
40-49 711 13,3 483 9,0 1194 22,3
50-59 392 7,3 254 4,8 646 12,1
60 et plus 413 7,7 388 7,3 801 15,0

Tableau II : Répartition des patients séropositifs au VIH décédés, dans le service de neurologie du CHU Campus de Lomé du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2005, selon les affections neurologiques, les tranches d’âges et le sexe.

Tranches d’âges (ans) 15-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60 et plus
M F T M F T M F T M F T M F T M F T
Toxoplasmose Cérébrale 1 1 2 3 5 8 12 14 26 10 8 18 1 4 5 1 1
Méningites 6 2 8 10 4 14 10 4 14 2 2 4
Méningo-encéphalites 6 6 12 6 6 6 6 2 2 2 2
Accident vasculaire cérébral 2 1 3 3 2 5 1 1
Myélopathies 4 4
Maladie de Guillain Barré 2 2
LEMP 1 1 1 1
Zona 2 2
Total 2 31 59 40 12 3

M = masculin ; F = féminin ; LEMP = leucoencéphalite multifocale progressive

Tableau III : Taux de létalité des affections neurologiques, chez les patients séropositifs au VIH, dans le service de neurologie du CHU Campus de Lomé du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2005

Nombre de séropositifs (n = 380) Nombre de décès (n = 147) Taux de létalité % (38,7)
Toxoplasmose cérébrale 167 60 35,9
Méningites 44 40 90,9
Méningo-encéphalites 40 28 70,0
AVC 40 9 22,5
Myélopathies 26 4 15,4
Spondylodiscite tuber. 2 0 0,0
LEMP 3 2 66,6
Maladie de Guillain-Barré 42 2 4,8
Zona 16 2 12,5

AVC = Accidents Vasculaires Cérébraux ; LEMP = leucoencéphalite multifocale progressive
Spondylodiscite tuber. = Spondylodiscite tuberculeuse

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