AJNS
HYDRANENCEPHALIE : UNE PATHOLOGIE SANS ISSUE !

INTRODUCTION

L’hydranencéphalie est une malformation rare du système nerveux central (6). Elle représenterait 1% des hydrocéphalies diagnostiquées (10). Elle résulterait d’une anomalie dans l’embryogenèse, après la formation de la plaque neurale. Sa physiopathologie reste encore non bien élucidée. La caractéristique principale de l’hydranencéphalie est une absence de manteau cortical, remplacé par du liquide céphalo-rachidien (LCR) ; quand il existe, il est non fonctionnel. Il existe néanmoins les noyaux gris centraux, le tronc cérébral et le cervelet (5,12). Il peut rentrer dans un syndrome polymalformatif ou non. Le diagnostic est facilité par l’imagerie, et l’électro-encéphalogramme (EEG) (9). Sa prise en charge reste peu codifiée, et pose un problème éthique face à la qualité de vie avec ou sans traitement de ses enfants (11).

L’objectif de ce travail était de rapporter les aspects épidémiologiques, diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs des cas d’hydranencéphalie dans un pays à ressources limitées.

MATERIELS ET METHODES

Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive allant du 1er Janvier 2017 au 31 Décembre 2019, incluant tous les patients dont le diagnostic d’hydranencéphalie a été posé et qui ont été pris en charge dans le service de Neurochirurgie du CHU de Fann. Les paramètres ont été enregistrés à partir des dossiers de patients. L’anonymat a été préservé, les résultats traités par Epi-info version 7 .01.

RESULTATS

Paramètres socio-démographiques

Il a été inclus dans l’étude 51 patients sur la durée d’étude, faisant 2,42% des hospitalisations et 21,98% des hydrocéphalies. L’âge moyen était de 6,24 mois avec des extrêmes de 25 jours et 19 mois. Le sex-ratio (F/M) était de 1,04. Il a été retrouvé une notion de consanguinité au second degré des parents dans 41% des cas. Les femmes étaient supplémentées en fer et acide folique dans 40 cas (78,43%). Il n’y avait pas de notion d’infection materno-fœtale ou de prise médicamenteuse. Quinze enfants étaient issus d’une césarienne soit 29,41%. Il y a eu 2 cas de prématurité.

Paramètres diagnostiques

La macrocrânie évolutive a été le motif de consultation pour tous les enfants (figure 1), avec un périmètre crânien moyen de 57,7 cm [47 ; 76] cm. Un spina bifida était associé dans 3 cas. Les pleurs et vomissements ont été retrouvés dans 36 cas (70,59%). Tous les enfants ont bénéficié d’une TDM cérébrale (figure 2). Aucun n’a eu d’électroencéphalogramme (EEG) ou d’imagerie par résonnance magnétique cérébrale (IRMc). Aucune exploration n’a été faite à la recherche d’autres comorbidités ou maladies génétiques dans l’étude vu le manque de moyens financier des parents.

Traitement

Quarante-neuf enfants (96,07%) ont été traités par dérivation ventriculo-péritonéale avec des valves Chabra* de moyenne pression non réglable, pour 2 cas, une abstention chirurgicale a été indiquée. Tous les enfants ont été opérés à partir d’un mois d’âge.

Complications et évolution

Les complications ont été infectieuses dans 14 cas (27,45%), avec des méningites post-opératoires, et 3 décès ont été enregistrés. Tous les patients présentaient à 6 mois post-opératoire un mauvais devenir psycho-intellectuel. Vingt-six des cas (50,98%) ont été perdus de vue après 1 an de suivi post-opératoire.

DISCUSSION

Epidémiologie

L’hydranencéphalie est une pathologie rare, son incidence serait comprise entre 1/10000 et 1/5000 des grossesses (8-10). Aux USA l’incidence serait de 1,4 à 2,8 pour 100 000 naissances (11). Au japon elle serait de 2,1 pour 100000 naissances (3). Notre étude confirme la rareté de l’affection comme décrit dans la revue de la littérature, bien que la fréquence des cas serait plus élevée, car représentant près de 22% des hydrocéphalies traités dans l’étude. Le sex-ratio ne montre pas de différence significative comme dans la plupart des études menées (2-9).

Diagnostic

Le diagnostic a reposé uniquement sur l’utilisation du scanner cérébral, ce qui peut être un biais de sélection, avec l’inclusion de cas d’hydrocéphalie majeure. Pour ce fait l’utilisation de l’IRMc est recommandée bien que d’accès plus difficile, surtout dans les pays à ressources limitées comme le Sénégal mais également sa réalisation difficile chez l’enfant constitue une limite. Le diagnostic anténatal n’a pas été retrouvé dans notre étude. La notion de consanguinité parentale pourrait être incriminée dans la survenue des cas d’hydranencéphalie de notre série, car retrouvée dans 41% des cas contre 17,6% pour Malheiros et al (6). Nous avons noté un retard de consultation des patients, que nous expliquons par le fait que la population soit mal informée sur cette pathologie et ses manifestations cliniques, mais également par le niveau socio-économique bas de ces familles. En effet le périmètre crânien moyen de l’étude montre le manque de réactivité des parents face à l’évolution de la pathologie chez leur enfant. Et quand le diagnostic est fait, le manque de moyens pour se faire prendre en charge constitue un problème majeur dans la prise en charge thérapeutique. Tous les enfants bénéficiaient de ponctions intraventriculaires évacuatrices comme traitement d’attente jusqu’à la prise en charge chirurgicale. L’âge moyen de notre étude de 6,24 mois semble aller dans le même sens que les données de la littérature retrouvant que l’âge des enfants ne dépasse guère 1 an pour ceux qui ne sont pas morts in utéro (7). Il a été décrit dans la littérature des cas ayant évolué jusqu’à l’âge de 32 ans (8). Ceci pose, d’une part, le problème d’éthique face au recours d’interruption médicale de grossesse comme moyen thérapeutique, et d’autre part le cout élevé de la prise en charge de ces enfants qui ont un devenir intellectuel quasi nul (3,4). L’absence d’utilisation de l’interruption de grossesse au Sénégal semble être une explication vis-à-vis de la fréquence de nos cas.

Traitement

Le traitement repose sur la prise en charge de l’hydrocéphalie active et des comorbidités. Les diverses techniques de dérivations ventriculo-péritonéales (DVP) ou ventriculo-atriales (DVA) ont été longtemps utilisées, avec toutes les complications connues liées à ces types de traitements. Ces complications sont majorées pour les hydranencéphalies, qui sont un terrain fragile et/ou souvent le lit de plusieurs comorbidités. En alternative à ces dérivations, les méthodes endoscopiques avec coagulation du plexus choroïdes ont été décrites (11). Une étude décrit la ventriculocisternotomie (VCS) plus coagulation des plexus choroïde comme étant efficace et ayant moins de complications par rapport aux dérivations, et la choisit comme technique plus sure avec un meilleur suivi post-opératoire (1,11). Le soutien psychologique et le counseling aux familles peuvent constituer des moyens de prévention pour les grossesses ultérieures.

CONCLUSION

L’hydranencéphalie reste une pathologie malformative grave, fréquente dans les pays en voie de développement et fortement diagnostiquée après la naissance. La prise en charge par la mise en place d’une valve de dérivation ventriculo-peritonéale constitue l’option la plus utilisée. Cette pathologie présente un mauvais pronostic, et pose un problème d’ordre socio-économique majeur et d’éthique.

 

Figure 1 : Nourrisson de 3 mois qui présente une macrocrânie évolutive avec une circulation veine collatérale importante et les yeux en coucher de soleil

 

Figure 2 : TDM cérébrale d’un nourrisson de 7 mois qui montre une absence de cortex cérébral une hydranencéphalie

TUBERCULOME INTRACRANIEN : PLACE DU TRAITEMENT ANTI-TUBERCULEUX D’EPREUVE

INTRODUCTION

Le tuberculome intracrânien réalise un granulome inflammatoire qui se présente comme une lésion expansive et rentre dans le diagnostic différentiel des tumeurs cérébrales.

Rares dans les pays développés où leur incidence représente 0,2% des cas, les tuberculomes intracrâniens sont plus fréquents dans nos régions où ils représentent 5 à 10 % des cas (11).

La localisation intracrânienne est l’une des localisations extra pulmonaires les plus graves de la tuberculose qui sévit de façon endémique au Sénégal où l’incidence de cette maladie est sous-estimée (14). Au Sénégal, c’est le programme national de lutte contre la tuberculose (PNT) créé en 1985, et rattaché à la Direction de la Lutte contre la Maladie au Ministère de la santé qui est chargé de coordonner la lutte contre la tuberculose. Dans la pratique, leurs travaux se concentrent plus sur la tuberculose pulmonaire. Ainsi, il existe peu de travaux nous permettant d’avoir une estimation réelle de l’ampleur des tuberculomes et leur proportion parmi les tumeurs cérébrales (13). La présomption est faite sur la base de données anamnestiques, clinico-biologiques et radiologiques.

Les indications chirurgicales sont désormais fortement diminuées au profit de la biopsie stéréotaxique qui permet d’avoir une confirmation histologique et de débuter le traitement médical précocement. (8,10). Devant la non disponibilité de la stéréotaxie, la place d’un traitement d’épreuve antituberculeux est discutée dans cette étude.

METHODOLOGIE

Nous avons effectué une étude rétrospective descriptive dans le service de neurochirurgie de l’Hôpital Général de Grand Yoff sur une période de 4 ans allant de janvier 2014 à décembre 2017.

Étaient inclus dans notre étude les patients hospitalisés durant cette période et chez qui le diagnostic de tuberculome intracrânien a été retenu devant les arguments épidémiologiques, radiologiques, morphologiques et surtout évolutifs devant l’évolution favorable sous traitement antituberculeux. Tous nos patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale avant et après le traitement antituberculeux.

Nous avons recueilli les données sociodémographiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives des patients inclus.

RESULTATS (TABLEAUX I ET II)

L’âge de nos patients est compris entre 37 et 62 ans avec un âge moyen de 43,8. Notre étude comprend 5 patients dont 4 femmes et 1 homme soit un sex-ratio à 0,25. Quatre de nos patients (N° 2, 3, 4 et 5) étaient tous originaires de Dakar et de sa banlieue. La patiente N°1 provenait de la République de Gambie. La notion de contage n’a été retrouvée chez aucun de nos patients. Nous n’avons également pas retrouvé d’antécédent de tuberculose pulmonaire ou extra pulmonaire. La vaccination au BCG n’est pas précisée. La recherche d’un terrain particulier a permis de retrouver une infection au Virus d’Immunodépression Humain (VIH) (N° 4), une dépigmentation cosmétique aux corticoïdes (N° 5), un diabète de type 2 (N° 2). Une de nos patientes était en état de grossesse au début des symptômes et a présenté une aggravation du tableau clinique à l’accouchement (N° 1).

Les manifestations cliniques sont variées. Nous avons retrouvé dans notre étude :

-un syndrome d’hypertension intracrânienne (HTIC) chez 4 patients soit 80% des cas ;

-un déficit moteur à type d’hémiplégie chez 4 patients soit 80 % des cas ;

-des troubles de la conscience chez 3 patients soit 60% des cas ;

-des crises convulsives généralisées chez une patiente soit 20 % des cas ;

-une fièvre au long cours chez 2 de nos patients soit 40 % des cas.

La TDM cérébrale a été réalisée chez tous nos patients. Parmi eux 4 avaient des lésions plus ou moins annulaires, prenant le contraste en périphérie et entourées d’un œdème péri lésionnel (N° 1, 2, 3 et 4) (Fig. 1). Le classique signe de la cible « Target sign » correspondant à une calcification au centre de la lésion a été retrouvé chez le patient N° 2 (Fig. 2).

Chez 1 patient (N° 5) la TDM cérébrale mettait en évidence des foyers disséminés d’hypodensité et l’IRM cérébrale avec la séquence T1 Gado montrant des lésions multiples sus et sous tentorielles d’allure métastatique (Fig. 3). Devant ces lésions d’allure granulomateuse chez 4 patients et métastatique chez l’un, un scanner thoraco-abdomino-pelvien est fait et revenu normal.

L’Intra-dermo-réaction à la tuberculine (IDRT) a été faite chez 3 patients. Elle est revenue à chaque fois négative. La NFS était normale chez 4 patients soit 80% des cas. Nous avons retrouvé chez le patient N° 3 une lymphopénie. La VS était normale chez 2 patients (N° 1 et 5) et la CRP était élevée chez 3 patients soit 60% des cas. La sérologie rétrovirale effectuée chez tous les patients était négative chez 4 d’entre eux et a permis de confirmer la séropositivité de la patiente N° 4. Par ailleurs, la sérologie toxoplasmique était négative chez tous les patients. Ils ont aussi bénéficié d’une radiographie du thorax qui était normale.

Le patient N° 4 a présenté une dégradation rapide de son état de conscience avec un score de Glasgow à 6 et le scanner cérébral réalisé en urgence a montré une augmentation de l’œdème cérébral péri lésionnel avec un effet de masse important sur le système ventriculaire et un important engagement sous falcoriel (Fig. 4a). Un abord direct de la lésion a été réalisé le même jour permettant une exérèse macroscopique complète avec des suites opératoires simples et un scanner cérébral de contrôle satisfaisant (Fig. 4b). Le résultat anatomopathologique était en faveur d’un tuberculome cérébral.

Devant la localisation profonde et en zone fonctionnelle des lésions chez les autres patients (N° 1, 2, 3 et 5), la négativation de leurs sérologies toxoplasmique et rétrovirale ainsi que l’impossibilité de réaliser une biopsie stéréotaxique dans notre pays, nous avons institué un traitement antituberculeux en nous basant sur les arguments épidémiologiques et clinico-radiologiques. Le protocole instauré par le Programme National de lutte contre la Tuberculose (PNT) : Rifampicine – Isoniazide – Ethambutol – Pyrazinamide pendant 2 mois puis Rifampicine – Isoniazide pendant 10 mois.

Tous nos patients ont fait l’objet d’un suivi régulier et ont tous eu une bonne tolérance au traitement médical. Nous n’avons enregistré aucune résistance aux antituberculeux.

L’évolution clinico-radiologique était favorable chez tous les patients de notre étude (Fig. 5). Une hémiparésie gauche séquellaire a été notée chez la patiente N° 1. Avec un recul minimum de 5 ans aucune récidive n’est retrouvée chez nos patients.

DISCUSSION

La fréquence des tuberculomes intracrâniens varie de 5 à 10 % des processus expansifs intracrâniens (PEIC) dans les pays en développement. Dans les pays développés, le diagnostic de tuberculome est exceptionnel. Il ne concerne que 0,5 à 2% des cas. De janvier 2014 à décembre 2017 nous avons enregistré dans notre service 108 cas de PEIC dont 5 où le diagnostic de tuberculome a été posé soit une fréquence de 4,6%. Cette fréquence est probablement sous-estimée.

Il s’agit d’une pathologie retrouvée très souvent chez l’adulte jeune sans distinction de sexe. L’âge moyen de nos patients est de 43,8 ans. En 2010, Seck (13) dans son travail portant sur 27 cas de tuberculomes cérébraux sur une période de 10 ans avait retrouvé un âge moyen de 32,2 ans.

Le niveau socio-économique n’a pas été précisé dans les dossiers consultés mais le bas niveau socio-économique expose à la tuberculose ce qui explique l’endémie dans laquelle est plongé le Tiers-Monde. En 2015, 6 pays à savoir l’Inde, le Pakistan, la Chine l’Indonésie le Nigeria et l’Afrique du Sud représentaient 60% des nouveaux cas de tuberculose enregistrés dans le monde (11).

Les tuberculomes intracrâniens constituent une forme particulière de la tuberculose extra-pulmonaire. La transmission du bacille tuberculeux se fait par voie aérienne. Les Bacilles de Koch sont phagocytés par les macrophages au niveau des alvéoles puis véhiculés par voie lymphatique jusqu’aux relais ganglionnaires voisins. Ils se multiplient et entrainent une réponse immunitaire qui est à l’origine de la formation des tubercules d’abord avant la caséification qui correspond à une nécrose solide dans les tissus où les bactéries se développent. Ainsi le tuberculome intracrânien résulte d’une diffusion hématogène à partir d’un foyer primitif généralement pulmonaire (1).

Les déficits immunitaires favorisent également l’infection. Dans notre série, on a retrouvé 1 cas d’infection au VIH ,1 cas de diabète de type 2 et 1 cas de dépigmentation cosmétique par des corticoïdes. Une patiente était en état de grossesse lorsque les symptômes ont débuté. La série de Llewelyn M et al. (6) effectuée au Royaume Uni montre une atteinte courante des femmes enceintes originaires d’Afrique et d’Inde ayant récemment immigré dans leur pays. D’après leur étude, le diagnostic de la tuberculose pendant la grossesse y est porté le plus souvent tardivement car la maladie est fréquemment extra-pulmonaire sur ce terrain.

La symptomatologie clinique est dominée dans notre étude par le syndrome d’HTIC que nous avons retrouvé chez 4 patients soit 80% des cas. La découverte des tuberculomes au stade d’hypertension intracrânienne s’explique par leur évolution lente, insidieuse, subaiguë, mais également par l’œdème périlésionnel associé.

L’IDRT est un moyen diagnostique de la tuberculose infection et un argument dans la démarche diagnostique de la tuberculose maladie. Il existe cependant beaucoup de faux négatifs surtout sur les terrains immunodéprimés. Dans la tuberculose extra pulmonaire elle est positive dans moins de 2/3 des cas comme le montrent les séries de Lazazna S. et al. (5) et celle de N’Dhatz-Sanogo M. et al. (9).

Les nouveaux tests immunologiques (Quantiféron TB et T-Spot) présentent une meilleure sensibilité et une meilleure spécificité pour la tuberculose que l’IDRT. Ces tests n’étaient pas encore disponibles dans notre pays durant la période d’étude. D’après les résultats de l’étude de Azghay M. (2), la sensibilité et la spécificité du Quantiféron étaient respectivement de 85 et 73,3 %. L’étude montre également que la valeur quantitative du test était significativement plus élevée dans la tuberculose extra pulmonaire.

L’imagerie joue un rôle fondamental dans l’approche diagnostique et thérapeutique des tuberculomes intracrâniens. Elle permet de mettre en évidence les lésions et de rechercher des signes de gravité pouvant imposer un geste d’urgence.

Le signe de la cible longtemps considéré comme pathognomonique du tuberculome a été retrouvé chez un de nos patients. Comparativement, dans la série de Faycal M. (8) cette image classique est retrouvée dans 34% des cas. L’étude de El Kettani fait également mention de la faible fréquence du « Target sign » (4). Cependant ce signe peut être retrouvé dans d’autres lésions telles que la toxoplasmose, les lymphomes etc. (3).

L’IRM cérébrale est l’examen le plus sensible pour l’exploration des lésions tumorales encéphaliques. Elle affine les résultats apportés par le scanner et montre souvent d’autres lésions peu visualisées au scanner. Elle a été demandée chez 1 patient de notre étude. Elle permet en outre comme le montrent plusieurs auteurs notamment Humberto Morales (7) d’être une aide pour le diagnostic différentiel par la spectrométrie par résonance magnétique. Les tuberculomes cérébraux sont caractérisés par leur polymorphisme à l’imagerie posant ainsi le diagnostic différentiel avec les tumeurs cérébrales primitives ou secondaires. L’imagerie cérébrale permet également de réaliser la biopsie stéréotaxique apportant ainsi le diagnostic de certitude pour les lésions profondes. Le tuberculome a un aspect blanc nacré en per opératoire. Sur le plan histologique il s’agit d’un granulome inflammatoire centré par du caséum. Nous n’avons obtenu une certitude histologique que chez une seule patiente. Le prélèvement était une pièce opératoire. La difficulté que nous rencontrons dans l’obtention d’un diagnostic de certitude histologique est liée à l’absence de la stéréotaxie dans notre pays. La stéréotaxie est la référence dans l’abord des lésions profondes. Dans l’étude de Faycal Moufid, l’introduction de la biopsie stéréotaxique dans le protocole de prise en charge a amélioré le taux de confirmation histologique qui est passé 70% à 83% des cas (8). Dans cette même série, l’arrivée de la biopsie stéréotaxique a fait chuter l’abord chirurgical direct de 70% à 39%. Le nombre de patients traités sans confirmation histologique a également chuté de 30% à 13%.

La chimio-sensibilité des tuberculomes intracrâniens est prouvée par plusieurs auteurs ce qui réduit considérablement les abords directs opératoires. La durée du traitement varie de 9 à12 mois pouvant aller jusqu’à 2 ans en fonction de la réponse thérapeutique (1,12,15). En effet les indications chirurgicales sont désormais fortement restreintes. Tous nos patients ont reçu le traitement antituberculeux sur 12 mois. Sakho Y. (12) dans sa série propose un algorithme décisionnel où la première ligne thérapeutique est représentée par la chimiothérapie antituberculeuse sous surveillance scannographique surtout pour les lésions profondes ou situées en zone fonctionnelle. La chirurgie d’exérèse est proposée lorsqu’il existe une augmentation paradoxale du volume du tuberculome sous traitement antituberculeux avec dégradation de l’état clinique. A cette indication, Faycal Moufid (8) ajoute l’hypertension intracrânienne menaçante, l’altération de l’acuité visuelle et l’hydrocéphalie non communicante. La chirurgie d’exérèse a été indiquée dans notre série devant une hypertension intracrânienne menaçante d’installation rapidement progressive.

CONCLUSION

Les tuberculomes cérébraux sont des diagnostics que nous devons avoir en tête en zone d’endémie tuberculose. Le traitement d’épreuve anti tuberculeux doit être envisagé devant l’impossibilité d’obtenir un diagnostic de certitude anatomopathologique pour des lésions cérébrales d’allure granulomateuse situées en zone profonde ou fonctionnelle. Ceci d’autant plus que la chimio-sensibilité des tuberculomes a été prouvée par plusieurs auteurs et démontrée dans notre série.

ICONOGRAPHIE

Figure 1 : TDM cérébrale montrant une lésion thalamique droite hétérogène prenant le produit de contraste entourée d’œdème cérébral : Patient N° 1 (a) et Patient N° 3 (b)

 

Figure 2 : TDM cérébrale non injecté (a) puis après injection de produit de contraste (b) mon-trant une lésion arrondie en cocarde au niveau de la capsule interne avec un « Target Sign » (flèche bleue) (Patient N° 2)

 

Figure 3 : IRM cérébrale montrant des lésions multiples faisant évoquer une miliaire tubercu-leuse chez le Patient N°3 (a, b)

 

Figure 4 : Lésion d’allure granulomateuse frontale droite associée à de l’œdème péri lésionnel (a) et contrôle post opératoire (b) (patient N° 4)

 

Figure 5 : TDM de contrôle des patients après un an de traitement anti tuberculeux : Patient N° 1 (a) Patient N°2 (b), Patient N° 3 (c) et Patient N°5 (d)

 

Tableau I : Résumé état civil et signes cliniques et biologiques des patients

Cas Age Sexe Clinique

Contage

Tuberculeux

IDRT NFS CRP et VS
N° 1 37 ans F

-HTIC

-Trouble de la conscience

-Hémiplégie gauche

-crises convulsives

-Fièvre vespéro-nocturne, anorexie, amaigrissement

Négatif Négatif Normale Normales
N° 2 62 ans M

– Troubles de la conscience

-Hémiplégie gauche

-Fièvre nocturne

Négatif Négatif Normale CRP élevée
N° 3 40 ans F

– HTIC

– Déficit hémi corporel gauche

Négatif Négatif Lymphopénie CRP élevée
N° 4 41 ans F

– HTIC

– Hémiplégie gauche

– Dégradation rapide de la conscience (GS :6/15)

 

Négatif Non faite Normale CRP élevée
N° 5 39 ans F -HTIC Négatif Non faite Normale Normales

 

Tableau II : Résumé Résultats imageries, prise en charge et évolution des patients

Cas ATCD et Terrain Imagerie cérébrale

Anatomie

Pathologique

Bilan d’extension Traitement médicale Chirurgie Suivi

Évolution

 

Séquelles

N° 1 Grossesse PEIC thalamique droit Non faite Négatif Antituberculeux sur une durée de 12 mois Non opéré Régulier

Évolution favorable

Hémiparésie droite

N° 2 Diabète type 2 PEIC capsulo-lenticulaire droit Non faite Négatif Antituberculeux sur une durée de 12 mois Non opéré Régulier

Évolution favorable

Aucune séquelle

N° 3 Négatif PEIC thalamique droit hétérogène entourée d’œdème cérébral Non faite Négatif Antituberculeux sur une durée de 12 mois Non opéré Régulier

Évolution favorable

Aucune séquelle

N° 4 SRV positive PEIC fronto-pariétal droit avec rehaussement par le produit de contraste et engagement sous falcoriel Confirmation histologique Négatif Antituberculeux sur une durée de 12 mois

Exérèse

totale

Régulier Bonne évolution clinique avec récupération complète de la motricité hémi corporelle initialement atteinte
N° 5 Dépigmentation cosmétique avec corticoïdes au long cours Multiples lésions nodulaires avec prises de contraste annulaire sus et sous tentorielles Non faite

Négatif

 

Antituberculeux sur une durée de 12 mois Non opéré Régulier Évolution favorable

USE OF CLASS ALGORITHM IN MENINGIOMA SURGERY IN HOSPITAL OF MALI.

INTRODUCTION

The goal of treatment in medicine is that the benefits far outweigh the risks. The risk factors associated with meningioma surgery are: patient’s preoperative comorbidity (C), tumor location (L), patient’s age (A), tumor size (S) and symptoms/signs (S) caused by the tumor. Meningioma surgery is difficult to date in sub-Saharan Africa and surgical results are sometimes very poor, due to the lack of adequate instruments for surgery, anesthesia and radiology. In addition, a history of previous surgery and radiation have been shown to be significant risk factors. Beneficial factors are difficult to quantify, including the natural history of the disease and the possibility of cure when Simpson grade 1 resection is performed with improvement in neurologic signs. This scale simply assesses the risks and benefits of surgery for a patient with meningioma.

Many authors have proposed a grading system to standardize the surgical indication for meningioma and are based primarily on weighing the risks and benefits of surgery. Meixensberger et al. reviewed their results for 385 patients with intracranial meningiomas and analyzed the factors influencing the outcome (9). Among the factors known to the surgeon preoperatively, age, preoperative comorbidity assessed by the ASA (American Society of Anesthesiology) score (10). Thus, Arienta et al. introduced a grading system in 1990 to standardize surgical decision making in elderly patients with intracranial meningioma (1); Sacko et al. proposed the SKALE score for meningioma surgery in the ninth decade of life in 2007 (11), Cohen-Inbar proposed the geriatric scoring system (GSS) in 2010 (4), and Magill et al developed a grading scale to evaluate the surgical outcome between two approaches to tuberculum sellae meningioma (8). Which of these grading systems is most appropriate for meningioma surgery in our hospital?

We chose the CLASS algorithmic scale by Joung H Lee et al. because of its simplicity of design and applicability for all patient ages and tumor location (6). According to this scale, benefit factors are ranked from 0 to +2, whereas risk factors are ranked from 0 to -2 (Figure 1).

The purpose of this study was to assess surgical risk using the CLASS scale in meningioma surgery designed by Joung H. Lee and Burak Sade, in our institution (Mali Hospital).

METHOD

We retrospectively evaluated the morbidity and mortality of intracranial meningioma surgery in 61 patients who underwent surgery from 2011 to 2015 in the Department of Neurosurgery, Mali Hospital, University of Sciences, Techniques and Technologies of Bamako. Data were obtained from the patients’ medical records and the surgical outcome was assessed using the Glasgow Outcome Scale at six weeks. Data were collected for the following variables: C: Comorbidity, L: Location, A: Age, S: Size, S: Signs and symptoms. Medical and neurological complications were also recorded.

According to the CLASS scale, patients were divided into three groups: Group 1: Low risk or CLASS ≥1; Group 2: Mild risk or CLASS between 0 and -1; Group 3: Severe risk or CLASS ≤-2. Other factors such as previous surgery or previous radiotherapy were not considered in our study.

Analysis was performed using Epi Info TM 7.2 to compare each group with the prognosis of surgery. Poor outcome was Glasgow Outcome Scale 1 to 3 at six weeks after surgery.

RESULTS

Sixty-one patients were included in this study. The gender distribution was 36 women (59%) and 25 men (41%). The mean age was 44.78 years (range 17-80 years). A summary of the patients in each group description is given in Figure 2.

For surgical risk, we found 70.5% in group 1 (figure 3, figure 4, and figure 5) and the CLASS score was +4 (C: 0, L: 0, A: 0, S: +2, S: +2). For this group the Glasgow Outcome Scale at six weeks was 4. For group 2, it was 24.6%. For group 3, it was 4.9% (Figure 6, Figure 7). The CLASS score was 0 (C: -2, L: -2, A: 0, S: +2, S: +2) and the Glasgow score was 1 (patient died 3 days after the operation).

We found 16 medical complications in 14 patients and 8 neurological complications in 8 patients (Table 2).

At six weeks after surgery, 77% of the patients had a good Glasgow score and 23% a poor one. The distribution of each group is in table 1. The mortality in our study was 23% for all groups.

DISCUSSION

We retrospectively applied the CLASS score to assess the surgical outcome of our 61 patients because it is simple, easy to apply and not specific for age or location.

In our study we found respectively 70.5% in group 1; 24.6% in group 2 and 4.9% in group 3 while Joung H Lee et al (6) found 51.4% in group 2, 36.3% in group 1 and 12.3% in group 3. This discrepancy may be explained by the fact that our sample size was smaller than that of the authors, our patients were relatively young, and the size of the lesion was very large because of the late diagnosis. We also had more patients in group 1 and group 2 and fewer patients in group 3 like the author. Intracranial meningioma occurs most often in elderly patients, and its risk increases progressively with age (7). However, in sub-Saharan Africa, the sociocultural aspect means that elderly patients do not accept surgery or treatment without radiological examination.

The Glasgow scale was first used to evaluate patients with traumatic brain injury (14) and we believe that it is applicable to evaluate patients operated on for meningioma. We had 9.83% poor GOS in group 1, 8.20% in group 2, and 4.91% in group 3. All these patients died, which means our overall mortality was 23%. Joung H Lee et al (6) had 1.8% (2/109) in group 1, 3.9% (6/154) in group 2 and 16.2% (6/37) in group 3. Some authors have reported a significant difference in mortality and morbidity between young and elderly patients after meningioma surgery (2). Ane Konglund et al. reported 3.9% as surgical mortality in this series of 168 patients, whereas the mortality rate in this age group of 80-90 years in the general Norwegian population was 37.2% (13).

Boviatsis et al. compared elderly patients with younger patients operated on for intracranial meningioma and found that the mortality rate did not differ significantly in the two groups (6.5% and 4.2%, respectively) (3).

Medical complications were 18.60% (8/43) in group 1, 53.33% in group 2, and 0% in group 3 because all patients in this group had died, whereas Joung H Lee et al. found 1.8%, 6.5%, and 10.8%, respectively (6). At the same time, neurological complications were 13.95% (4/43) in group 1, 13.33% (2/15) in group 2 and 0% in group 3, while the same authors found 7.3%, 15.6% and 24.3% respectively. This difference can be explained by the level of technology available to us but also by the overall experience of all the providers. Magill et al. in their series of 139 patients found 22 complications in 20 patients including 7 CSF leaks, 6 infections and 9 other complications (8). Ane Konglund et al (12) reported 13.7% of complications but Sacko et al (11) reported 9.4% in their patients in the 1990s. However, series on meningioma surgery in patients over 65 years of age report complication rates of 17.5% to 54.3% (12,5).

CONCLUSION

The CLASS algorithmic scale is a good tool for patient selection in meningioma surgery because it is simple, easily reproducible and applicable to all patients regardless of age and tumor location. It can be a useful tool especially for young neurosurgeons.

DISCLOSURES

The authors report no conflict of interest concerning the materials or methods used in this study or the findings specified in this paper. All authors have read and approved the manuscript.

 

Figure 1. The CLASS algorithmic scale7. 1 Sx = surgery; 2 Progres. = radiographic progression

 

Figure 2: Number of patients by group.

 

Figure 3: Example of Group 1 CT scan: preoperative axial view (left), coronal view (middle) and postoperative axial view (right).

 

Figure 4: example of Group 3 preoperative brain CT scan; sagittal (left) and axial (right) view.

 

Table 1: GOS distribution by group.

Group

Bad Good Total
Group1 6 37 43
Group2 5 10 15
Group3 3 0 3
Total 14 47 61

GOS = Glasgow Outcome scale

 

Table 2: Medical and neurological complications.

Medical complications Number

Neurological complications

Number
Infections 5 Neurologic deficit 2
Hemorrhage 2 Visual disorder 2
Hematoma of the cavity 2 Convulsion 2
Ion disorder 2 Frontal syndrome 1
Embolism 2 Anosmia 1
Venous thrombosis 1
Renal insufficiency 1
CSF Leaks 1
Total 16 Total 8

 

Table 3: Medical and neurological complications by group

Group

Medical complications Neurological complications
Group1 8/43(18,60%) 6/43 (13,95%)
Group2 8/15 (53,33%) 2/15 (13,33%)
Group3 0/3 (00%) 0/3 (00%)
Total 16/61 (26,22%) 8/61 (13,11%)

 

PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE, CLINIQUE ET ETIOLOGIQUE DES TROUBLES NEUROCOGNITIFS EN CONSULTATION MÉMOIRE À ABIDJAN.

INTRODUCTION

Depuis l’avènement du DSM5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), le thème « trouble neurocognitif (TNC) » tend à se substituer au vocable « démence ». Cette nouvelle appellation a un avantage évolutif car elle permet de distinguer deux types de TNC : « TNC majeur » anciennement appelé démence et « TNC léger » lorsque le stade de démence n’est pas encore installé (8). La démence étant un syndrome clinique caractérisé par une altération progressive des facultés cognitives et affectives suffisamment graves pour perturber le fonctionnement quotidien et diminuer la qualité de vie » (8).

Les TNC sont fréquents et la majorité (63%) des personnes atteintes vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire (26). Ils ont beaucoup été étudiés chez le sujet âgé avec une incidence qui augmente de façon exponentielle avec l’âge (2). Cela signifie qu’avec le vieillissement, le nombre de personnes souffrant de TNC augmentera également. On estimait à 46,8 millions le nombre de personnes atteintes de TNC dans le monde en 2015, dont un peu plus de la moitié (58%) vivrait dans les pays à faible et moyen revenu. Chaque année, on dénombre environ 9,9 millions de nouveaux cas. Ce chiffre devrait continuer à augmenter puisqu’il est prévu 74,7 millions d’individus atteints de TNC en 2030 et 131,5 millions en 2050. (3,18). Les causes des TNC sont nombreuses et le chef de file est la maladie d’Alzheimer (11).

Les TNC sont insuffisamment décrits en Afrique mais leur prévalence est estimée à 2,4%, comparable à celle observée dans la population mondiale (11). En Côte d’Ivoire, peu d’études ont été réalisées et ont concerné essentiellement les TNC majeurs (16). Cette étude a donc la particularité de prendre en compte les deux types de TNC (légers et majeurs) afin de mieux appréhender le profil des TNC et contribuer ainsi à améliorer davantage leur connaissance en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier.

METHODE

Type, cadre et période de l’étude :

Une étude prospective, multicentrique, à visée descriptive, s’est déroulée dans les deux unités de consultation mémoire à Abidjan dont l’une est située au CHU de Yopougon et l’autre à la polyclinique des 2 plateaux. La période de l’étude était de 4 ans, allant du 1er octobre 2016 au 31 octobre 2020.

Population de l’étude

La population de l’étude a concerné les patients qui ont été reçus en « Consultation Mémoire » dans les structures suscitées et durant la période de l’étude.

  • Critères d’inclusion

Les patients inclus dans cette étude devraient être âgés d’au moins 18 ans, avoir été scolarisés, avoir été soumis à une consultation mémoire et avoir réalisé un scanner ou une IRM cranio-encéphalique. En outre, les patients ne devaient pas présenter de trouble de la compréhension (aphasie de Wernicke) ni de trouble sensoriel visuel ou auditif.

  • Méthode d’échantillonnage

Il s’agissait d’un échantillonnage exhaustif de tous les patients reçus en consultation mémoire durant la période de l’étude

Techniques et outils de collecte

  • Mode de recueil (techniques) des données

Les données ont été recueillies à partir de l’anamnèse, de l’examen clinique, des tests neuropsychologiques et des examens paracliniques.

Le test neuropsychologique utilisé dans notre étude était le MoCA (Montreal Cognitive Assessment). Le MoCA est un des outils de dépistage des atteintes neurocognitives légères à sévères le plus utilisé dans le monde. Les nombreuses versions en font la preuve. Sa rapidité de passation et de cotation, l’absence de coûts pour se le procurer et l’utiliser, le nombre impressionnant de versions dans diverses langues et la facilité d’utilisation sont probablement les qualités expliquant que les professionnels de la santé y aient assez souvent recours. Il a d’excellentes qualités psychométriques qui ont été largement étudiées, et ce, pour les versions dans plusieurs langues. Il a l’avantage certain de permettre le dépistage des personnes ayant une atteinte neurocognitive légère, n’ayant pas l’effet plafond observé avec le MMSE. C’est pourquoi, il est important que la personne qui doit être évaluée ne semble pas avoir d’atteinte majeure ou qu’elle n’a pas de problèmes apparents liés à son autonomie dans les activités quotidiennes (20).

Le score maximal du MoCA est de 30 points. Un score ≥ 26/30 traduit une absence d’atteinte neurocognitive. Un score < 26/30 traduit une atteinte neurocognitive avec trois niveaux : un score compris entre 18 et 25 (18 ≤ score ≤ 25) traduit une atteinte légère ; un score compris entre 10 et 17 (10 ≤ score ≤ 17) évoque une atteinte modérée ; un score inférieur à 10 (score < 10) traduit une atteinte sévère.

  • Outils de collecte des données

La collecte des données s’est faite à l’aide d’un questionnaire. Ce questionnaire comprenait quatre grandes parties : les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, paracliniques et étiologiques. Nous avons renseigné notre questionnaire lors des « consultations Mémoires ». Les variables étudiées concernaient les aspects épidémiologiques, cliniques et étiologiques.

  • Les aspects épidémiologiques comprenaient l’âge, le sexe, la latéralité, la profession et le niveau de scolarité.
  • Les variables cliniques associaient les antécédents, le mode de consultation, le motif de consultation, les symptômes neurocognitifs ou psycho-comportementaux, le délai de consultation, les résultats du test du MoCA, l’autonomie, les signes physiques, les types de TNC et les examens paracliniques.
  • Les variables étiologiques concernaient les causes primaires ou neurodégénératives, les causes secondaires, les causes mixtes et les causes indéterminées.

L’étiologie des TNC s’est faite sur la base de l’anamnèse, de l’examen neurologique, du bilan neuropsychologique, du DSM-5 et des examens paracliniques.

Le trouble cognitif fonctionnel (TCF) est établi sur la base d’un déclin cognitif subjectif (la mémoire le plus souvent) qui ne s’explique ni par une lésion cérébrale, ni par un syndrome anxiodépressif sous-jacent.

Plan d’analyse des résultats (traitement des données)

Les données ont été enregistrées dans le logiciel CSPRO version 7.3 puis exportées dans le logiciel SPSS 26 pour l’analyse statistique. Les variables quantitatives ont été exprimées par leurs moyennes accompagnées de leurs écarts types si la distribution des variables suivait une loi normale. Les graphiques ont été édités à l’aide du logiciel Microsoft Office Excel 2013 et les tableaux à l’aide de Microsoft Office Word 2013.

Considérations éthiques

L’anonymat des patients a été respecté ainsi que la clairance éthique. Nous avons également obtenu l’autorisation des directeurs des différentes structures sanitaires où s’est déroulée notre étude.

RESULTATS

Aspects épidémiologiques

Cent quarante-sept patients ont été enregistrés durant la période de l’étude dont 111 remplissaient les critères d’inclusion avec une prédominance masculine (sex-ratio H/F = 2,7). La moyenne d’âge des patients était de 56,1 ± 19,2 (extrêmes de 18 et 93 ans). La proportion des patients dont l’âge est inférieur à 65 ans était de 60,4% (tableau 1). Le niveau de scolarité était primaire (8,1%), secondaire (51,4%) et universitaire (40,5%). Au niveau professionnel, les fonctionnaires (36%), les retraités (anciens fonctionnaires : 27%) et les professionnels du privé (19,8%) étaient les plus nombreux. Les antécédents étaient surtout les traumatismes crâniens (36,9%) et l’HTA (33,3%).

Aspects cliniques

Le motif de consultation était variable : troubles de la mémoire (74,8%), statut cognitif (15,3%), troubles du comportement (6,3%) et difficultés d’expression et/ou propos incohérents (3,6%). La consultation mémoire a été effectuée dans un délai ≥ 6 mois dans 74,8% des cas. Les signes physiques étaient essentiellement les syndromes pyramidal (4,5%) et extrapyramidal (2,7%). Selon le score du MoCA, le niveau d’atteinte des TNC était au stade de léger à modéré dans 68,4% des cas (figure 1), avec une autonomie préservée dans 65,8% des cas. Le TNC était léger et majeur respectivement dans 65,8% et 34,2%. Les anomalies radiologiques des patients figurent dans le tableau 2.

Aspects étiologiques

L’étiologie des TNC comprenait les causes secondaires (56,8%), mixtes (18%), primaires (16,2%) et indéterminées (9%). Les causes secondaires étaient les causes traumatiques (57,1%), vasculaires (20,6%), les troubles cognitifs fonctionnels (12,7%), les causes infectieuses (7,9%) et tumorales (0,9%). Les causes primaires ou neurodégénératives étaient composées de la maladie d’Alzheimer (88,9%) et du TNC fronto-temporal (DFT) (1,8%). La répartition de toutes les causes confondues est détaillée sur la figure 2.

DISCUSSION

L’objectif de notre étude était de déterminer le profil épidémiologique, clinique et étiologique des TNC en « Consultation Mémoire » à Abidjan en Côte d’Ivoire, d’octobre 2016 à octobre 2020. Cette étude a permis de mettre en exergue, une moyenne d’âge de 56,1 ans avec une forte proportion des sujets jeunes (<65 ans ; 60,4%,). Les patients étaient surtout de sexe masculin (73%) et le niveau de scolarité était dominé par les niveaux, secondaire (50,6%) et universitaire (40,5%). Le traumatisme crânien et l’HTA étaient les principaux antécédents respectivement dans 36,9% et 33,3% des cas. Le délai de consultation des patients chez le Neurologue au-delà de 6 mois d’évolution de la maladie était observé dans 74,8% des cas. L’autonomie des patients était préservée dans 65,8% des cas. Le TNC majeur (démence) était représenté dans 34,2% des cas. Les anomalies radiologiques étaient surtout vasculaires (42,7%). Les étiologies secondaires étaient les plus fréquentes (56,8%), dominées par les causes traumatiques (57,1%) et les causes vasculaires (20,6%). Alors que les étiologies primaires étaient essentiellement représentées par la maladie d’Alzheimer (88,9%). Quand on considère toutes les étiologies confondues (primaires et secondaires), les causes traumatiques étaient les plus fréquentes (32,4%), suivies par les causes mixtes (18%), la maladie d’Alzheimer (14,4%) et les causes vasculaires (11,7%).

La fréquence des TNC ne pouvait être déterminée dans cette étude du fait de la spécificité de la consultation mémoire qui n’enregistrait que des patients atteints de TNC. Par ailleurs, il s’agissait d’une étude hospitalière et les consultations mémoires étaient à la demande, il ne s’agissait donc pas d’un dépistage systématique. En outre, l’insuffisance de connaissance des TNC par le corps soignant et par la population, pourrait constituer un facteur limitant dans le recrutement des patients. Toutefois, notre échantillon qui a porté sur l’ensemble des patients reçus en consultation mémoire est suffisant pour fournir des résultats capables d’atteindre nos objectifs.

Aspects épidémiologiques

Les TNC observés dans cette étude concernaient une population en majorité jeune (<65 ans : 60,4%). C’est un fait qui serait lié à la pyramide des âges en Côte d’ivoire où la population ivoirienne est essentiellement jeune. Les sujets âgés (≥ 65 ans) représenteraient entre 2,82 et 2,87% de la population de 2016 à 2019 (14). Concernant le genre, certaines études incrimineraient le sexe féminin comme étant un facteur de risque des TNC (4,9,19). Notre étude a noté le contraire avec une prédominance masculine (73%). CHETTATI au Maroc, a aussi relevé le contraire avec un taux similaire de 70% (5). Le sexe féminin n’est donc pas un facteur de risque défini.

Les TNC sont fréquemment associés à un faible niveau d’éducation (4). Dans notre étude, le niveau de scolarité était élevé (secondaire et universitaire) car il était lié à la forte proportion des fonctionnaires et des professionnels du privé qui en général, sont des diplômés.

La proportion élevée des traumatisés crâniens observée dans les antécédents, traduit la grande sollicitation de la consultation mémoire après un traumatisme crânien. L’HTA, facteur de risque cardiovasculaire, aussi fortement relevée dans notre étude, est souvent associée à des TNC dans une population adulte jeune sans démence ni accident vasculaire cérébral (AVC), alors que chez les individus plus âgés, cette relation est inversée (10).

Aspects cliniques

Les troubles de la mémoire étaient aussi bien le premier motif de consultation dans notre étude que le maître symptôme. En effet, les patients et même certains praticiens, qualifient de trouble de la mémoire tout trouble neurocognitif ; ce qui n’est pas toujours vrai d’autant plus que l’analyse retrouve parfois un autre TNC autre que la mémoire.

Dans notre étude, le délai de consultation chez le neurologue était tardif (après six mois) pour la plupart des patients. Certaines raisons seraient en cause telle qu’une connaissance insuffisante des TNC par le corps soignant et par la population, avec son corollaire de considérations et de préjugés. Par ailleurs, les TNC sont parfois interprétés comme des signes du vieillissement normal surtout chez le sujet âgé. Ils sont aussi considérés comme des signes relevant de la métaphysique conduisant les patients vers une prise en charge traditionnelle. Par ailleurs, les TNC sont difficilement perceptibles au début et n’attirent l’attention de l’entourage ou des proches qu’à un stade où ils commencent à interférer sensiblement dans le quotidien du patient. L’étude réalisée au Maroc par CHETTATI a rapporté une proportion similaire de 74% (5).

L’autonomie était préservée chez la plupart des patients (65,8%) et pourrait être liée à la nature évolutive lente ou rapide de l’affection causale.

Les signes physiques neurologiques rarement observés dans notre étude dépendent de l’affection causale dont l’expression clinique est variable au début. Certaines affections débutent avec des signes physiques comme c’est le cas des causes vasculaires ou infectieuses et d’autres par des TNC purs (maladie d’Alzheimer) où les signes physiques apparaitront au stade avancé de la maladie.

La prédominance du TNC léger dans notre étude, traduit en général l’aggravation progressive des TNC donnant le temps aux patients d’être vus à un stade léger des TNC.

Les lésions vasculaires, anomalies radiologiques les plus fréquentes dans cette étude, seraient la conséquence de l’HTA. Cette dernière est à l’origine de modifications vasculaires qui affectent le débit sanguin et le métabolisme cérébral. Ainsi, les TNC peuvent être liés à la présence de lésions ischémiques focales (infarctus, lacunes) et/ou d’une ischémie chronique de la substance blanche (leucoaraïose) en rapport avec une atteinte des petites artères cérébrales (artériolosclérose) (13).

Aspects étiologiques

Contrairement aux causes primaires, les causes secondaires des TNC sont peu fréquentes (21). Cependant, elles étaient prédominantes dans notre étude, liées en partie à une plus grande fréquence des traumatisés crâniens observés en consultation mémoire. CHETTATI (5) a également relevé une prédominance des causes secondaires avec comme chef de file la neurosyphilis, dans une étude réalisée en hospitalisation.

Les traumatismes crâniens représentent la deuxième lésion post-traumatique par accident de la voie publique (AVP) avec (33,37%) et le deuxième motif d’hospitalisation en neurochirurgie après les pathologies rachidiennes (15). Ils sont l’une des causes majeures des TNC (12). Ils altèrent surtout la vitesse de traitement, l’attention, les fonctions exécutives et la mémoire. Ces TNC et les modifications comportementales associées constituent souvent les séquelles les plus durables des traumatismes crâniens sévères (24). Ils constituent la principale cause de notre étude car après la phase aigüe, la majorité des patients sont adressés en consultation mémoire pour un bilan neuropsychologique.

La proportion des causes mixtes était de 18%, les classant en deuxième position dans notre étude après les causes traumatiques. Bien que le diagnostic et le traitement actuels de la démence mixte restent un défi pour les praticiens, certaines études épidémiologiques et communautaires, ont permis de noter une prévalence allant de 1,7% à 35 % (6). Par ailleurs, des études suggèrent que la démence mixte est plus courante qu’on ne le pensait auparavant, avec plus de 50 % des personnes atteintes de démence qui ont été étudiées dans les centres de la maladie d’Alzheimer avec des preuves anatomo-pathologiques de plus d’une cause de démence (1).

La maladie d’Alzheimer était la 3ème cause dans notre étude alors qu’elle est la cause la plus fréquente des TNC dans le monde, représentant environ 60 à 80 % des cas. Ce classement diffère de celui de la littérature du fait de la spécificité de notre étude qui était exclusivement hospitalière avec une fréquence élevée de sujets jeunes chez qui les causes secondaires sont importantes.

Les causes vasculaires occupaient la 4ème cause dans notre étude, alors qu’elles sont classiquement la 2ème cause de démence dans le monde après la maladie d’Alzheimer (12,25). La forte présence des causes traumatiques et mixtes pourrait être responsable d’une modification de ce classement. Par exemple, dans l’étude de CHETTATI, elles occupaient la 2ème cause après la syphilis, quand on sait que cette étude a été réalisée en hospitalisation, milieu où les pathologies vasculaires sont habituellement prises en charge (5).

Les autres causes sont relativement rares. Ainsi, les troubles cognitifs fonctionnels (TCF) sont liés à une plainte de mémoire subjective. Ils sont rarement décrits et les critères diagnostiques ne sont pas encore bien établis. La fréquence de TCF n’a pas encore été déterminée et, bien sûr, variera selon les contextes (tels que les soins communautaires, primaires et secondaires et, dans ces derniers, entre les cliniques spécialisées en neurologie, gériatrie et psychiatrie pour personnes âgées). Dans notre étude, leur fréquence était de 7,2%. Les causes infectieuses étaient liées essentiellement au VIH avec un taux de 4,5%. Cette proportion ne reflète pas la réalité car la prévalence des TNC associés au VIH est élevée et varie selon les études. Quant à la DFT, elle a toujours été faible variant entre 2,3 et 2,6% (5,7,17,22). Elle est de 1,8% dans notre étude. Les TNC d’origine tumorale seraient peu fréquents et il existerait une association inverse entre le cancer et la démence et vice-versa (23). Notre étude a enregistré, une prévalence similaire de 0,9%.

Les causes indéterminées des TNC occupaient 9% des cas. Elles étaient en rapport avec plusieurs causes associées telles qu’une infection et un traumatisme crânien, un AVC et un traumatisme crânien etc. Dans ces cas il était difficile de déterminer la véritable cause.

 CONCLUSION

Les TNC en consultation mémoire à Abidjan, sont observés en majorité chez les sujets jeunes (<65 ans). Ils concernent surtout les hommes (3 hommes / 1 femme) et les sujets avec un niveau scolaire élevé. Sur le plan clinique, la principale symptomatologie était les troubles de la mémoire. Les signes physiques étaient rares contrairement à la sphère neurocognitive. La majorité des patients consultaient souvent après le délai de six mois et la plupart étaient au stade de TNC léger avec une autonomie préservée. Les résultats de l’imagerie étaient dominés par les lésions vasculaires. Au niveau étiologique, les causes secondaires étaient plus fréquentes dominées par les causes traumatiques tandis que la maladie d’Alzheimer était en tête des causes primaires.

En dehors de la prédominance des causes traumatiques qui apparait comme une particularité de cette étude, les causes classiques (Alzheimer, mixtes et vasculaires) étaient les plus fréquentes.

Tableau I : Répartition des patients selon les tranches d’âge

Age (années) Effectif (n) Pourcentage (%)
< 45 37 33,3
[45 -55[ 12 10,8
[55 – 65[ 18 16,2
[65 – 75[ 21 18,9
[75 – 85[ 21 18,9
≥85 2 1,8
Total 111 100

 

Figure 1 : répartition des patients en fonction du niveau de sévérité des TNC
Le niveau d’atteinte des TNC était au stade de léger à modéré dans 68,4% des cas

 

Tableau II : répartition des patients en fonction du type d’anomalie radiologique

Anomalies Effectif (n) Pourcentage (%)
Atrophie cortico – sous corticale 33 29,7
Lésions vasculaires 47 42,3
Leucoaraïose 22 19,8
AVCI 07 6,3
AVCH 18 16,2
Atrophie bi-hippocampique 16 14,3
Lésions traumatiques 34 30,6
Lesions tumorales 01 0,9

Les lésions vasculaires étaient les anomalies radiologiques les plus fréquentes (42,3%)

Figure 2 : répartition des patients en fonction des causes des TNC

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