AJNS
HOMMAGE AU PROFESSEUR PIERRE NDIAYE / AJNS

Il y a une semaine, Pierre N’DIAYE nous quittait. Malgré, ou au contraire, en raison de l’immense chagrin que j’éprouve, je ne peux m’empêcher de témoigner du profond attachement que nous avions, Pierre et moi ; non pas un simple attachement d’une profonde, et affectueuse amitié mais un réel attachement filial qui nous unissait et nous unit pour l’éternité.
Pierre a voulu me précéder ; c’est vraiment l’unique fois, mais dans l’incertitude et imprévisible période dans laquelle nous vivons, il redoutait ma propre disparition ; il ne me le disait pas mais depuis quelques mois il ne pouvait s’empêcher de me téléphoner, environ tous les 10 jours, concluant toujours par une recommandation de prudence et un souhait de bonne santé, comme le fait un fils au père bien-aimé.
Ainsi était Pierre, il avait une affection qui s’étendait à nous tous, qu’il cachait avec beaucoup de pudeur derrière une façade enjouée qui pouvait paraître impénétrable. Mais, une fois pénétrée on découvrait que loin d’être une indifférence c’était au contraire le témoignage d’une affectueuse curiosité pour l’Autre et lorsque cet Autre était un patient, l’affectueuse curiosité devenait une générosité sans borne empreinte d’un véritable devoir d’aide, de mise à disposition de son savoir mais au-dessus de tout de sa générosité qui pouvait se transformer en réelle imprudence sans souci des possibles conséquences. Pour autrui, il lui fallait agir vite, en négligeant toutes les précautions.
Ainsi était Pierre ; derrière cette façade enjouée il y avait le don de sa personne qui reflétait la vraie valeur de l’homme. Valeur, qui s’était profondément nourrie et enrichie, au sein de sa famille ; mais aussi valeur qu’il avait enrichi par une énorme érudition, qu’il fallait savoir découvrir au cours de nombreux entretiens.
La neurologie africaine a eu l’honneur et la chance d’avoir à sa tête un tel homme qui a toujours fui les honneurs, qui ne s’est jamais enorgueilli d’être  le pionnier, c’est à-dire le premier, celui qui, au sortir de sa formation a créé et consolidé les structures nécessaires au plein développement de la discipline qu’il avait choisi, celui qui en fondant une véritable école, a su s’entourer d’élèves ; élèves qui respectueux et fidèles envers leur maître ont, comme lui, œuvré et continuent à  creuser le même sillon, amplifiant le mouvement neurologique fédérateur, dans ce grand continent africain.
Repose en paix, mon cher fils, car tu as atteint les objectifs que tu t’étais tracés : ceux d’une existence honnête, faites du don de ta personne, d’amour pour autrui et du développement de la neurologie à laquelle tu as consacré ton existence professionnelle.
Tu as atteint la plénitude de ces objectifs jusqu’au propre don de ta personne.
La terre qui te recouvre ne peut qu’être légère car elle perpétuera l’œuvre que tu lui as enraciné.

Merci Pierre, nous t’aimons.

Michel DUMAS


PROFESSEUR PIERRE NDIAYE

INFECTION A COVID-19 ET COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES

En décembre 2019, de nombreux cas de pneumonie inexpliqués sont survenus à Wuhan, en Chine, et se sont rapidement propagés à d’autres parties de la Chine, puis en Europe, en Amérique du Nord et en Asie[9]. Il a été confirmé que cette épidémie était causée par un nouveau coronavirus [17]. Ce nouveau Coronavirus aurait présenté des symptômes ressemblant à ceux du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV) en 2003[16]. Les deux partageaient le même récepteur, l’enzyme de conversion de l’angiotensine2 [15]. Par conséquent, ce virus a été nommé SARS-CoV-2 et, en février 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) l’a nommé maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). Au 28 juillet 2020, il y avait 16 540 137 cas confirmés de COVID-19 et 655 300 décès dans le monde[4]. En Afrique au 28 juillet 2020, on dénombrait 876 000 cas confirmés dont 18528 décès [3].

Près de 6 mois après le début de la pandémie, nous pouvons faire le constat suivant : (1) Le continent européen d’abord puis américain par la suite sont les plus affectés en termes de nombre de patients et de décès. (2) Contrairement aux prévisions pessimistes, le continent africain a bien résisté à la propagation du virus :d’une part, le taux de létalité est bien moindre et d’autre part, et à quelques exceptions près, les systèmes de santé n’ont pas été débordés. (3) Bien que des protocoles à base d’hydroxychloroquine soient largement utilisés sur le continent africain, aucun traitement antiviral n’a apporté la preuve formelle de son efficacité, les études rapportant l’efficacité de l’une ou l’autre des molécules étant rapidement battues en brèche ou contestées par d’autres, la controverse sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine et les dérivés de l’artémisinine ayant tenu le haut du pavé [8,11].

Les particularités observées sur le continent africain en général, l’Afrique Sub-Saharienne en particulier pourrait s’expliquer soit par la jeunesse de sa population, la prévalence élevée des affections parasitaires comme le paludisme et la consommation régulière des médicaments antipaludiques qui semblent efficaces ne serait-ce que in vivo sur les coronavirus, la bonne organisation des systèmes de santé habitués à gérer des épidémies mortelles (infection à virus Ebola, le choléra, etc) et une anticipation par la prise des mesures d’isolement au vu des effets délétères du virus en Asie et en Europe.

Les patients infectés par le SARS-CoV-2 présentent des symptômes divers, allant de la fièvre ou une toux légère à la pneumonie et une extension à plusieurs autres fonctions de l’organisme avec un taux de mortalité qui varie de 2% à 4%[13]. À l’heure actuelle, des données cliniques ont révélé que certains patients atteints de COVID-19 présentent des symptômes similaires à des infections intracrâniennes, notamment des céphalées, des crisesd’épilepsie et des troubles de la conscience[9].En outre, un nombre croissant de patients atteints de COVID-19 signalent une perte soudaine d’odorat [7].Curieusement, certains patients développent des symptômes de COVID-19 seulement après les symptômes neurologiques [9].Récemment, un Hôpital de Beijing a signalé pour la première fois un cas d’encéphalite virale causée par le coronavirus attaquant le système nerveux central. Les chercheurs ont confirmé la présence du SARS-CoV-2 dans le liquide céphalo-rachidien par séquençage du génome, ajoutant un soutien à la théorie selon laquelle ce nouveau virus de la pneumonie peut également causer des lésions au système nerveux [1]. Certains chercheurs pensent que d’autres agentspathogènes, telles que des bactéries, peuvent détruire la barrière hémato-encéphalique, et des infections intracrâniennes secondaires peuvent provoquer des céphalées, des vomissements, une perte de vision et des convulsions chez les patients présentant des symptômes sévères du COVID-19[13].

Les atteintes du système nerveux par le COVID-19.

Les encéphalites virales : Présence de signes encéphalitiques aigus tels que les céphalées, les convulsions ou le coma et présence du virus dans le LCR par séquençage génomique [1].

Encéphalopathie toxique et infectieuse : Les patients atteints de COVID-19 souffrent souvent d’hypoxie et de virémie sévères [6], qui ont le potentiel de provoquer une encéphalopathie toxique.De plus, près de 40% des patients atteints de COVID-19 développent des céphalées, des troubles de la conscience et d’autres symptômes de dysfonctionnement cérébral [9], et une étude autopsique a rapporté un œdème cérébral chez les patients atteints de COVID-19 [14].

Accidents vasculaires cérébraux : Il a été largement rapporté que l’infection par le Coronavirus, en particulier le SARS-CoV-2, provoquait une tempête de cytokines, qui pourrait être l’un des facteurs responsables des accidents vasculaires cérébraux [5,2]. De plus, les patients gravement malades atteints d’infection sévère par le SARS-CoV-2 présentent souvent des niveaux élevés de D-dimères et une réduction plaquettaire sévère, ce qui peut rendre ces patients sujets à des événements cérébrovasculairesaigus [12].

Syndrome de Guillain Barré ou polyradiculonévrite aigue : Des signes cliniques typiques et électrophysiologiques (ENMG), deux semaines après des signes respiratoires, et la confirmation d’une infection à coronavirus chez un sujet diabétique de 65 ans ont été rapportés[10].

Mécanismes d’atteinte du système nerveux :

Atteinte directe du virus : le matériel génétique du virus et certaines protéines ont été retrouvés dans le système nerveux, confirmant son effet direct sur le système nerveux. Il n’y a pas encore de preuve d’invasion du virus à travers la barrière hématoencéphalique. La voie d’entrée neurogène par le bulbe olfactif et le nerf olfactif est évoquée mais pas encore confirmée[13].

Hypoxie : En raison du fait que les patients atteints de COVID-19 souffrent souvent d’hypoxie sévère [12], une hypoxie peut entraîner des lésions ultérieures du système nerveux : œdème cérébral, trouble de la circulation cérébrale. Avec l’hypertension intracrânienne induite, la fonction cérébrale se détériore progressivement et une somnolence, un œdème bulbaire et même un coma peuvent être observés.

Lésion immunitaire : L’infection à SARS-COV-2 est à l’origine d’un nombre élevé de décès, la majorité causée par une défaillance multiviscérale causée par le syndrome inflammatoire lié au virus lui-même ou une réaction immunitaire à sa présence. L’activation des cellules immunitaires est à l’origine d’une encéphalite chronique et par conséquent des lésions cérébrales[13].

Nous attirons l’attention de tous les neurologues, neurochirurgiens et neuropédiatres sur le fait que les infections au coronavirus peuvent affecter le système nerveux, et on pense actuellement que le SARS-COV-2, de concert avec les mécanismes immunitaires de l’hôte, peut transformer ces infections respiratoires aigües en infections chroniques et persistantes pouvant conduire à des maladies neurologiques. Par conséquent, les patients atteints doivent être évaluéstôt pour les symptômes neurologiques, y compris les céphalées, les troubles de la conscience, l’anosmie ou dysgueusie, les paresthésies et d’autres signes pathologiques. Une IRM cranio-encéphalique et/ou médullaire, une analyse précoce du liquide céphalo-rachidien et la gestion des complications neurologiques liées à l’infection sont essentielles pour améliorer le pronostic de ces patients.

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