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DERIVATION VENTRICULAIRE EXTERNE DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’HYDROCEPHALIE AIGÜE : Expérience du service de neurochirurgie de l’Hôpital Principal de Dakar

INTRODUCTION

L’hydrocéphalie se définit comme une dilatation active du système ventriculaire cérébral, soumis à un régime de pression anormalement élevée (1). L’hydrocéphalie aigue est une urgence médicale, elle peut se présenter sur un mode brutal d’emblée ou par décompensation d’une hydrocéphalie subaigüe ou chronique. Le traitement de référence pour l’hydrocéphalie aigue est l’insertion d’une dérivation ventriculaire externe (DVE) qui est une procédure d’urgence visant à drainer de façon externe et temporaire, le liquide cérébro-spinal (LCS) afin de réduire la pression intracrânienne (PIC) (2). Nous avons ainsi mené une étude rétrospective concernant 27 observations de patients présentant une hydrocéphalie aigüe chez qui les indications et les résultats de la DVE ont été évalués dans nos conditions de pratique.

PATIENTS ET METHODE

Il s’agit d’une étude rétrospective à visée analytique portant sur une période allant de Janvier 2019 à Juin 2022 soit une durée de 42 mois. Nous avons inclus les patients qui présentaient un tableau clinique d’hypertension intracrânienne et chez qui le scanner cérébral objectivait une hydrocéphalie aigüe. Une indication de DVE en urgence était posée et réalisée. Nous avons exclu de notre étude les patients dont les dossiers étaient incomplets ou non retrouvés. Les paramètres étudiés étaient les données épidémiologiques, cliniques, paracliniques, le délai de la chirurgie, et l’évolution de nos patients.

RESULTATS

Nous avions retenu 27 dossiers avec une moyenne d’âge de 43,78 ans, et des extrêmes allant de 12 à 76 ans. Notre étude comportait 9 patients de sexe féminin soit 33,33% et 18 patients de sexe masculin soit 66,67%, avec un sex-ratio de 2. Au sein de notre série 12 patients (44,44%) présentaient une hypertension artérielle dont 10 cas parmi ceux ayant présenté une hémorragie cérébrale. Nos patients avaient été reçus avec un score de Glasgow moyen de 9. Les extrêmes allaient de 03 à 14. Douze (44,44%) avaient un Glasgow inférieur ou égal à 8, chez qui une sédation plus intubation orotrachéale (IOT) était réalisée. L’examen des pupilles retrouvait une mydriase bilatérale réactive chez 06 de nos patients et une anisocorie dans 05 cas. Un scanner cérébral était réalisé chez tous nos patients (figure 1), mettant en évidence une hydrocéphalie aigue suite à une hémorragie sous arachnoïdienne (HSA) avec inondation intraventriculaire grade 4 de Fisher modifié (figure 2) dans 08 cas. Un hématome intra cérébral spontané avec inondation intraventriculaire massive et des signes de méningo-encéphalite sous forme de prise de contraste leptoméningée (figure 2) étaient retrouvés respectivement chez 07 patients chacun. Une hydrocéphalie obstructive sur tumeur de la fosse cérébrale postérieure était objectivée chez 03 patients ; une hémorragie massive intraventriculaire post chirurgie hypophysaire et une hémorragie intraventriculaire post traumatique dans un cas chacun. Une DVE était donc réalisée en urgence au bloc opératoire chez tous nos patients. Un cathétérisme de la corne frontale du ventricule latéral était réalisé par abord classique au point de Kocher, puis une tunnélisation sous cutanée du drain était effectuée (figure 3). Un kit de DVE de la marque CHHABRA avait été utilisé chez tous nos patients. La poche de drainage de la DVE était positionnée au lit du malade à +15 cm par rapport à la ligne horizontale passant par le conduit auditif externe chez tous nos patients. La DVE était productive et le LCS était hématique (figure 4) dans 15 cas, clair chez 11 patients et trouble dans 01 cas. A J1 post-DVE, nous avions des quantités de LCS allant de 57 ml à 400 ml avec un drainage moyen de 181 ml par 24H. A court terme, 14 patients avaient évolué favorablement avec un score de Glasgow amélioré dans les 48 heures post-DVE. Le reste des patients avait une évolution stationnaire ou défavorable. Une TDM cérébrale de contrôle immédiate n’avait été réalisée que chez un patient, objectivant un drain de DVE en place en intraventriculaire avec une régression de l’hydrocéphalie. La DVE était maintenue en place chez nos patients en moyenne 6,3 jours avec des extrêmes allant de 03 à 13 jours. La DVE était retirée dans 10 cas devant l’amélioration de l’état neurologique avec un score de Glasgow allant de 11 à 15. Notons que 02 de ces patients étaient décédés dans les suites de l’ablation de la DVE dans un contexte d’aggravation secondaire. Nous avions au total une mortalité de 70,4% dans un délai de 6 jours en moyenne, avec des extrêmes allant de 03 à 12 jours après la pose de la DVE chez 19 patients. Le contexte du décès était un resaignement et/ou un engagement cérébral suspecté dans 09 cas (47,3%), et un choc septique sur BMR (Bactéries Multi Résistantes) dans 08 cas (42,1%). Un patient était décédé des suites de son traumatisme, et un autre des suites d’exérèse d’une tumeur hypophysaire.

DISCUSSION

Dans l’hydrocéphalie aigüe, le tableau clinique est dominé par l’aggravation du syndrome d’HTIC ou l’installation de signes de gravité, sans être spécifiques. Des antécédents d’hypertension artérielle sont significativement liés à la survenue d’hydrocéphalie aigüe (3, 4), pouvant s’expliquer par le fait que l’HTA non contrôlée est le facteur de risque le plus courant d’hémorragie intracrânienne spontanée (5, 6, 7).  Ainsi, les présentations cliniques de nos patients restent globalement similaires et se rapprochent des données de la littérature (8, 9). Le scanner cérébral reste l’examen le plus accessible dans nos conditions d’exercice, donc de première intention, pour le diagnostic de l’hydrocéphalie aigue (10). L’effet de l’hémorragie intraventriculaire sur le développement de l’hydrocéphalie a été bien établi dans la littérature (3, 4, 11, 12). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale intervient dans la recherche étiologique et le retentissement parenchymateux de l’hydrocéphalie. Aucune IRM cérébrale n’avait été réalisée chez nos patients, pouvant s’expliquer dans notre contexte non seulement par le caractère urgent de l’hydrocéphalie aigüe mais aussi par l’inaccessibilité de l’IRM de par son coût et son indisponibilité dans certaines structures. La   dérivation   ventriculaire   externe   est   le   traitement d’urgence de l’hydrocéphalie aigüe. Elle présente en outre l’intérêt de permettre une mesure continue de la pression intracrânienne. La mesure de la PIC n’était réalisée chez aucun de nos patients car étant indisponible dans nos ressources. Il est à noter que dans notre contexte, au Sénégal, les kits de dérivation ventriculaire sont de la marque CHHABRA. Une ventriculostomie endoscopique (VCE) peut être réalisée en préopératoire ou peropératoire pour traiter au préalable l’hydrocéphalie chez des patients présentant une tumeur de la FCP avec hydrocéphalie sus jacente (13). La VCE apparaît comme un traitement de choix des hydrocéphalies aigües tri-ventriculaires obstructives (14). Cette technique n’avait pas été réalisée chez nos patients car ils présentaient des troubles de la conscience par décompensation d’une hydrocéphalie tumorale. Par ailleurs, la DVE était posée en urgence chez ces patients dès l’admission puis l’exérèse tumorale était secondairement réalisée. La DVE était faite au bloc opératoire avec une asepsie rigoureuse et une tunnélisation sous-cutanée réalisée chez tous nos patients. En raison de complications occasionnelles associées à la mise en place de la DVE au chevet du patient, certains ont recommandé le placement de la DVE en salle d’opération. Cette recommandation permet d’obtenir une technique plus stérile, une meilleure visualisation et une hémostase plus optimale du trou de trépan, et de procéder à la tunnélisation du drain (15). Cependant, la nature aigüe de l’augmentation de la PIC, le temps supplémentaire nécessaire pour accéder à la salle d’opération, les difficultés liées au transport des patients ont continué de favoriser l’utilisation émergente de la technique au chevet du patient (16). Concernant les HSA, la problématique du risque de resaignement lié au drainage ventriculaire reste une polémique, même si de nombreux auteurs ne trouvent pas de corrélation nette (9). Parmi nos patients, nous avons suspecté des cas de resaignement. La DVE était productive chez tous nos patients. La DVE était maintenue en place chez nos patients en moyenne 6,3 jours, avec des extrêmes allant de de 03 à 13 jours. Elle ne doit être laissée en place que pendant une courte période, en raison du risque septique. Ce délai varie entre 5 à 15 jours (17, 18, 19). La problématique du risque de survenue d’infection sur des DVE posées très longtemps soulève encore la controverse mais aucune série ne montre une corrélation positive entre la durée de la DVE et le taux de ventriculite (20, 21). La DVE était retirée dans 10 cas devant l’amélioration de l’état neurologique avec un score de Glasgow allant de 11 à 15. Chez ces derniers, une réduction significative du drainage était notée autorisant l’augmentation de la contre pression suivie d’un clampage du drain sur 48 heures avant son ablation. Notons que 02 de ces patients étaient décédés dans les suites de l’ablation de la DVE dans un contexte d’aggravation secondaire. Nous avions au total une mortalité de 70,4% dans un délai de 6 jours en moyenne, après la pose de la DVE chez 19 patients. Le contexte du décès était un resaignement et/ou un engagement cérébral suspecté devant une aggravation neurologique dans 09 cas (47,3%), et un choc septique sur BMR (Bactéries Multi Résistantes) dans 08 cas (42,1%) dont 03 dans un contexte de pneumopathie. Le taux d’infection sur DVE varie de 5 à 50% dans la littérature (22). Notons également que le taux de mortalité élevé de notre série n’est pas directement lié à la technique chirurgicale. Cette mortalité pourrait être expliquée par l’évolution propre de la pathologie causale, mais aussi par certaines défaillances du système sanitaire. Il faut noter l’absence de la mesure de PIC et d’une unité de neuroréanimation spécialisée dans notre pratique quotidienne. Tout ceci participant ainsi à assombrir d’avantage le pronostic de nos patients.

CONCLUSION

L’hydrocéphalie aigüe constitue un important facteur de mauvais pronostic et de surmortalité dans notre pratique. La dérivation ventriculaire externe, même si elle est associée à des complications graves telles que les infections, reste une méthode de choix dans la prise en charge en urgence. Cependant, la maitrise de la technique et la rapidité dans la prise en charge sont nécessaires pour de bons résultats.

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