AJNS
PROFESSEUR CHRISTIAN GIORDANO

Professeur Christian GIORDANO est décédé le 28 juin 2018 à Paris. La peine ressentie se fond et se confond dans un mélange de tristesse, de vacuité affective, de vifs souvenirs et d’une profonde reconnaissance pour celui qui a initié et guidé nos premiers pas puis notre parcours professionnel jusqu’au plus haut rang de la hiérarchie académique. Sa vie s’intègre à notre histoire personnelle.

Diplômé de l’école de santé navale de Bordeaux, sa carrière africaine a débuté très tôt en Afrique comme médecin militaire au Cameroun durant les tragiques événements du début des indépendances. Neuropsychiatre, assistant dans l’équipe du professeur Henri COLLOMB à Dakar, il avait participé à la mise en place des premières pièces du puzzle de la mosaïque neurologique qui couvre progressivement le continent africain.

Après avoir créé le premier service de neurologie à Abidjan en 1967, Professeur C. GIORDANO avait posé les fondations de l’école des neurosciences ivoirienne en constituant une équipe associant ses jeunes élèves unis dans la fraternité et la multidisciplinarité : neurologue, neuro-épidémiologiste, neurophysiologiste, neurochirurgien, neuroradiologue, neuropathologiste et neurorééducateur fonctionnel dans la vision de bâtir une école qui rayonnerait au plus haut niveau de l’excellence des neurosciences en Côte d’Ivoire, en Afrique. L’arborescence du savoir se déploie. Nous partagions la conviction et la certitude de réussir, et sous sa houlette nous partîmes effectuer au décours du clinicat de longs stages dans de prestigieux centres en France, aux États-Unis. La solide formation clinique d’une valeur inégalable qu’il nous avait transmise grâce à ses exceptionnelles qualités didactiques et pédagogiques nous avait fait intégrer avec aisance les équipes qui nous accueillaient dans la période de révolution de la neuro-imagerie rappelant la primauté fondamentale des données cliniques.

Un physique, une élégance et une posture altière méditerranéenne donnait une impression de personnalité forte et très affirmée gommée par une extrême sensibilité et une proximité affective. Il portait à chacun de nous une attention particulière tout en respectant nos personnalités différentes. Il aimait l’Afrique comme nous l’aimons c’est-à-dire sans complaisance. Amoureux des livres par un atavisme paternel, sa grande culture dépassait le cadre médical et enrichissait les échanges que l’on avait avec lui, suscitant la curiosité et l’interrogation, le désir de comprendre, essences même de la démarche scientifique qui veut que tout fait ou assertion doit être discutée. « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » disait Socrate. Ce fondement de la pensée critique qui fait avancer la science et la médecine est constitutive de votre enseignement. Merci, cher maître.

A son épouse et à ses enfants, nous exprimons notre profonde compassion. Yâko.

Prof Gilbert Dechambenoit

photo-3.jpg

PROFESSOR ERIC GRUNITZKY

Éric, …

Il est difficile d’évoquer Professeur Eric Grunitzky au passé tant il est encore là, présent. Eric sera toujours présent car il se fond dans le sillon des sciences neurologiques africaines dont le trait se profile à l’horizon sur une note intemporelle.

Le Professeur E Grunitzky a fondé l’Ecole neurologique togolaise avec une passion, une ténacité et une énergie incommensurable. Son humanisme s’exprimait par un dévouement total envers ses malades avec une distanciation par rapport aux biens matériels contrastant avec le consumérisme matérialiste ambiant en pleine croissance exponentielle. Un esprit libre. Un homme libre. Sa forte personnalité, son caractère entier et sa franchise pouvaient paraître brutales. Son extrême sensibilité contrastait avec un profil massif, une haute stature et pouvait s’exprimer par des explosions de colère qui retombaient aussi vite qu’elles naissaient. Sa vision du monde et de la médecine allait au delà de l’espace africain. Cette élévation était possible car fondée sur le socle d’une forte conviction de l’universalité de l’homme.

Fils d’un père Président de la république pro-occidentale, Eric suivit ses études de médecine en … URSS. Il bénéficia ensuite d’une excellente formation neurologique à Paris, à la Salpêtrière (Prof Castaigne) puis à Saint Antoine (Prof Contamin) où un poste d’assistant lui fut proposé. Profondément attaché à sa famille, au Togo, à l’Afrique il choisit de retourner vers son pays natal. Malgré un contexte socio-économico-politique extrêmement difficile marqué par plusieurs évènements tragiques, avec peu de moyen il réalisa des prouesses dans notre spécialité: prise en charge des épileptiques, des AVC, unité neuro-vasculaire, neuro-HIV, neuro-cysticercose, études épidémiologiques avec des cohortes impressionnantes, direction de plusieurs thèses … Indifférent à la « neuro-politique » qu’il considérait comme une débauche d’énergie, et une futilité égocentrique, sa disponibilité était focalisée sur ses malades. En 2004, sans budget, avec son équipe, en mobilisant amis, malades, sponsors privés, il avait organisé le premier Cours Supérieur de Neurologie et de Neurochirurgie sous l’égide de la Pan African Association of Neurological Sciences (PAANS) avec la participation de la Société Française de Neurochirurgie et la Société Allemande de Neurochirurgie. Ce cours fut un succès avec un solde budgétaire … positif. Un exemple.

Soucieux du futur, Eric s’est investi avec le dynamisme qu’on lui connaît, à former une dizaine de neurologues sans oublier de susciter et d’accompagner la vocation de plusieurs jeunes neurochirurgiens qui ont transité dans son service. L’enseignement, la formation des jeunes, l’évaluation des seniors hospitalo-universitaires via le (Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES) occupaient pleinement son agenda avec une vigueur et un intérêt constant. Lorsque les conditions académiques requises furent remplies, la création du DES de neurologie en 2009 à Lomé en concertation avec les équipes de Cotonou (Bénin), Dakar (Senegal) et d’Abidjan (Côte d’Ivoire) lui procura une immense joie.

Ce prussien cultivé, boulimique de lecture, lisant Pouchkine dans le texte, excellent clinicien avait perçu la baisse insidieuse de ses facultés avant de sombrer inéluctablement et injustement dans une maladie contre laquelle le combat était vain.

A titre personnel, notre relation a été et est fondée sur une profonde amitié fraternelle, fusionnelle, complice. A ce titre, je me sens légataire de proclamer avec le souhait de perpétuer les valeurs qui le constituaient : conviction, franchise, intégrité, droiture, altruisme.

Prof. Gilbert Dechambenoit


Eric, …

How difficult it is to speak of Professor Eric Grunitzky in the past ! He is so much present, still here. Eric will always be present because he fuses with the pathway of African neurological science, making its way over the horizon into something intemporal.

Prof Grunitzky is the founder of the Togolese School of Neurology, born of his passionate tenacity and immense energy. A humanist, he dedicated unlimited attention and care to his patients while keeping his distance from all material gain, a posture in contrast with our current increasingly materialistic consumerism. He was and remains a free spirit. A free man. His strong personality, uncompromising character and frankness made him appear at times harsh. Concealed however in his massive, tall frame, there was great sensitivity sometimes overflowing in outbursts of anger falling as quickly as they had erupted. His vision of the world and of medicine went beyond Africa. This larger view rested on a strong belief in the universal essence of man.

The son of a pro-western chief of state, Eric pursued his medical studies in….the USSR. Next, he received an excellent training in neurology in Paris, at la Salpêtrière (Professor Castaigne) then at Saint-Antoine (Professor Contamin), where he was offered a position of medical assistant. Deeply attached to his family, Togo and Africa, he decided to return to his native country. And there, despite extremely difficult political and economic conditions, marked in addition by several tragic events, Eric Grunitzsky, with very little means, accomplished feats in our medical specialty: providing care and support to epilepsy patients and victims of heart attacks, creating a stroke unit, treating neuro-HIV, neuro-cysticercosis, epidemiological research with an impressive number of cohort studies, supervising several theses … Indifferent to “neuro-politicking”, which he considered a waste of energy and self-centered triviality, he primarily concentrated on this patients. In 2004, with no budget whatsoever, by relying on his team and by mobilizing friends, patients and private sponsors, he organized the first ever high-level Course in Neurology and Neurosurgery under the aegis of the Pan-African Association of Neurological Sciences (PAANS), with the participation of both the French Society of Neurosurgery and the German Society of Neurosurgery. The Course was a success, concluding – incredibly – with a positive financial balance! As always, Eric was exemplary.

Concerned as usual with building for the future, Eric invested his characteristic dynamism in training ten neurologists, while encouraging and supporting the vocation of several young neurosurgeons in transit through his department. These activities – teaching, training young professionals, evaluating the senior hospital and university-level professionals (through the CAMES – African and Malagasy Council on Higher Education) – fully occupied his work agenda and were conducted with constant vigour and interest. His happiness was immense when the academic pre-requisites being met, it became possible to create, in 2009, a DES in neurology in Lomé, in close cooperation with the teams in Cotonou (Benin), Abidjan (Côte d’Ivoire), Dakar (Senegal)
.
Eric, the cultured Prussian, a book-addict, who read Pushkin in the Russian original, and who, as the excellent clinician that he was, perceived the insidious decline of his faculties before sinking into an illness against which fighting was useless.

On a personal level, our relationship, Eric and I, was and remains a deep, strong and brotherly bond of friendship. There was complicity between us. I feel a legatee of Eric and entitled to express the hope that I can keep alive the values that he embodied so well: conviction, straightforwardness, integrity, rectitude and altruism.

Prof. Gilbert Dechambenoit

Professeur Eric Grunitzky

Professeur Eric Grunitzky

ATOS ALVES DE SOUSA, MD, PH.D.

Our Friend, Colleague,

Atos Alves de Sousa, M.D., Ph.D.

Honorary President of the WFNS

Prof and chairman of Neurosurgery Santa Casa and Lifecenter Hospitals

Belo Horizonte – Minas Gerais -Brasil

passed away during the night of November 17th. A fulminant heart attack.

The International Neurosurgical community has lost one of its most brilliant members.

His passionate desire and will to share neurosurgical knowledge spontaneously propelled him everywhere around the globe with a total availability. A particular attention to and for Africa. In spite of his “world” repute and statute, Atos did not play “neuropolitics”. He practised neurosurgery. He taught neurosurgery. He was offering neurosurgery. With a calm and serene passion. By listening to him, the complexity of a procedure became simple. His modesty commanded respect.

An epitome of excellence, humanity, ethics.

Our thoughts and prayers accompany him.

Gilbert DECHAMBENOIT, MD, MSc Health Econ

Professor of Neurosurgery

President, Pan African Association of Neurological Sciences


Notre Collègue, notre Ami,

Atos Alves de Sousa, M.D., Ph.D.

Honorary President of the WFNS

Prof and chairman of Neurosurgery Santa Casa and Lifecenter Hospitals

Belo Horizonte – Minas Gerais – Brasil

s’en est allé dans la nuit du 17 novembre. Infarctus du myocarde.

La communauté neurochirurgie mondiale vient de perdre un de ses membres les plus brillants.

Son ardente volonté de partager le savoir neurochirurgical l’a mené avec spontanéité partout autour du globe avec une totale disponibilité. Avec une attention particulière pour l’Afrique. Malgré son statut « mondial », Atos ne faisait pas de la « neuropolitique ». Il pratiquait la neurochirurgie. Il enseignait la neurochirurgie. Il offrait la neurochirurgie. Avec une passion calme et sereine. La complexité d’une procédure devenait simple en l’écoutant. Sa modestie forçait le respect.

Un exemple d’excellence, d’humanité, d’éthique.

Nos pensées et prières l’accompagnent.

Gilbert Dechambenoit

Gilbert DECHAMBENOIT, MD, MSc Health Econ

Professor of Neurosurgery

President, Pan African Association of Neurological Sciences


Dakar-2.jpg


DSC_0652_2_-_5-2.jpg


LIVRE – ABORDS CHIRURGICAUX DU RACHIS

APPROACHES FOR SPINAL SURGERY / ABORDS CHIRURGICAUX DU RACHIS

By/par Prof G. DECHAMBENOIT & K K N KALANGU

Edition SAURAMPS MEDICAL, 2007

ISBN : 9782840235439

Abords Chirurgicaux du Rachis / Approaches for Spinal Surgery

PAUL, LAURENCE, RENATO (fr)

PAUL GIRARD, LAURENCE LEVY, RENATO RUBERTI viennent de nous quitter. Trois Collègues. Trois Européens. Trois Africains. Trois Hommes. Ainsi, l’année 2007 a vu partir trois illustres professeurs de neurochirurgie et de neurologie du continent africain. Quelque soit les latitudes, lors d’un départ d’un proche, nous nous interrogeons sur son parcours, sur ses choix afin de retirer les enseignements qui pourraient nous aider au cours de notre vie.

Je ne voudrais pas évoquer les qualités scientifiques et professionnelles de nos confrères. Nous les connaissons tous. Ils nous ont laissé de nombreux enseignements et ont soigné des milliers de malades dans un souci de l’excellence. Ils nous ont également montré et démontré que la qualité de l’exercice neurochirurgical, neurologique, le service rendu aux populations ne requièrent pas nécessairement un environnement des plus sophistiqués.

Ce qui interpelle est la particularité de leur parcours tournant autour de la problématique existentielle du choix. En effet, nous n’avons aucune emprise sur le choix de notre naissance et de notre mort. Pour le reste, les options que nous retenons tout au long de notre vie relèvent de notre décision, de notre responsabilité. Laurence, Paul, et Renato auraient pu choisir d’exercer là où ils sont nés – en Grande Bretagne, France, Italie – car les conditions environnementales, politiques, sociales, et économiques auraient été des plus clémentes. Rien ne les obligeait à faire le choix de vivre et de servir en Afrique, continent en mutation, en pleine turbulences. Seul l’amour donne la force d’affronter un combat considéré comme perdu à l’avance ; l’adhésion à une philosophie d’humanisme également, dont les fondamentaux sont : la liberté, la tolérance, l’indépendance, et l’ouverture aux autres. Le monde actuel se singularise par un paradoxe. L’accélération de la mondialisation rétréci l’espace et le temps et pourrait servir activement au rapprochement des peuples. On observe plutôt un repli identitaire, et une résurgence d’un nationalisme menaçant, sur fond de tests de « traçage » à l’ADN …

Le parcours qui a été celui de nos confrères nous démontre que ce monde appartient à l’espèce humaine entière car issue d’une même souche. Les migrations de l’homo sapiens depuis 200 000 ans attestent de l’inanité, de la vacuité du statut d’autochtone. Les professeurs LEVY, GIRARD, ET RUBERTI sont des autochtones de notre planète Terre. L’Afrique leur en sait gré de nous l’avoir rappelé.

Qu’ils reposent en Paix !

Gilbert DECHAMBENOIT

  • Articles récents

  • Commentaires récents

  • Archives

  • Catégories

  • Méta


  • © 2002-2018 African Journal of Neurological Sciences.
    All rights reserved. Terms of use.
    Tous droits réservés. Termes d'Utilisation.
    ISSN: 1992-2647